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Les caractéristiques de la systémique

Dans le document Frank Bournois Thierry Chavel (Page 75-81)

La systémique repose fondamentalement sur le paradigme écologique. Elle conçoit l’être humain comme un système ouvert, un écosystème, ce qui conduit à l’appréhender dans ses contextes interactionnels. À cet égard, la systémique contribue à organiser une compréhension de l’humain où la dimension

« éthique et esthétique » est primordiale.

L’être humain déjoue la logique classique linéaire, binaire et déterministe car il est éminemment complexe, paradoxal et imprévisible. Comme l’ont brillam-ment démontré les théoriciens de la pensée complexe, notambrillam-ment Edgar Morin, il est urgent de réformer nos modes classiques de réflexion et d’interac-tion pour appréhender la complexité des problèmes immatériels, interacd’interac-tion- interaction-nels auxquels nos sociétés se heurtent.

La systémique est centrée sur les interactions

Ce n’est pas sur l’entité individuelle du coaché que se focalise l’approche systé-mique, mais sur la nature de ses interactions avec lui-même, avec les autres, dans sa vie personnelle et professionnelle. En effet, ces grands types d’interac-tions s’influencent mutuellement et, dans la mesure où elles sont interdépen-dantes, façonnent fortement l’existence de la personne.

Le modèle systémique est centré sur les interactions entre les éléments d’un sys-tème plutôt que sur ses éléments isolés. S’il est utile, dans un premier temps, d’identifier les éléments d’un système, il faut aussi les relier et les envisager dans leurs interactions en vue d’une compréhension globale. L’approche systémique s’attache à la description factuelle des interactions avant d’intervenir. Le compor-tement d’un individu ne se comprend que par la prise en compte du contexte

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interactionnel dans lequel il a été produit. Les choses ne prennent pleinement sens que dans leurs relations. C’est pourquoi nous focalisons nos interventions sur les contextes interactionnels dans lesquels sont placés nos clients plutôt que sur eux-mêmes. Nous les aidons à décrire le plus rigoureusement possible les contextes interactionnels dans lesquels ils rencontrent les difficultés qu’ils exposent : car c’est moins la personne qui pose problème que la nature de ses interactions.

La systémique tient compte de la causalité circulaire des problèmes complexes

Les difficultés à résoudre des problèmes humains complexes sont le plus sou-vent liées à l’inefficacité des logiques linéaires de pensée pour les aborder. Dès l’instant où il est inadéquat et illusoire de vouloir répertorier toutes les causes d’un problème du fait de sa complexité, la démarche analytique classique perd sa pertinence et doit laisser place à la systémique. Mais notre esprit est encore peu entraîné à appréhender les choses selon cette causalité circulaire. C’est en effet une révolution mentale.

La systémique a enrichi, voire bouleversé, le concept de causalité en créant celui de causalité circulaire avec les notions de rétroaction négative et positive. Cela a permis aussi d’expliquer l’aptitude des systèmes humains à l’auto-organisation, et de montrer en quoi les systèmes de croyances et les représentations remplis-sent la fonction redoutable de prédictions qui s’auto-réaliremplis-sent, s’auto-valident et se vérifient d’elles-mêmes.

La systémique repose sur une nouvelle conception de la causalité impliquant une autre façon d’aborder les problématiques humaines. Dans la causalité cir-culaire, A n’est pas la cause de B, pas plus que B n’est l’effet de A. A et B s’influençant simultanément sont donc à la fois cause et effet. Observons par exemple deux collègues interagir : si l’un apparaît comme le leader et l’autre le suiveur, il est néanmoins impossible de savoir lequel a commencé à prendre sa position, et tout aussi difficile de prédire ce que chacun serait sans l’autre : leader ou suiveur ? La découverte du principe de causalité circulaire, qui boule-versa le sacro-saint principe de causalité linéaire, correspond à l’un des plus grands changements de paradigme. Toute la pensée complexe est sous-tendue par cette logique de la causalité circulaire qui impose d’abandonner nos vieilles habitudes de raisonnement pour notamment appréhender et résoudre des pro-blèmes humains.

