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Nous avons produit un monde complexe

Dans le document Frank Bournois Thierry Chavel (Page 197-200)

La mondialisation a conduit la planète à devenir un grand ensemble de plus de six milliards d’êtres humains qui interagissent en permanence, ce qui rend le monde plus complexe qu’il ne l’a jamais été. La complexité mise à jour par les découvertes d’Einstein sur la relativité, continuées par la suite par la physique

1. Nelson Mandela.

© Groupe Eyrolles

quantique, a un impact dans tous les domaines de notre vie. Elle apporte un autre regard sur la réalité. Ce que les théories de la complexité nous expliquent, c’est qu’elle fonctionne par la dynamique de systèmes récursifs où chaque élé-ment a une influence sur l’ensemble ; l’interconnexion de toutes les compo-santes fait exploser le paradigme de la causalité linéaire. Le célèbre exemple du battement d’ailes d’un papillon en Australie pouvant déclencher un ouragan à l’autre bout de la terre vise à expliquer que l’intrication des acteurs, des échanges et des systèmes économiques et organisationnels a des effets totale-ment imprévisibles qu’il faut pourtant gérer, voire anticiper.

L’évolution technologique est le fruit de cette complexité physique et mathé-matique, et se traduit dans les outils du quotidien tels que le téléphone por-table par exemple. La mondialisation économique des échanges repose sur la globalisation technologique que cette complexité a permise. Et un auteur tel qu’Edgar Morin a consacré son œuvre de philosophe à expliquer son impact dans tous les domaines de la vie sociale, ceci afin de donner outils et méthodes pour l’appréhender et agir autrement dans notre quotidien. Cependant, ceci constitue une telle révolution de nos représentations, et nous sommes encore bien souvent démunis face à l’accroissement constant de la complexité des composantes à considérer pour prendre une décision.

C’est pourquoi les méthodes de scénarios stratégiques pour appréhender la prise de décision deviennent aujourd’hui inadéquates. Pour gérer ces situations complexes, il devient nécessaire d’être équipés intellectuellement autrement.

C’est pourquoi l’analyse systémique et la compréhension des mécanismes de la complexité deviennent aussi les outils du dirigeant et du manager afin qu’ils aient les représentations justes du monde dans lequel ils évoluent et sur lequel ils agissent.

Le coaching permet ce délicat apprentissage d’un changement de paradigme qui n’implique pas uniquement les modifications de connaissances, mais sur-tout les représentations qui y sont reliées et ensuite les schémas cognitifs habi-tuels à modifier. Ce qui a donc pour conséquence de travailler avec le coaché, dirigeant ou manager, sur sa capacité à changer, dans tous les aspects de son quotidien, dans sa mentalité tout d’abord qui implique croyances, représenta-tions et schémas mentaux, et ensuite dans sa capacité à agir différemment tant dans la forme et sur le fond de ses décisions, que par la suite dans ses actes. Et comme le changement est une entreprise délicate aussi bien parsemée des embûches de la résistance interne que des leviers de la résilience – capacité à

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trouver les issues dans les pires difficultés –, le coach peut accompagner le dirigeant à opérer ce cheminement et lui faire découvrir les ressources qu’il a pour ancrer ses transformations et adopter de nouvelles attitudes adaptées au contexte qu’il a à gérer.

Être véritablement soi-même

Cette capacité à appréhender la complexité de l’environnement, à décider de s’engager pour une autre gouvernance, à être pleinement responsable de ses décisions et assumer les conséquences de ses choix implique une rencontre authentique avec soi-même, ce qui se traduit par être au clair sur qui l’on est. Il faut savoir identifier ses valeurs, ses points forts et ses faiblesses, se connaître suffisamment pour ne pas être dans le leurre et l’illusion, et avancer dans ce qui est juste pour soi, en se respectant profondément. Avoir le courage d’être soi décuple alors les capacités d’action et a un effet libérateur pour son environne-ment. On cesse enfin de vouloir changer les autres ; l’influence sur l’environne-ment passe par la cohérence qui émane de soi.

Pour aller plus loin

À titre d’illustration, nous reprenons ce que François Cheng évoque dans son ouvrage pour rendre compte du courage qu’il faut pour être soi-même.

« Chuang-tzu, le grand philosophe taoïste du IV esiècle avant J.-C., relate le fait suivant : le prince Yan de Sung ayant manifesté le désir d’avoir un beau tableau, beaucoup de peintres se présentèrent. Après avoir reçu les instructions, tous s’incli-nèrent respectueusement et restèrent plantés là, à lécher leurs pinceaux et à broyer leur encre ; ils étaient si nombreux qu’il en resta la moitié dehors. Un peintre arriva après l’heure, tout à son aise, sans se presser. Ayant reçu les instructions et salué, il ne resta pas là, mais se retira chez lui. Le prince envoya voir ce qu’il faisait. Il avait, avant de se mettre au travail, enlevé sa veste et, nu jusqu’à la ceinture, s’était installé, les jambes croisées. “Voilà un vrai peintre, dit le prince, c’est celui-là qu’il me faut”. »1

Évidemment ceci implique de changer ses attitudes et ses schémas mentaux et très souvent cela est synonyme d’avoir le courage d’affronter ses peurs,

elles-1. F. Cheng, Vide et plein : le langage pictural chinois, Seuil, coll. « Points, Essais », 199elles-1.

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mêmes niées la plupart du temps. Car elles sont souvent incompatibles avec la représentation que le dirigeant se fait de son rôle. Il reste quelques reliquats des messages chevaleresques « sans peur et sans reproche » pour désigner l’action de gouvernance. Pourtant, la réalité humaine, c’est qu’il existe toujours des parts irrésolues en soi et des peurs inavouées ou niées qu’il est bon de pouvoir affronter pour aller de l’avant. Les nier ne fait pas avancer. Par ailleurs, plus nous évoluons et plus nous permettons aux autres de grandir à leur tour. Tout ce que nous parvenons à résoudre est autant d’autorisation à être pour autrui.

Ensuite, s’autoriser à changer, reconnaître les freins émotionnels et cognitifs aux changements facilite la dynamique de la créativité. Il devient alors possible, sortant des anciens schémas, d’envisager des solutions et des approches nou-velles qui bien souvent deviendront des avantages concurrentiels.

Dans le document Frank Bournois Thierry Chavel (Page 197-200)