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Confrontons nos visions

Dans le document Frank Bournois Thierry Chavel (Page 141-147)

Imaginons un monde où les personnes se « développent » tout au long de leur vie, où elles ne cessent de mettre leur curiosité en action, d’apprendre, d’exprimer leur créativité. Et imaginons que dans ce même monde, les collec-tifs humains (États, institutions, entreprises, associations…) ne cessent de s’enrichir de cette intelligence individuelle à multiples facettes, sans pour autant perdre leur identité et leur finalité. Imaginons ce monde, riche de sa diversité et emprunt de respect des différences. Il est tel une source de vie sans cesse jaillissante. Une régénération permanente. Le voyez-vous ? Oui. Aime-riez-vous y vivre ? Oui. Bien… Mais sommes-nous en train d’imaginer le même monde ?

1. Voir bibliographie conseillée en fin de chapitre.

© Groupe Eyrolles

Où nous entraîne la transformation collective ? Proposition

Il fut donc un temps où il était normal de considérer que dans une organisation humaine chacun était systématiquement « un peu moins » que celui de l’étage du dessus, et « un peu plus » que celui de l’étage du dessous. Mais les temps ont changé (même si ce temps-là existe encore en certains endroits). Rapidement, nous sommes passés de l’ordre et de la stabilité à l’incertitude et à la complexité, sur fond de révolution informationnelle. Parallèlement, notre vision de ce que peuvent être des organisations adaptées à notre monde contemporain, tout comme nos pratiques, n’ont cessé d’évoluer. Tout semble ainsi se passer comme si nous tournions la page. « Le monde des dinosaures, des barons, l’ancien monde, est déjà mort. Nous sommes déjà dans un monde nouveau. Il faut juste encore un peu travailler. Mais le processus est avancé et irréversible »vont jusqu’à dire certains, Claire en l’occurrence.

Mais à l’heure où cette page se tourne, tout semble également se passer comme si nous étions coincés entre deux logiques inconciliables, avec, d’un côté, l’indispensable rentabilité économique et, de l’autre, le développement durable, expression de notre responsabilité en tant que « forme de vivant » présente sur Terre qui a tout intérêt à en préserver les équilibres écologiques plutôt que de risquer de les rompre de manière irréversible. Sous de nombreux aspects, ces deux logiques semblent incompatibles. Actuellement, la première de ces logi-ques domine dans la gestion des activités humaines ; elle répond à des enjeux de court terme, voire d’immédiateté. La seconde répond, quant à elle, à des enjeux de long terme. Le « temps de l’argent » n’est pas celui de « l’humain et de la nature ». Par ailleurs, le « besoin excessif d’avoir », alimenté par la pre-mière logique, n’est pas toujours compatible avec « le désir d’être », facette majeure de la seconde. Lorsqu’on a la responsabilité d’un collectif, la situation peut devenir schizophrénique.

Les nouveaux modèles d’organisation, tels que les expérimentent Claire et Sylvain, donnent des pistes en vue de dépasser ces contradictions. On peut l’imaginer, ce n’est qu’un début. Car dénouer le nœud à la fois culturel et orga-nisationnel dans lequel nous sommes pris va nous demander de faire preuve dans l’avenir de beaucoup plus d’imagination encore. Une imagination qui sera d’autant plus féconde que nous serons véritablement capables de nous abs-traire des modèles du passé, un passé où l’on pouvait encore faire semblant d’ignorer que la Terre est une petite planète aux équilibres fragiles, située à la périphérie d’une petite galaxie, dans l’immensité d’un univers dont on ne sait

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d’ailleurs pas grand-chose ; un passé où nous pouvions encore être excusables de ne pas avoir conscience que les humains qui l’habitent partagent une même

« communauté de destin ». Les sources d’inspiration sur lesquelles prendre appui pour réinventer ce futur d’une humanité consciente des lois de la coévolution existent. L’une d’elles nous vient de René Passet qui, dès 1979, dans L’Écono-mique et le Vivant1, nous permettait de comprendre qu’il n’y aucune idéologie, mais seulement du bon sens écologique à affirmer que nos systèmes économiques productivistes, tournés vers le « toujours plus » entraînent des effets écologiques et humains pervers, et sont une aberration totale au regard des « lois » de la nature dont nous sommes issus. Et qu’il est temps de penser autrement la gestion, l’organisation et la finalité des activités humaines en les resituant dans l’aventure de l’humanité, elle-même liée à l’aventure mystérieuse de la conscience, toutes deux se déployant dans celle non moins surprenante de l’univers.

