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a) La bonté de Dieu et la magnificence de l’homme

Les Luba-Kasaï ont une forte croyance que tout ce qui chante et respire, tout ce qu’un homme peut posséder lui est donné par Dieu lui-même. Tout ce qui existe sur la terre des hommes appartient à Dieu Maweja. Dieu est la source de tout bonheur. Les Luba attestent cette conviction à travers bien des chants, des cultes, des fables, des légendes ou encore des contes et des proverbes. Par exemple dans les chants courants souvent exécutés à l’occasion de diverses séances de cultes, de prières ou de cérémonies, les Luba affirment spontanément l’acte de Dieu comme la source de tout bonheur à travers tous les biens créés. En témoigne les chants tels que :

Bionso bindi na bio mbia Mufuki Nansha Ngombe nansha Mpunda, Nansha Mabanji ne Mamfumu, Nansha Bakaji nansha Bana.

Ce qui revient à dire : Tout ce que je possède, je le tiens de Dieu ou appartient au Dieu créateur, qu’il s’agisse des troupeaux des vaches et des moutons, qu’il s’agisse des richesses ou de pouvoir, ou encore des femmes et des enfants, tout appartient à Dieu Maweja a Nangila (Dieu aimant, Dieu de toute bonté).

Bintu bionso mbia Mvidi, Mvidie wa muulu wafuka wafukila muinsh’a kabue, kabue konso kafuba : Tout appartient à Dieu. Le Dieu très haut a tout crée, il a tout crée d’en dessous du petit palmier, lequel se dessécha.

Il ne fait l’ombre d’aucun doute que, chez les Luba-Kasaï, seul Dieu est le créateur de toute chose. Et ces choses Dieu les a créées pour le bonheur de l’homme qui le lui donne toujours d’avantage et en abondance. À son tour l’homme est appelé à manifester sa reconnaissance à son créateur à travers les sacrifices, les chants et les cultes spéciaux. Avec les paroles plus fortes, les Luba-Kasaï magnifient la bonté infinie de Dieu en disant par exemple :

Kambi kupa tuanza tualua tukese : quand Dieu veut donner les mains deviennent trop petites pour tout prendre ou contenir.

Ukupapa bu mubibenge yéyé mwina : il te donne comme si lui n’en a pas besoin.

b) La providence divine

Ce bonheur, Dieu le donne à tous les membres de la communauté d’être, à tous ceux qui le lui demandent parce qu’il est le Dieu de tous, sa bonté et sa providence valent autant pour tout un chacun indistinctement et même au-delà de leurs désirs. De cette manière, les Luba le reconnaissent comme un :

Tshiipapayi upapa ne mitshi muitu : c’est-à-dire un Dieu d’une bonté incommensurable ou extrême, le mat qui donne à tous les humains et même aux arbres de la forêt.

Cette providence, non seulement marque la conscience des individus mais également elle exige l’effort d’une vie honnête et juste de la part de chacun des membres de la communauté de vie. La jalousie ou l’agitation en vue de l’accaparement des biens de la terre n’apporte rien du tout. Ou encore, la personne qui recourt aux forces de la nature ne reçoit qu’un bonheur éphémère. Les Luba-Kasaï expriment une réserve sur les biens mal acquis ou des biens obtenus par le biais des combinaisons obscures. Ils s’avisent que, c’est Dieu qui donne, et le bonheur qui vient de Dieu dure dans le temps et progresse indéfiniment. En témoigne ce dicton :

Kabiena kukuila Mulopo ubipapa bantu : le bonheur n’est pas à obtenir par la lutte, car c’est Dieu seul qui le donne aux hommes.

Puisque c’est Dieu seul qui pourvoit aux besoins de tout un chacun, il ne point question de ravir aux autres leurs biens pour son propre bonheur. Les Luba-Kasaï renseignent formellement à leur communauté en imposant quelques normes de vie on ne peut plus rigoureuses. En témoignent les normes telles que :

Teke tshianza pa Kebe pa kabende nkukeba diyoyo : mets la main sur ce qui t’appartiens, si tu t’empares de ce qui n’est pas à toi, tu cherches querelle.