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En effet, les problèmes humains sont complexes du fait de leur causalité cir-culaire et de ce qu’ils résultent d’innombrables interactions qui rétroagissent les unes sur les autres, sans qu’aucune ne soit suffisante pour être appréhendée comme la cause majeure du problème. Les problèmes humains peuvent résulter ou se perpétuer du fait d’un diagnostic mal dirigé, issu d’une vision linéaire de la causalité. Comme tout problème humain, par nature complexe, relève d’une causalité circulaire, alors la recherche des causes devient peu perti-nente. Mais encore, les mêmes causes ne produisent pas nécessairement les mêmes effets dans les systèmes humains, de même que des causes différentes peuvent, elles, produire des effets similaires ! Ainsi, chercher à savoir dans un conflit qui est responsable ou qui a commencé s’avère non seulement sans objet, mais constitue la meilleure façon de perpétuer le conflit. De telles inves-tigations mènent à des solutions inappropriées qui aboutissent à des impasses, voire à l’aggravation du conflit.

Voici un exemple pour illustrer ces propos. Un jeune cadre, embauché depuis quelques mois, commet une erreur de stratégie auprès d’un de ses clients et le perd. Averti de cette situation, son supérieur réagit fort mal. Il n’admet pas cette erreur et attribue d’emblée à ce jeune cadre une certaine incompétence.

Le nouvel embauché perd confiance en lui, et aussi dans sa relation avec son supérieur hiérarchique. La solution qu’il met en œuvre est alors de se replier sur lui-même. Il pense qu’il vaut mieux, dorénavant, faire profil bas et ne pas trop en dire sur ses activités et résultats. Pour se protéger de toute nouvelle critique, il prend de la distance par rapport à son chef, évite de se confronter avec lui sur les problèmes qu’il rencontre. Et son supérieur hiérarchique interprète son comportement comme le signe de sa démotivation, voire d’une certaine inapti-tude à communiquer ! Ainsi, ce jeune cadre aggrave encore son cas. La possibi-lité de se séparer du nouvel embauché étant écartée, les relations entre le jeune cadre et son patron deviennent de plus en plus tendues. Le jeune embauché, mis en quelque sorte « à l’écart », commence à déprimer, doute de ses potentia-lités, tandis que, de son côté, le supérieur hiérarchique, qui se sent de plus en plus mal entouré, l’exclut et se prive à son tour d’une collaboration néanmoins nécessaire. Voilà à quoi peuvent aboutir des solutions issues d’un raisonnement linéaire ! La boutade : « Plus ça change, et plus c’est la même chose », fort répandue dans les entreprises, montre combien les changements opérés résul-tent bien souvent de solutions correctrices qui précisément contribuent à enclencher des résistances qui maintiennent le système en son état.

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La systémique intègre la logique du tiers inclus

La logique du tiers exclu ou logique binaire, fondée sur le « ou », se révèle bien simpliste pour appréhender la complexité de l’humain. La logique du tiers inclus ou logique conjonctive, fondée sur le « et », échappe à la dictature du vrai ou faux, blanc ou noir, normal ou anormal, bien ou mal. L’être humain est en effet composé de tout ce qui le caractérise, le meilleur comme le pire cohabi-tent en lui. La logique du tiers inclus n’est, elle, ni optimiste ni pessimiste ; elle est simplement réaliste. De même que nous savons qu’un allié potentiel coha-bite chez notre pire ennemi, que toute situation est à la fois une menace et une opportunité, selon l’angle de vue que l’on prend pour la percevoir, que les défauts abritent aussi des compétences, etc. Ainsi, bien gérer un défaut consis-tera à tirer profit de la compétence qu’il abrite, et non à engager une bagarre perdue d’avance contre celui-ci. Les constats tels que « le naturel a repris le dessus », « c’est plus fort que moi, je ne peux m’empêcher de… » illustrent par-faitement les effets contre-productifs du rapport de force. Celui-ci résulte pré-cisément de la logique manichéenne du tiers exclu, qui heurte l’écologie des systèmes vivants, humains ou naturels, engendrant résistances et régressions.

Passer de la logique du tiers exclu à la logique du tiers inclus

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La systémique a le souci de l’écologie du coaché et en tire profit

Toute personne est porteuse de valeurs et d’expériences qui précisément lui permettent de se dépasser. Si ces valeurs et expériences ne sont pas utilisées comme leviers, alors on porte atteinte à son écologie et l’on risque de provo-quer ses résistances. Pour faciliter une évolution bénéfique, durable et pro-fonde, il faut s’appuyer sur les valeurs et les représentations du coaché tout en les actualisant ou en les éclairant différemment. Cela relève étonnamment des arts martiaux.