Pour aller où ? Vers ce monde en mouvement que nous avons imaginé il y a quelques minutes ? Oui, si telle est notre envie. Dans tous les cas, et quel que soit le futur auquel nous donnerons naissance, il présuppose de développer un autre regard sur la vie sur Terre, sur son sens, sur nos relations aux autres, sur nous-mêmes. Nous voilà renvoyés à des questions d’ordre psychologique, anthropologique, métaphysique. En somme, à la transformation personnelle.

Où nous entraîne la transformation personnelle ? Proposition

En matière de recherche d’équilibre personnel (d’un état de bien-être aussi stable que possible), les recherches ont, là encore, été prolifiques ces dernières décennies. Au XIXe siècle, grâce à Sigmund Freud, l’Occident a vu s’ouvrir la porte de l’inconscient. Puis, « les petites cousines de la psychanalyse » (l’analyse transactionnelle, l’hypnose éricksonienne, la gestalt-thérapie, la programma-tion neuro-linguistique,…) ont fait leur appariprogramma-tion. Elles furent rapidement rejointes par de nouvelles approches plus transpersonnelles avec Abraham H. Maslow en tête de file. Bien que l’on réduise son apport à la Pyramide des besoins largement expliquée dans les formations au management, les recherches de ce psychologue sont allées bien au-delà. Son étude des expériences paroxysti-ques (impression soudaine de plénitude, sentiment d’être relié à soi-même et au tout, comme une évidence) nous plonge dans d’autres espaces de l’inconscient

1. Voir bibliographie conseillée en fin de chapitre.

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et de l’esprit, plus spirituels, plus énergétiques, non sans lien avec les traditions de sagesses (bouddhiques, égyptiennes, amérindiennes…) et leurs enseigne-ments, l’ensemble semblant converger quant à la place de l’amour dans les dynamiques de vie. Des liens vers d’autres pans de réalité auxquels nous sensi-bilisent également nombre de scientifiques dont le psychiatre Stanislav Grof.

Dans le même temps, le biologiste Henri Laborit nous a proposé une dénon-ciation ferme du rapport dominant/dominé sur lequel se sont historiquement construites notre vision de la société et son organisation. Dénonciation assortie d’une proposition : remplacer les trois mots « Liberté, Égalité, Fraternité » par

« Conscience, Connaissance et Imagination » ; « Conscience et Connaissance » de nos déterminismes bio-psycho-socio-environnementaux, et « Imagination » comme ultime privilège de notre espèce, à un stade ultime de son aventure.

Que nous apprennent ces différentes approches ? Que l’être humain est complexe. Ses différentes dimensions – mentales, biologiques, psycholo-giques et spirituelles – coexistent, où qu’il se trouve et agisse. Elles sont actives, en soi et dans l’interaction avec « l’autre ». Ces approches nous indi-quent également que l’être humain est tel « un système ouvert ». Dans cette perspective, faire l’expérience de soi n’est rien d’autre que partir à la décou-verte de ses propres territoires inexplorés, pour mieux y découvrir ses richesses et potentiels non encore dévoilés, et se les approprier.

Il est vrai, cette lecture de l’être humain ne fait pas l’unanimité. Car si au niveau de la transformation sociale nous sommes pris dans le nœud conceptuel évoqué précédemment, tout se passe en matière de transformation personnelle comme si nous étions bloqués sous une chape de plomb culturelle entretenue par une pensée occidentale dominante qui préfère encore et toujours véhiculer une vision limitée et fermée de l’être humain. Une pensée étouffante. Nous avons de ce fait le plus grand mal à faire preuve d’audace en reposant sur la « scène dirigeante » les questions auxquelles pourtant nous sommes tous confrontés : qui sommes-nous ? Où allons-nous ? Questions qui peuvent être complétées par : qu’est-ce que la vie ? Qu’est-ce que la mort ? Quel sens souhaitons-nous donner à notre vie, individuellement et collectivement ? Certes certains, tels Patrick Viveret1, nous alertent aujourd’hui, sur fond d’urgence écologique et cli-matique, en affirmant que « l’humanité a rendez-vous avec elle-même ». Si cela est

1. Philosophe et conseiller référendaire à la Cour des comptes.

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vrai, cela implique que chacun de nous a rendez-vous avec lui-même. Aurons-nous la curiosité salutaire de Aurons-nous aventurer à la conquête de ce nouvel Eldo-rado, celui de l’être humain en devenir ? Oserons-nous nous confronter à nous-mêmes, en acceptant les surprises que cela nous promet ? Jusqu’où accepterons-nous d’explorer la transformation personnelle ?