Kantu kabende Kantu mambu nansha kikala ka mulunda weba : le bien d’autrui peut provoquer conflits et querelles même s’il appartient à ton ami.

Kanya, Kanya Kena tshiaku nansha kikala mpala butshika : même si le propriétaire ou mieux le détenteur du bien est un petit homme moche, moribonde et indésirable, mais le bien lui appartient de fait et même de droit.

L’observation stricte de ces normes éthiques, constitue une garantie de la possibilité que Dieu peut à tout moment faire pleuvoir le bonheur et tant d’autres dons sur l’individu. Cette observation joue aussi le rôle de protection et de la promotion de l’acquis reçu de Dieu lui-même. Dans cette société, il semble rare d’accepter la prise de bien d’autrui par la force ou encore par des voies peu éthiques. Ici tout se doit d’être prouvé que l’on en est réellement propriétaire, que le bien vous appartient de droit et de fait, et qu’il peut en aucun cas provoquer des querelles dans la communauté d’être. L’individu est donc tenu à l’honnêteté et au respect du bien d’autrui autant qu’il le peut pour le bien public ou bien commun. En d’autres termes, dans l’imaginaire luba- kasaï, en demeurant honnête et en respectant ainsi le bien d’autrui ou en prenant soin du bien d’autrui, on se met dans une position favorable pour obtenir des grâces de Dieu Maweja a Nangila, qui est la source infaillible et intarissable de tous biens. Du rejet catégorique du vol ou de l’usage de la force pour arracher le bien d’autrui, la société convie ses membres à la lutte contre l’envie qui amène le plus souvent les hommes soit à supprimer la vie, soit à commettre des fautes.

En outre, dans la capacité de conserver et de promouvoir ce bonheur, les Luba considèrent comme vicieuses toute envie et toute jalousie. Car envier le bien d’autrui ou exprimer la jalousie, entraîne les conflits et brise de ce fait même l’harmonie de la relation et l’équilibre social. De la sorte, la sagesse luba-kasaï convie les membres à la vertu de la patience, car le maître et le dispensateur de tous biens, Dieu le créateur, les prédispose pour tout un chacun, et chacun en son temps. On peut encore recourir aux proverbes, aux dictons, aux fables et aux chants pour expliquer davantage ce processus et cette garantie de la promotion du bonheur partagé :

Kunangidi bifuelele, bualu bilengele bitshivuavua (bitshi lualua) : ne te contente pas des biens présents, tu verras le plus grand bonheur dans l’avenir.

Katende wavuala tshia pa buebe bunene Kunangidi bia ba Munkanku ne Mukute : Katende (petit oiseau) portes ce qui est à ta taille ; n’envie pas les tailles des grands Munkanku et Mukute.

Kunangidi muvualavuala Kabuta wadiakavuala tshiebe tshidimu : n’envie pas et ne jalouse pas la parure de Kabuta, tu porteras la tienne en ton temps.

Mbuji utu wadia pa bule bua monji : la chèvre broute aussi loin que lui permet d’aller la laisse qui est à son cou.

Au demeurant, ces normes qui sont de mise dans le processus d’acquisition du bonheur implique non seulement l’idée de la providence, mais également élève à son comble l’éthique de la vie commune. Les Luba-Kasaï savent que Dieu réserve ce bonheur à tous les membres de la communauté de destin, mais chacun en son temps et à son rythme. Rien ne sert, en effet, de courir ou de forcer la nature, il faut tout simplement user de la patience pour jouir d’un bonheur beaucoup plus grand. Ce qui revient à dire que la durabilité de son bonheur tient à l’effort même de chacun à respecter et à observer les normes éthiques de la vie pratique qui exigent que tous les membres se remettent à Dieu et s’engagent résolument par un travail personnel pour trouver des moyens à la réussite de la vie.

CHAPITRE QUATRIÈME

LA PERSONNE, L’INDIVIDU ET LA MEMBRALITÉ