Le coaché étant appréhendé comme un écosystème, toute résistance de sa part signale au coach qu’il a sans doute porté atteinte à son écologie. La notion d’écologie des systèmes humains implique une démarche jamais combative, exclusivement utilitariste, qui consiste à tout recycler pour libérer de nouvelles ressources.

À retenir

Tout dysfonctionnement de la personne remplit une fonction utile, comme toute faiblesse inclut une force, tout défaut une ressource.

Le modèle constructiviste et systémique rappelle au coach que ce qu’il perçoit chez son client n’existe pas de manière ontologique, mais en étroite relation avec ses propres convictions, présupposés et hypothèses.

Il s’agit donc pour le coach de :

Bien orienter son attention : tout ce que lui exprime son client constitue une opportunité à saisir, une ressource à mettre en lumière.

S’appuyer systématiquement sur la représentation du coaché pour libérer les ressources qu’elle abrite, surtout si celle-ci semble à première vue limi-tante. Dans la représentation du coaché résident à la fois son problème et les solutions.

Orienter constamment le coaché sur son objectif pour mobiliser ses res-sources et susciter chez lui un état d’esprit favorable pour passer à l’action.

Bien identifier le système de valeurs du coaché pour s’en servir comme force mobilisatrice.

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La systémique exploite les propriétés étonnantes des systèmes humains À la différence de la machine, l’être humain a la capacité de s’auto-organiser et de s’auto-développer. L’approche systémique consiste précisément à activer cette sublime propriété qui caractérise l’être humain. Une machine, ça marche ou ça ne marche pas. Il en est autrement pour l’être humain : selon la représen-tation qu’il a de lui, de la situation et du contexte où il se trouve, il fonctionne très bien ou dysfonctionne !

La singularité de chaque être humain impose au coach de faire du « sur-mesure ». Il est indispensable qu’il s’adapte pleinement à la logique de son interlocuteur, sans tomber dans la tentation de vouloir le cerner et l’évaluer au travers de grilles théoriques. Ces grilles d’interprétation peuvent engendrer deux effets pervers : mutiler la personne car elles la réduisent nécessairement à quelques tendances ou caractéristiques, et surtout remplir la fonction de pré-dictions auto-réalisatrices ! Au cours de séances de supervision, bien des coachs reconnaissent que ce qui les limitait, relevait davantage de leurs modèles théori-ques, de leurs représentations, de leurs points de vue que de leurs clients ! Les êtres humains, à la fois semblables et différents, demeurent uniques et sin-guliers. À cet égard, ils doivent être appréhendés dans leur singularité et celle de leurs contextes interactionnels. Il va sans dire que cela requiert du coach une belle ouverture d’esprit et beaucoup de flexibilité ! Mais, comment aider les autres à évoluer en restant soi-même rigide ? La mission du coach est d’aider son client à élargir le champ de ses possibles et à accéder aux ressources dont il a besoin pour réaliser son objectif ; là réside sa valeur ajoutée. Conduire une personne à voir ce qu’elle a déjà vu avec un regard neuf est toujours un moment émouvant dans un coaching. C’est bien en appréhendant son problème avec les mêmes présupposés ou hypothèses que le coaché restait prisonnier de ses solutions inefficaces ou demeurait victime des mêmes blocages !

L’exigence de qualité dans les échanges

Selon la plus ou moins bonne qualité des échanges peut émerger le meilleur (l’évolution, l’étonnement créateur de changement), comme le médiocre (le déjà-vu, le déjà-su, la routine), ou le pire (les blocages, la disqualification, la perte de confiance). La capacité du coach à se mettre sur la même longueur d’onde que son client résulte de la qualité de son attention. Être pleinement attentif, c’est bien s’oublier soi-même pour aller pleinement rencontrer l’autre.

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Le coaché a besoin de se retrouver dans le miroir du coach pour « se réfléchir », et de s’entendre dans la bouche de celui-ci pour prendre du recul. De même qu’en retour, c’est à travers le miroir et la résonance de son client que le coach peut évaluer l’efficacité de ses interventions. Les signaux verbaux et non verbaux de son client représentent un tableau de bord plus fiable que ses propres présup-posés, outils théoriques ou commentaires intérieurs. La qualité des interactions du coach contribue largement à l’élégance et la performance du coaching.

Dans le document Frank Bournois Thierry Chavel (Page 75-81)