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Qu’est-ce que la dépendance ?

Dans le document Frank Bournois Thierry Chavel (Page 151-155)

J’essaierai dans un premier temps de caractériser la dépendance, et je prends pour cela l’exemple de l’alcoolisme : la dépendance peut être définie dans ce cas comme la perte de la liberté de s’abstenir de boire de l’alcool, et ses caractéristi-ques sont : la solitude, la culpabilité, une sensibilité exacerbée, la violence, la rationalisation, le déni, une image de soi perturbée, une détérioration mentale.

Pour compléter, notez que l’alcool présente des facteurs de gratification, que l’on appelle bénéfices secondaires : il réduit la peur, l’anxiété, l’inhibition, permet d’être plus convivial, communiquant, présente un plaisir gustatif et olfactif, et soulage le déplaisir et la souffrance.

Bénéfices secondaires : facteurs de gratification qui aident à l’installation et au renforcement de la dépendance, et en freinent l’arrêt (exemples dans le coaching : pouvoir, soulagement des souffrances, valorisation sociale, prise en charge…).

Dépendance : perte de la liberté de s’abstenir de (se faire coacher par exemple).

© Groupe Eyrolles

Prescripteur : personne qui recommande ou conseille le coaching. En entre-prise, il s’agit souvent du responsable hiérarchique ou du responsable des res-sources humaines, voire du responsable de la formation.

Enfin, les différentes étapes du cheminement qui mène à la dépendance alcoo-lique sont, dans un premier temps, la rencontre, à l’occasion d’événements festifs le plus souvent ; on en apprécie alors les effets. Puis il y a recherche active pour en retrouver les effets appréciés. Et finalement, il y a augmentation des doses pour retrouver encore ces effets, jusqu’à déchéance où l’on ne vit plus que pour ça.

L’alcoolisme est aujourd’hui reconnu comme étant une maladie, et mon but n’est pas d’assimiler la dépendance au coaching à une maladie, mais de faire un parallèle avec un phénomène de dépendance connu, pour aider à en détecter les signes et les caractéristiques. L’intérêt de ce parallèle me semble majeur, car l’alcoolisme est plus qu’une dépendance à une substance, c’est une maladie

« bio-psycho-sociale » : « bio » pour biologique, symbolisant la dépendance physiologique à la substance ; « psycho » pour psychologique car il y a une association et un conditionnement qui s’opèrent au niveau du mental ; et

« sociale » car elle trouve la plupart du temps ses fondements dans des compor-tements sociaux (alcool festif ).

Revenons quelques instants sur la dimension psychologique, et plus particuliè-rement sur les notions de réflexe inconditionnel et réflexe conditionnel, impor-tantes pour une bonne compréhension des mécanismes de dépendance : le réflexe inconditionnel correspond à ce qui se passe instinctivement dans l’orga-nisme, alors que le réflexe conditionnel correspond au déclenchement de mécanismes automatiques du fait de causes similaires à celles qui auraient dû réellement les déclencher : dans un certain contexte, une association s’est faite entre la cause réelle et la cause similaire ; le réflexe conditionnel est dit de type acquis et s’appuie sur un réflexe inconditionnel pour s’installer. Dans le cas de l’alcoolisme, il y a association entre la consommation d’alcool et le plaisir lié à la convivialité, la fête, la désinhibition, le soulagement de souffrances. Il y a progressivement un renforcement du réflexe conditionnel et de l’association, par proximité spatiale (conditionnement lié aux choses contenues dans l’envi-ronnement aux moments où il s’opère, l’alcool est presque toujours disponible là où il y a fête), et proximité temporelle (conditionnement lié à la répétition et à un délai court entre les deux événements).

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Je souligne ici l’importance de la dimension mentale et psychologique du pro-cessus de dépendance. Et si je fais un parallèle avec mes croyances, qui ne sont pas une substance que l’on ingère, mais qui se construisent, elles aussi, dans une dimension psychosociale et qui ont une influence directe sur mes sensa-tions physiques de bien-être ou de mal-être (par exemple, plus je me crois en danger, plus je panique et me paralyse, me fatigue ; plus je me sens aimé et compris, plus je me sens euphorique et détendu, etc.), je peux aisément ima-giner qu’un processus de dépendance à mes croyances existe : si une croyance me fait du bien, me soulage, m’est transmise dans le cadre d’une relation plus ou moins affective, elle m’invite donc à l’associer aux bénéfices que j’en retire.

La répétition des situations vécues, rencontrées, voire recherchées, dans les-quelles je vérifie que cette croyance semble vraie et me fait du bien, vient ren-forcer cette croyance et finit par créer un conditionnement.

