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Qu’est-ce que le coaching d’équipe ?

Dans le document Frank Bournois Thierry Chavel (Page 180-185)

Le coaching d’équipe consiste à accompagner collectivement des personnes réunies ensemble pour réaliser une entreprise commune, en les aidant à coo-pérer, c’est-à-dire transformer leurs oppositions, leurs rapports de force et de pouvoirs, leurs désaccords, bref leurs différences, en complémentarités, et à regrouper leurs énergies pour aller dans la même direction.

L’être humain, complexe, est inégalement pourvu en compétences et motiva-tions pour s’adapter efficacement et sereinement, et croître avec épanouisse-ment face aux situations de travail professionnel qu’il rencontre. Or, par définition, toute entreprise entraîne la réunion de plusieurs personnes, a minima deux, unissant leurs natures – savoir-être et savoir-faire – dans des relations d’échanges, en vue d’atteindre un but (en) commun, mais dont le sens individuel pourra être très différent selon les enjeux des participants : cer-tains seront acteurs, d’autres réalisateurs, producteurs ou scénaristes…

C’est là que naissent les difficultés, en raison de ces divergences – issues de nos histoires propres, singulières et uniques, notamment dans notre rapport à l’apprentissage et à l’éducation, au pouvoir et à l’autonomie – à gérer, maîtriser, contrôler, en conscience, nos émotions et leurs réactions, et à les utiliser positi-vement, de façon constructive, en vue d’obtenir des résultats concrets et d’avancer dans le même sens, sans trop de jeux psychologiques mobilisant inu-tilement nos énergies ! Le sujet concerne donc l’amélioration de l’« intelligence relationnelle » entre les personnes (au sens anglo-saxon : connaissance, conni-vence, communication, conscience, confiance, coopération).

La notion de synapse et leur redoutable puissance n’étant pas loin, sachons lire entre les lignes, tant directrices des dirigeants que participatives de leurs collaborateurs : car tout dépendra de l’art et la manière, du processus, avec les-quels les relations se noueront puis se dénoueront, pour agir ensemble. Tout en tenant compte du fait que « nul n’est dupe des jeux qu’il joue », et nous en jouons tous en permanence, que cela nous plaise ou non, car c’est ainsi que l’être

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humain a été fabriqué (Descartes : « J’avance masqué sur le théâtre du monde »1 ou Verdi à sa façon : « Tutto nel mundo e burla »2). Avec qui et comment les jouons-nous, pour quelles raisons : bonnes/efficaces ou mauvaises/inefficaces, sans connotation morale, le principe essentiel du coaching étant la « suspension de jugement », le « crédit d’intention » ou encore le « bénéfice du doute » – et dans quels buts ? Eric Berne, fondateur de l’analyse transactionnelle (AT), nous en donne un aperçu dans son ouvrage Que dites-vous après avoir dit bonjour ? 3, à travers le concept de « structuration du temps »…

Team-building, team-coaching et coaching d’équipe

L’une des principales instances représentatives nous dit : « Le coaching d’équipe est l’accompagnement d’une équipe dans sa réflexion, son fonctionnement, sa prise de décision et ses actions pour gagner en autonomie, confort, performance et cohérence. »4 Elle distingue :

Le team-building : concentré dans un temps court et utilisé ponctuelle-ment, il a pour fonction de construire, de l’extérieur, une dynamique d’équipe performante par rapport à un objectif donné. Destiné à dévelop-per la motivation, la cohésion et la dévelop-performance d’une équipe, il vise un résultat direct et rapide. Dans une logique de stimulation des participants, le consultant s’appuie sur des animations pédagogiques, psychométriques ou ludiques, et conforte le rôle de leadership de la hiérarchie.

Et le team-coaching : s’inscrivant dans la durée, il permet d’accompagner une équipe dans sa réflexion, en congruence avec ses objectifs. Dans une logique de développement de son fonctionnement et de ses performances collectives, il a pour effet, en révélant l’énergie présente dans le groupe, de provoquer et d’accompagner un changement plus durable – profond et pérenne – à travers une démarche de questionnement, de responsabilisa-tion et d’autonomie grandissante. Le coach maîtrise les méthodes de déve-loppement personnel et dispose d’une très bonne connaissance de la psychologie des personnes, des groupes (approches systémiques).