Pour aller plus loin

Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? Quelles soient posées à titre individuel ou pour l’ensemble de l’humanité, ces questions ne sont pas que métaphysi-ques ou spirituelles. Les réponses que nous apporterons constituent le socle à partir duquel nous pouvons ré-imaginer notre avenir individuel et collectif. Il est temps de revitaliser ces réponses, de nourrir leur contenu.

Et si la pollution émotionnelle avait sur nos vies et sur le fonctionnement de nos sociétés et de nos organisations des conséquences bien plus néfastes que la pollution écologique ? Si tel est le cas, il est urgent, en plus du tri des déchets et de l’adoption de comportements de consommateurs responsables, de nous former à une grammaire relationnelle libératrice. Libération sans jugement ni peur ni culpabilité de nos parasitages émotionnels, relationnels et intellectuels, dans lesquels nous sommes englués, depuis les cours d’école jusqu’aux comités de direction de nos plus grandes sociétés.

Il était une fois, dans l’univers, une planète. Chaque enfant qui naissait sur cette planète avait un « travail » à accomplir : trouver ce qui dans la vie le rendrait le plus heureux, ce qu’il avait le plus envie de réaliser, de faire, d’être. Bref, il avait à trouver son rêve de vie. Les adultes l’accompagnaient dans cette recherche.

Puis, une fois le rêve trouvé, et rien ne pressait, toute la société était organisée de telle manière que l’enfant, devenu adolescent, puis adulte, réalise son rêve, qui pouvait d’ailleurs évoluer. Le principe sous-jacent à ce processus était qu’une personne qui trouve du sens à sa vie contribue à créer une société qui produit du sens, qu’une personne heureuse contribue à produire une société heureuse. Cette planète s’appelait Spire. Pourrait-elle inspirer la Terre et les terriens ?

Le coaching, entre transformation personnelle et transformation collective Surfer sur la vague des changements qui ont commencé à apparaître en Occident dans les années 1970, puis qui ont accéléré dans les années 1990, fut pour nous tous un apprentissage. Entrer dans celle des transformations qui s’annoncent va

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nécessiter un nouvel apprentissage encore, tant au niveau personnel que col-lectif. Car imaginons que nous décidions de confronter véritablement nos visions des futurs possibles, puis que nous choisissions de dénouer en consé-quence les nœuds qui verrouillent actuellement nos manières de penser et de vivre : tout restera à faire ! Un travail exaltant… mais colossal ; pour tous, et en particulier pour les dirigeants et managers, qu’ils interviennent dans le champ de l’entreprise, de l’économique, du social ou du politique. Sur ce chemin, chacun peut légitimement éprouver le besoin d’être accompagné pour, grâce à la parole, l’écoute, la confrontation, se questionner, se recentrer, réassurer ses pas si nécessaire, son rythme, ses choix d’étapes. Pour mieux identifier ses limi-tations et aller au-delà. Pour oser rêver sans avoir l’impression d’y perdre son sens des responsabilités et sa lucidité. Cet accompagnement peut être le travail du coach, à la fois enseignant et enseigné, à la fois éclaireur et éclairé.

À retenir

Nombreuses sont les personnes qui veillent à exercer leurs responsabilités en restant authentiques et en cohérence avec leurs valeurs profondes, leurs aspi-rations, leurs rêves. Tout en servant leur engagement professionnel ou social, elles ne veulent plus se trahir elles-mêmes.

Ces personnes ne cherchent pas à maintenir à tout prix « en état » les systèmes au sein desquels nous évoluons. Elles questionnent au contraire la finalité et le sens de ces systèmes, et tentent de les reconfigurer en y injectant des valeurs humanistes, de la conscience et de la vie.

Cette recherche de cohérence, entre valeurs et réalité, les amène à se question-ner en permanence sur elles-mêmes, sur leurs choix et leurs décisions, et à rechercher « d’autres manières d’être, de faire, et de dire ensemble ».

En agissant ainsi, ces mutants, collaborateurs, managers ou dirigeants devien-nent les pionnières et les pionniers de transformations collectives profondes et innovantes. Elles et ils ouvrent de nouveaux territoires où il est possible de vivre ensemble, plus épanouis, mais aussi plus efficaces, dans le respect et l’uti-lisation créatrice de nos différences.

Les mondes extérieurs que nous construisons sont la résultante de nos mondes intérieurs en interaction. Placée au cœur de l’exercice du pouvoir et de la gou-vernance, cette dynamique interactive nous transforme en co-chercheurs de nouvelles organisations socioprofessionnelles, en co-créateurs de sens, et, sur ces nouveaux chemins, en compagnons et enseignants mutuels.

© Groupe Eyrolles

Dans le document Frank Bournois Thierry Chavel (Page 141-147)