Réflexe conditionnel : déclenchement de mécanismes automatiques du fait de causes similaires à celles qui auraient dû réellement les déclencher (exemple : association entre côtoiement du coach et mieux-être).

Dans un phénomène de dépendance comme l’alcoolisme, la personne est plus ou moins consciente de sa dépendance et sait que cette dépendance est mau-vaise pour sa santé, même si elle la nie, mais elle continue à boire et entretient sa dépendance, parce qu’elle en apprécie les bénéfices secondaires (cf. supra).

Concernant mes croyances, je remarque des phénomènes similaires : selon Paul Diel, l’homme perd de vue ses besoins primaires (recherche du beau, du vrai, du bon, du juste, du bien, besoin d’aimer, de donner un sens à sa vie, de créer), pour se consacrer à la satisfaction de ses besoins secondaires, moins essentiels, souvent plus matériels ou liés à l’image qu’il veut donner au monde (possessions matérielles, reconnaissance sociale, argent, pouvoir). La relation qu’il construit et entretient avec le monde qui l’entoure, crée et installe des habitudes, qui, avec la répétition, se transforment en conditionnement. Il forge alors des croyances, qui expliquent, justifient, rationalisent ses comportements-conditionnements.

Il renforce régulièrement ce conditionnement au gré des situations vécues et peut aller jusqu’à provoquer des situations, pour vérifier, confirmer, que son rai-sonnement-comportement-conditionnement est « juste ». Certaines croyances apportent du bien-être, d’autres desservent, voire pire. Mais ce condition-nement et le processus de renforcement créent un phénomène de dépendance où il devient dépendant de ses croyances, même limitantes, voire dangereuses,

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difficilement capable d’en prendre conscience et les (se) justifiant par tous les moyens chaque fois que c’est nécessaire. Autant il est aisé aujourd’hui (mais ça n’a pas toujours été le cas, pour des raisons culturelles et donc des croyances…) de juger négativement la dépendance à l’alcool, tant elle est néfaste à moyen/

long terme pour l’individu, autant il est difficile d’évaluer si une croyance est bonne ou mauvaise. Le docteur Maultsby propose à ce sujet une échelle de mesure : si l’on peut répondre « oui » à au moins trois des questions ci-dessous, la croyance pourra être considérée comme bonne et conservée ; dans le cas contraire, il faudra la faire évoluer ou la remplacer par une autre, qui permette d’obtenir au moins trois « oui » :

Cette croyance m’aide-t-elle à protéger ma vie et ma santé ?

M’aide-t-elle à atteindre mes objectifs à court et long termes ?

M’aide-t-elle à résoudre ou éviter les conflits intérieurs et/ou avec les autres ?

M’aide-t-elle à ressentir les émotions que je veux ressentir ?

Est-elle fondée sur un fait ?

Le mécanisme de la dépendance et l’idée de dépendance à mes croyances ayant été abordés, j’aimerais dire en quoi le domaine du coaching peut être concerné par la dépendance.

Tout d’abord, le coaching vise à travailler sur les représentations qu’a le coaché de la réalité ; nous sommes donc bien dans le domaine des croyances. Ensuite, j’avoue, en tant que coaché, que c’est « un vrai bonheur » de « se faire chou-chouter dans un monde de brutes » : trouver un espace ouvert rien que pour moi, par un coach qui m’accueille avec toute la bienveillance qui sied à sa pos-ture et qui m’aide à voir le positif, le bien, la valeur, la force, l’opportunité, les solutions, là où, seul, je ne vois que le problème, le négatif, l’incapacité, la blesse, le défaut, l’impasse… On m’a tellement bien appris à détecter les fai-blesses et les défauts, et surtout à les cacher, à tout faire pour ne pas échouer, réussir coûte que coûte… Avoir en face de moi quelqu’un qui m’accepte tel que je suis, m’aide à révéler mon potentiel et à avancer, ça me fait du bien. Et si je répète l’opération suffisamment souvent, j’y prends goût. Pour peu que j’en tire des bénéfices, que je progresse, me sente mieux, écouté, compris, jusqu’à avoir envie de raconter mes séquences de coaching à mes amis. J’existe un peu plus, un peu mieux.

© Groupe Eyrolles

Ces bénéfices sont-ils primaires ou secondaires ? Là est vraisemblablement une question importante, mais essayons tout d’abord d’identifier les risques de dépendance, côté coaché.

Dans le document Frank Bournois Thierry Chavel (Page 151-155)