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Un cas de coaching stratégique : nouvelle organisation européenne d’une multinationale pharmaceutique

Dans le document Frank Bournois Thierry Chavel (Page 114-117)

Le directeur européen d’une multinationale pharmaceutique m’invitait, il y a plusieurs années, à lui donner du feed-back sur les changements qu’il avait prévus pour son organisation. L’année précédente, j’avais enseigné un cours

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exécutif de management stratégique en Suisse et ce dirigeant, qui y participait, l’avait particulièrement apprécié. Il faisait appel à moi en tant qu’expert et ne connaissait pas ma casquette de « coach stratégique ».

Lors de notre premier entretien, il m’exposa la structure élaborée qu’il avait conçue pour sa future organisation. Avant de l’annoncer officiellement, il vou-lait me demander ce que j’en pensais et corriger d’éventuels points faibles. Je répondis que celle-ci était plutôt « élégante », mais qu’il me fallait en savoir un peu plus sur l’environnement des différentes « business units » de son entre-prise, leurs stratégies et performances, ainsi que celles de leurs concurrents, et finalement sur les inefficacités de la structure actuelle, avant de pouvoir vérita-blement lui donner mon avis. Ma question paraissait, à ce dirigeant Norvégien d’une cinquantaine d’années de formation en médecine, doté d’une communi-cation très efficace et épurée, bien trop complexe : « Ah, je ne peux pas répondre à tout ça en détail ! Je voulais juste avoir votre avis sur cette structure, si elle vous paraît adaptée ou non ? ! », me répondit-il.

La première partie de ce coaching stratégique consistait à sensibiliser le dirigeant lui-même sur le besoin d’informations complémentaires et les risques d’une action pas suffisamment réfléchie. « Je sais que notre concurrent principal est organisé comme ce que je prévois, car nous avons récemment embauché leur ancien directeur du marketing », m’annonça-t-il. Je lui demandai si ce concurrent avait de meilleurs résultats. « Bien sûr que non, nous sommes leaders dans notre domaine, nos résultats sont largement supérieurs ! » La discussion, qui dura une matinée, me permit de connaître les réelles raisons du désir de changement de ce dirigeant. Le véritable problème était qu’il était perçu comme peu dynamique par sa hiérarchie, et cela malgré les bonnes perfor-mances régionales. Comme il était de formation médicale, il attribuait cela au fait qu’il n’avait pas fait un MBA, ce qui expliquait sa participation au pro-gramme dans lequel j’avais enseigné l’année précédente, et son désir de mettre en place un changement d’organisation pour se valoriser aux yeux de sa hiérar-chie. Je laisserai de côté les détails personnels de ce dirigeant (fils unique d’un homme public ayant une large visibilité à son époque en Norvège), car cela ris-querait de nuire à la confidentialité de ce cas. Mais ces facteurs ont bien été pris en considération plus tard dans notre collaboration.

À la suite de ce premier entretien, j’ai pu avoir l’accord de mon « coaché » pour quelques entretiens avec les membres de son comité de direction, et éga-lement avec deux directeurs européens qui devaient venir à Paris. J’ai élaboré

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un questionnaire qui abordait une première série de questions sur les change-ments dans l’environnement, et comment l’entreprise était affectée par cela et devait éventuellement changer ; comment l’historique et la culture de l’entre-prise affectaient son fonctionnement actuel, la stratégie de l’entrel’entre-prise, ses clients actuels et les « résultats » qu’ils cherchaient, l’offre actuelle de l’entre-prise… Une seconde série de questions abordait la fonctionnalité, les syner-gies et capacités de l’équipe de direction, l’existence ou non de conflits.

Ayant fourni, dans le questionnaire, des définitions de différents types de chan-gement, j’ai demandé à l’ensemble de l’équipe de déterminer, par rapport aux changements nécessaires, le rythme à mettre en place. Ils ont, à l’unanimité, opté pour un changement très progressif… Il y eut bien d’autres questions, notamment sur la culture de l’entreprise, le rôle du leadership et le style du dirigeant. Le traitement de ce questionnaire a pris environ deux à trois heures, mais à l’issue de chaque entretien j’avais réussi à faire le tour complet des ques-tions stratégiques et organisationnelles avec l’ensemble de l’équipe de direc-tion, et surtout à créer une relation de confiance avec eux. Je savais exactement ce qu’ils voulaient, et les informations complémentaires dont nous avions besoin. Ils se sont portés volontaires pour chercher ces informations, et nous avons prévu de nous voir en groupe pour les partager.

La demande initiale de choix de structure avait déjà disparu. Le dirigeant était heureux de recevoir ces renseignements extrêmement utiles de la part de ses lieutenants. Les directeurs étaient heureux d’avoir été consultés pour savoir si un changement était nécessaire. Une nouvelle énergie et un nouvel élan sont apparus au sein de l’équipe de direction. Mon « coaché » était ravi de voir comment l’allégeance de son équipe se renforçait. Je ne lui avais évidemment pas donné les retours de son équipe sur son propre leadership de manière brute. C’était notre contrat de départ, avec lui-même et avec les membres de son comité de direction : une confidentialité totale. Mais je commençais à le coacher pour améliorer son leadership, et il en était assez content.

La réunion de l’équipe m’a permis d’observer les interactions entre les différents membres. J’avais suffisamment d’éléments organisationnels pour construire un premier sociogramme et comprendre la source des conflits « justifiables ». Cette réunion m’a permis de commencer à comprendre les facteurs relationnels et psychiques. Ce qui était sûr, c’est que nous n’allions pas faire ce que le dirigeant m’avait demandé au départ, mais nous allions faire quelque chose qui allait être

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positif pour l’entreprise et qui, surtout, allait améliorer le fonctionnement et la satisfaction de son équipe de direction et de ses troupes, et cela n’avait guère coûté que quelques jours de mon temps !

Ma décision, pour rapprocher la position de différents membres de l’équipe de direction, était d’organiser un week-end de formation au management straté-gique dans un lieu agréable, pas loin de Paris. Là aussi, il y a une compétence propre au coach stratégique : pouvoir apporter l’état actuel (state of the art) des questions « business » à son client. Cela m’a demandé un peu de préparation, surtout concernant l’industrie de mon « coaché ». À l’issue de ces deux jours intenses, l’équipe de direction savait où il fallait aller et comment ! En plus, c’est eux-mêmes qui avaient décidé de cela, et étaient donc motivés pour le mettre en place. Mon dirigeant allait avoir sa réorganisation avec une structure adaptée, tout le monde adhérait, et les résultats étaient largement positifs. Le coaching stratégique de mon dirigeant s’arrête ici. Il y a eu une seconde phase de déclinaison de ces changements dans différentes entités et pays, et mobilisa-tions de différentes populamobilisa-tions que je ne développe pas par souci de brièveté.

Dans le document Frank Bournois Thierry Chavel (Page 114-117)