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Comment « sortir » de la dépendance ?

Dans le document Frank Bournois Thierry Chavel (Page 163-166)

Pourquoi vouloir sortir de la dépendance quand il suffit de ne pas y entrer…

simple mais pas facile. En effet, il vaut mieux a priori prévenir que guérir, et les codes de déontologie de la profession présentés ci-dessous y contribuent lorsqu’ils sont respectés :

« L’exercice professionnel du coaching nécessite une supervision » ;

« Conscient de sa position, le coach s’interdit d’exercer tout abus d’influence » ;

« Le coach adapte son intervention dans le respect des étapes de développement du coaché. »1

On retrouve des termes similaires dans la Charte coaching de Syntec et d’autres documents de diverses fédérations.

D’où l’intérêt de vérifier que son coach respecte, ou au moins connaît, ces aspects de la déontologie.

Par ailleurs, il me semble important d’établir les engagements réciproques des parties, de préférence de manière écrite et contractuelle, donnant ainsi des limites au coaching, notamment concernant les objectifs visés, la durée, la fré-quence et le nombre de séances, ainsi que le lieu et le budget.

Un bon niveau de vigilance côté coaché et prescripteur, dans les entretiens préalables au coaching, serait un plus pour détecter chez le coach des signes tels que : parle beaucoup, avec charisme, séduit, argumente, démontre, conseille, guide, oriente, aide, protège, rassure, soutient, cherche souvent à avoir raison ou à avoir le dernier mot, manipule (« voilà ce que je pense mais ceci dit, vous

1. Respectivement art. 1-3, 1-4 et 2-4 du code de la Société française de coaching.

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faites ce que vous voulez »), flatte, etc. Évidemment ce ne sont que des signes, qui ne garantissent en rien la détection d’un risque de dépendance. De plus, le manipulateur aguerri est capable de les cacher. Et il faut aussi distinguer la phase de vente, qui peut générer ce type de comportements, et la phase de coa-ching où le comportement du coach peut être complètement différent.

Un bon indicateur reste le ressenti du coaché : a-t-il, au fond de lui, réellement envie de travailler avec ce coach ? A-t-il a priori confiance ? Pense-t-il pouvoir progresser avec lui ? Enfin, en termes de prévention, une « bonne » supervision est conseillée pour le coach, sous-entendue une « supervision-déconstruction », qui l’aide à prendre conscience de ses travers et dérapages ; il ne s’agit pas de sol-liciter les personnes qui l’ont formé et qui risquent d’entretenir ces dérives en le confortant dans les modèles qu’ils ont co-construits lors de sa formation.

Si la dépendance est déjà installée, le mode curatif n’est possible que s’il y a prise de conscience et engagement personnel dans la voie de la « guérison », s’il y a en fait responsabilisation : comme pour l’alcoolisme, le coaché dépendant ne peut s’en sortir que s’il devient responsable et n’est plus pris en charge (par son coach/gourou/mentor…). Peut alors être entrepris un travail visant à se libérer du conditionnement qui sous-tend la dépendance, en rompant le contact avec la source de la dépendance (coach, technique de coaching, lieu ou bénéfices secondaires), car le réflexe conditionnel peut disparaître s’il n’y a plus de stimulation ; on dit alors qu’il y a extinction. Comme dans tout sevrage, de manière à limiter les risques de rechute et/ou à remplacer cet accompagnement jugé malsain par un meilleur accompagnement, envisager un autre accompa-gnement sur un plan psychologique ou thérapeutique, ou encore en mode coa-ching (un coacoa-ching pour se libérer du coacoa-ching… de préférence avec un autre coach, venu d’un autre réseau dans ce cas) peut être conseillé, avec un focus important sur le développement de l’autonomie de la personne. Au final, cela revient à remplacer le conditionnement jugé malsain par un conditionnement jugé meilleur. La difficulté première reste la prise de conscience. Et à ce niveau, le prescripteur, qui peut se référer aux différentes clauses du contrat, ainsi que tout l’entourage professionnel et personnel du coaché ont un rôle important à jouer, car ils apportent un regard extérieur plus impartial, à moins qu’ils n’aient intérêt (bénéfices secondaires ?) à ce que le coaching se poursuive…

Enfin, au risque d’être un peu provocateur et de déconstruire quelque chose au passage, je me demande pourquoi vouloir « sortir » d’une dépendance si l’on s’y sent vraiment bien et que l’on choisit en conscience d’y rester ? Qui mieux

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que moi est capable d’évaluer si une dépendance est bonne ou pas pour moi ? Moi seul ai la responsabilité de privilégier tel ou tel de mes bénéfices, qu’il soit primaire ou secondaire.

Si je reprends l’idée d’évaluer ma dépendance sur l’échelle du docteur Maultsby, il me suffit de trouver au moins trois « oui » en réponse aux cinq questions de l’évaluation, pour décider de la garder. Exemple : « J’ai un très bon coach : chaque fois que j’ai un problème, je le consulte et il me donne la solution. Je suis moins stressé dans mon travail, c’est meilleur pour ma santé (premier oui). Les solutions qu’il me préconise me permettent d’atteindre mes objectifs professionnels (deuxième oui). Chaque fois que je suis confronté à un conflit, je temporise et j’attends de pouvoir en parler avec lui, ça m’aide à éviter les conflits (troisième oui). Évidemment, je ne suis pas très autonome et deviens progressivement dépendant de mon “bon coach”, car il s’agit là davan-tage d’une relation de conseil que d’une relation de coaching, mais je peux décider en conscience de maintenir cette relation parce que, tout simplement, elle me convient. » Ce coaching pourrait être alors une sorte d’interdépendance bienfaisante, choisie en conscience des limites qu’elle impose. Reste à savoir ce qu’en pense le(s) prescripteur(s) au sein de l’entreprise…

Au final, malgré toute la logique rationnelle que j’essaie de mettre dans mon raisonnement, je ne sais pas vraiment ce qui est bon ou mauvais, je ne connais pas la réalité, je ne connais que mes représentations de la réalité, et ce qui est jugé malsain aujourd’hui ne le sera peut-être plus demain. Face à ces doutes, ce qui me paraît essentiel est de se connaître soi, d’être en mesure d’évaluer la situation et de décider en conscience d’arrêter ou de poursuivre le coaching.

Un travail d’éveil et de conscientisation me paraît donc primordial pour pré-venir ou guérir d’éventuelles dépendances.

Pour aller plus loin

Qui (de la poule ou de l’œuf ) est apparu en premier : la dépendance du coaché ou la dépendance du coach ?

Concernant le coaching d’équipe : une équipe, voire une entreprise entière, peut-elle être dépendante d’un coach ? De techniques de coaching ? D’une école de coaching ?

…/…

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Dans la relation tripartite entre coaché, prescripteur et coach, qu’en est-il du prescripteur, de ses croyances et de son propre niveau de dépendance ?

L’entourage personnel du coaché favorise-t-il la dépendance au coach ? Et celui du coach favorise-t-il la dépendance au coaché ?

L’autonomie est-elle une interdépendance congruente ?

Faut-il pondérer les cinq questions de l’échelle du docteur Maultsby en fonction de mon échelle personnelle de valeurs (exemple : ma santé est plus importante pour moi que mes objectifs) ? Le score ne serait plus alors un nombre de oui, mais un nombre de points, pour une évaluation en phase avec mes valeurs.

Dans le document Frank Bournois Thierry Chavel (Page 163-166)