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Regard sur le coaching de dirigeants

Dans le document Frank Bournois Thierry Chavel (Page 63-67)

Si diriger, c’est dire où on va et comment y aller puis recommencer, aucune his-toire n’est identique à une autre. Pourtant, je rencontre des problématiques similaires empruntant des voies de résolution différentes et uniques. Pour sim-plifier et par goût des concepts, j’ai regroupé mon propos autour de trois dia-lectiques. Sortir de ces dialectiques, c’est trouver une nouvelle approche ou un nouvel équilibre pour construire et se construire. Chacune d’entre elles est un territoire à explorer, une occasion pour ouvrir un dialogue et amener le diri-geant à revisiter sa situation puis agir. Je suis frappé et étonné par ce besoin

1. Je remercie notamment Daniel Cohen, Thierry Chavel, Paule Boury-Giroud, John Harvey, Jean-Claude Ponce, Bernadette Babault, Jean-Louis Fonvillars, Pierre Barrère et Jigmé Rimpotché.

© Groupe Eyrolles

d’avoir un sparing partner neutre (!) pour boxer sur ces sujets. Les trois dialecti-ques ou bipôles que je propose sont les suivants1 :

la « vision-ambition » et la place tenue ;

le pilotage de l’aventure et la mobilisation des troupes ;

l’être en devenir et le patrimoine transmis.

La vision-ambition et la place tenue

Le premier terme de ce bipôle, la vision-ambition, concerne la manière dont la personne se représente le monde qui l’environne et les perspectives qu’elle ima-gine. Le second terme parle des rôles joués. Le discours du dirigeant sur sa représentation du monde contient à la fois le champ des désirs et des rêves, et aussi celui des limitations et des potentialités qu’il s’autorise. « L’esprit est le seul oiseau qui crée sa propre cage », disait Sacha Guitry. C’est aussi le socle sur lequel il devra et pourra construire un consensus, et négocier avec ses partenaires. Le dévoilement des prismes à travers lesquels il interprète son environnement et l’ajout d’angles nouveaux permettent d’ouvrir sa vision et de l’approfondir.

C’est là que se règle le curseur entre l’illusion et la réalité, sans lesquelles il n’y aurait pas de projet. Ce curseur est celui de l’ambition, un avenir en gestation porté par la personne. Quels sont les germes de cet avenir et comment sont-ils nourris ? Les racines sont-elles assez fortes pour résister à l’épreuve de la réalité ? Citons Oscar Wilde : « La sagesse, c’est d’avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu’on les poursuit. »

Ayant clarifié ses représentations et sa vision, le dirigeant aura une meilleure compréhension de sa fonction. À la place qu’il occupe en ce moment, de quoi se sent-il vraiment responsable ? Cette question laisse souvent les dirigeants sans voix ou surpris de leurs premières réponses. Il s’agit de leur positionnement en termes de rôles à exercer, mais aussi de prises de position. Les réponses décrivent la nature de leur valeur ajoutée, au-delà du statut social de la fonction. L’écart peut être grand entre les responsabilités voulues, attendues et assumées. De la posture à l’imposture, il y a un glissement vers le plaire et le complaire. Une sorte de démission ou d’instrumentalisation pour n’avoir osé affirmer ses choix ou bien pour ne pas en avoir faits. Prendre position et occuper pleinement sa

1. Une autre façon de dire serait de trouver un équilibre entre ambition et responsabilités, entre stra-tégie et adhésion, entre égocentrisme et citoyenneté.

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place est aussi la révélation des talents et du professionnalisme, tout comme celle des incompétences. Un repositionnement reste toujours possible en alignant la vision-ambition et une contribution optimale dans la fonction occupée. Si ce n’est pas possible, une véritable démission reste toujours envisageable. Cela devient alors une question d’éthique ou d’estime de soi.

À retenir

La vision-ambition et la place tenue mettent en lumière l’existence d’un projet et le sens des responsabilités du dirigeant. C’est un jeu constant entre

« illusions et réalités » et entre « devoir et pouvoir » qu’il nous offre.

Le pilotage de l’aventure et la mobilisation des troupes

Définir une cible est plus facile qu’avoir une stratégie pour l’atteindre, et sur-tout savoir la mettre en œuvre. Où en est le dirigeant aujourd’hui sur le chemin vers le but fixé ? Qu’est-ce qui caractérise l’étape actuelle ? Et la suivante ?…

Autant de questions pour interpeller les capacités de stratège et de pilote du dirigeant. Ses réponses sont révélatrices de sa détermination et de ses doutes.

Osera-t-il les affronter et les transformer en actions ?