1. Déclaration de Descartes dans le préambule des Cogitationes Privatae (1619).

2. « Tout au monde est burlesque/bouffonnerie », opéra Falstaff de Verdi, créé à la Scala en 1893.

3. E. Berne, Que dites-vous après avoir dit bonjour ?, Sand & Tchou, 1999.

4. Syntec.

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Personnellement, je crois les deux méthodes complémentaires, même si je penche résolument pour la seconde, plus efficace et rentable à terme, à condi-tion de savoir y intégrer parfois du team-building…

Voici deux tentatives de définitions élaborées à partir de mon expérience et d’éléments d’autres praticiens :

1. Le coaching d’équipe cherche à améliorer la performance collective du groupe de personnes accompagnées, par le renforcement de leur cohésion (capacité à former un tout, une unité, une communauté solidaire de ses idéaux, ses valeurs et ses émotions), de leur cohérence (capacité à discerner – clarifier, dis-tinguer et différencier – les responsabilités, les décisions et les actions indivi-duelles, et à les intégrer dans le sens des objectifs globaux, grâce à l’élaboration de règles communes) et l’accord sur leurs objectifs et la contribution de chacun à une stratégie partagée et fédératrice des énergies. Il tend à optimiser les synergies relationnelles rendant le tout supérieur à la somme des parties.

2. Le coaching d’équipe consiste à ce qu’un binôme de coachs accompagne dans la durée (habituellement de 6 à 24 mois) une équipe de 6 à 12 indivi-dus (sinon, ce n’est plus une équipe à dimension humaine !), réunis pour réaliser une vision et mettre en œuvre efficacement, tous ensemble, sous la responsabilité claire de l’un d’entre eux en tant que dirigeant (également accompagné), un projet, ou une mission, global et commun, se déclinant en objectifs individuels et collectifs, et débouchant sur l’atteinte, voire le dépassement, de résultats très concrets (à la fois visibles, tangibles, monnaya-bles, et surtout « co-créés », selon l’origine étymologique du terme : c’est d’ailleurs la perspective de ce « faire ensemble » qui est la clé de voûte de tout le système)…

Cette seconde définition présente quelques particularités. La plus significative concerne l’intervention systématique d’un binôme de coachs, de préférence masculin/féminin. Pourquoi ? D’abord car cette paire représente la première des équipes, à l’image de la cellule de base constitutive de toute forme de trans-mission de la vie sur cette terre, bref, du couple. Ensuite, car selon une approche systémique en miroir, il est nécessaire de mettre un système face à tout système, pour favoriser la prise de conscience de ce qui se passe dans les relations, tant entre les membres de l’équipe des participants que de celle des coachs, qu’entre les deux équipes ainsi constituées (cela permettra la prise en compte, et le traitement, des processus parallèles). C’est aussi ce qui autorisera une modélisation transférentielle et contre-transférentielle efficace. La présence

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de deux coachs offrira également aux hommes de l’équipe de venir se confier à l’homme, et aux femmes à la femme, pour partager certains aspects ou ques-tions qu’ils n’oseraient sans cela aborder. Enfin, lors d’animaques-tions face à une équipe, les deux coachs pourront « se couvrir » mutuellement, tant dans leurs

« angles morts » ou zones d’ombres, que par leurs sensibilités différentes, l’un sur l’apport de contenu, l’autre sur l’observation des processus, et vice-versa.