L’action du stratège se traduit aussi par les décisions prises et à prendre. Chaque décision est un geste de pilotage. Peu de personnes ont analysé leur processus de décision avec leurs « attracteurs », « repousseurs » et « zones aveugles ». Ces processus ont pourtant une influence importante sur les chemins de succès ou les programmations inconscientes d’échec. Plus fortes sont l’ambition et la vision, plus polarisées sont les décisions qui permettront de tenir le cap en tirant des bords en fonction des coups de vent et des courants.

« Une bonne décision est une décision suivie des faits », voilà du bon sens populaire ! Les troupes sont en ordre de marche, elles réagissent juste et vite, elles ont le cœur à l’ouvrage. « Barre à gauche, gauche » donne le résultat escompté ! Comment le dirigeant instaure-t-il et entretient-il la confiance ? Sa capacité à créer une dynamique collective et à l’entretenir, à faire partager sa vision, à avoir des relais efficaces, à s’assurer que chacun reste focalisé sur l’objectif commun et connaît sa contribution à l’édifice sont des défis perma-nents à ses dimensions de leadership et d’entraîneur.

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Pour mobiliser les acteurs, les dirigeants savent-ils prendre le temps d’écouter le terrain et de capter les signaux faibles ? Avoir une vue panoramique n’exclut pas d’avoir de la profondeur, ni de l’engagement, ni de l’enracinement. Être là au bon moment et avoir l’attitude juste n’est pas réservé qu’à César à Alésia, à Napoléon au pont d’Arcole ou à Gandhi devant son métier à tisser. Dans ce domaine de la dynamique humaine collective, tous les registres de l’intelli-gence émotionnelle du dirigeant sont à l’ouvrage. Que ce soit l’empathie, le rayonnement (l’estime de soi), la confiance en soi, l’automotivation, la capa-cité à convaincre, l’indépendance d’esprit, ces registres sont tous exacerbés et simultanément nécessaires.

À retenir

Le pilotage de l’aventure et la mobilisation des troupes montrent les talents de stratège et de leadership d’un dirigeant. C’est un jeu entre « vouloir et habiletés » et entre « tensions et synergies ».

L’être en devenir et le patrimoine transmis

Pour un dirigeant, s’assimiler uniquement à sa position sociale, c’est prendre un risque considérable si celle-ci venait à vaciller ou s’écrouler. Finalement, rares sont ceux qui partent au sommet de leur gloire en ayant construit leur succession et en étant fiers de ce qu’ils laissent. Pour un dirigeant, investir toute la dimension humaine en tant que citoyen du monde facilite la cohérence entre sa réflexion, son discours et ses actions. Certains coachs ont pris l’habitude d’appeler cela « l’approche holistique de la personne ». Se poser la question à la fois de ce qu’il veut faire de sa vie et comment la rendre utile et productive, lui donne une perspective large et sereine. Ce champ contient celui des valeurs personnelles et la manière dont elles ont été acquises et nourries. Sans les nourrir, de compromis en compromis, elles s’affaiblissent.

Ce travail permet au dirigeant de relativiser, de porter un regard sur ce qui se joue, tout en le jouant, mais sans se prendre au jeu. Savoir ce qui l’habite et ce qui compte pour lui en tant qu’être humain est essentiel à sa stabilité intérieure.

Revenir sur les situations « initiatiques » qu’il a vécues, faire la part des choses sur sa véritable valeur ajoutée dans les succès, les crises et les échecs, repérer les personnes qui sont des « maîtres » pour lui sont des voies qui donnent de

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l’épaisseur au dirigeant. Ce travail dépasse la simple connaissance de soi, de son impact sur les autres et de l’impact des autres sur soi. Bien que mieux se connaître reste un travail indispensable et sans fin.

D’un côté, il y a le dirigeant, ce qu’il est et ce qu’il aspire à devenir ; d’un autre côté, il hérite d’une histoire humaine passée qu’il va prolonger puis laisser. Il est de passage. Avoir une étoile pour se repérer n’est pas uniquement du registre de la vision, c’est aussi un regard porté sur l’empreinte qu’on va laisser. Le passage effectué dans l’entreprise est l’occasion d’apporter quelque chose d’unique et d’enrichir le patrimoine collectif. Ou bien, ce n’est qu’un temps plein d’occa-sions perdues pour la communauté. Que laisse le dirigeant derrière lui : un désert, une terre riche, un champ de bataille ou de mines, une cathédrale, une masure ? Au-delà des résultats obtenus, comment la culture s’est-elle trans-formée et quelles compétences collectives ont été acquises ? Les résultats obtenus sont par nature éphémères. Une fois atteint, il faut passer aux suivants.

Attention aux victoires à la Pyrrhus.

À retenir

L’être en devenir et le patrimoine transmis font référence aux qualités d’être humain et de citoyen du monde du dirigeant. Cet axe est celui de l’éthique.

L’équilibre se construit dans la relation entre « moi, individu » et « moi, citoyen du monde », miroir l’un de l’autre.

Dans le document Frank Bournois Thierry Chavel (Page 63-67)