La deuxième particularité souligne l’importance d’un accompagnement dans la durée, car tout processus de changement efficace nécessite d’y consacrer du temps, et ça n’est pas le plus beau des séminaires « one shot » qui pourra ancrer les choses de façon pérenne ni même changer quoi que ce soit à une situation problématique, mais seulement la prise de conscience progressive, à la fois individuelle et collective qui, elle, demande de « laisser du temps au temps », en insistant sur la régularité et le rythme, à l’image d’un cerceau en mouvement auquel il est nécessaire de donner coups de baguette ou caresses…

La troisième insiste sur la notion d’équipe, à distinguer d’un ensemble d’indi-vidus ou d’un groupe : je renvoie le lecteur aux ouvrages explicitant les nuances ainsi que les différents stades de développement. De nombreux auteurs ont étudié la question, tels A. Cardon, O. Devillard, V. Lenhardt, E. Stacke, entre autres, sans oublier les fondamentaux de K. Lewin, à l’origine du concept de dynamique des équipes, ainsi que toutes les approches psychosociologiques (D. Anzieu…).

Enfin, la quatrième réside dans la nécessité d’un travail d’appropriation d’une vision, idéalement co-élaborée et donc partagée (cf. M. Le Saget), qui restera à diffuser et à entretenir régulièrement : quels sont nos enjeux, notre vocation, pour quels objectifs et ambitions, avec quels valeurs, principes de manage-ment, priorités stratégiques, et pour quels plans et actions ?

Le coaching d’équipe concerne généralement des comités de direction enca-drant des équipes ou des projets. Il ne nécessite pas forcément un grand inves-tissement de disponibilité, même s’il est nécessaire de conserver un certain rythme, sans quoi le « soufflé » risque de retomber. C’est donc un processus qui peut être souple et compatible avec les agendas des managers, mais néanmoins impliquant, car il conduit souvent à des changements personnels profonds et durables. Sa réussite dépendra fortement tant de sa préparation (60 %), étape déterminante de l’élaboration de sa stratégie d’introduction préalable, que de son suivi (30 %), illustrant au passage la nécessaire contribution de la direction impliquant son exemplarité…

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Cette approche collective d’aide au management sera particulièrement efficace lors des trois principales étapes de la vie d’une équipe :

1. Lors de sa constitution, sa construction, pour la cohésion des membres.

2. Aux moments opérationnels clés : définition de la stratégie, élaboration de la tactique, réorganisations, changements de périmètres, business plan, présentation des résultats.

3. Lors de sa dissolution, par exemple en fin de projet, pour faciliter la transi-tion vers de nouveaux horizons (gestransi-tion du processus de deuil…).

Enfin, pour finir, voici trois des référents que j’apprécie tout particulièrement :

Eric Berne, qui avec sa théorie organisationnelle reprend les principaux aspects du fonctionnement de toute organisation : le « leadership », le

« canon » (règles), les membres et leur activité, ainsi que les « frontières » avec l’environnement de l’entité observée. La TOB1 permet de réaliser un diagnostic structuré de l’entité accompagnée.

Will Schutz, qui évoque les trois phases fondamentales constitutives du déve-loppement de la vie et des relations de tout groupe : l’inclusion (reconnaissance de l’appartenance des membres à l’équipe), le contrôle (répartition du pouvoir, influence de chacun, compétences et responsabilités), enfin l’ouverture (engage-ment émotif, proximité, partage, « intimité » au sens AT, expression des senti-ments, qui permettent l’appréciation des uns par les autres – la reconnaissance encore, donc l’efficacité de leur contribution).

Manfred Kets de Vries, qui met en relief les qualités essentielles aux équi-pes, par une analogie avec des sociétés primitives :

1. Respect et confiance réciproques.

2. Protection et assistance mutuelle.

3. Dialogue et communication.

4. Définition d’un objectif fort et commun.

5. Adhésion à des valeurs communes.

6. Subordination des objectifs individuels aux collectifs.

7. Adhésion au pouvoir « réparti ».

1. Théorie organisationnelle de Berne. Du nom d’Eric Berne, fondateur de l’analyse transactionnelle et auteur de l’ouvrage de référence duquel provient cette théorie : The Structure and Dynamics of Organizations and Groups, Ballantine Books, 1973.

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Dans le document Frank Bournois Thierry Chavel (Page 180-185)