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Comment détecter la dépendance

Dans le document Frank Bournois Thierry Chavel (Page 160-163)

La relation de coaching se construisant à deux, s’il y a dépendance, j’en partage la responsabilité avec le coaché, mais avec des bénéfices secondaires différents : je peux manipuler le coaché et lui peut m’instrumentaliser. Au final, nous sommes peut-être plus ou moins conscients de ce qui se passe, mais nous entre-tenons le modèle dans la durée, nous donnant bonne conscience grâce aux résultats obtenus. Plus les bénéfices secondaires sont importants, plus nous atteignons nos buts personnels, notamment sur les plans valorisants et agréa-bles de la reconnaissance et de l’affectif, et plus il est difficile de détecter la dépendance.

De plus, s’agissant d’un but louable, d’un travail orienté solution, améliora-tion, performance ou développement personnel, l’état d’esprit qui règne dans la relation de coaching est positif et constructif. Si une dépendance se crée, c’est très progressivement, de manière insidieuse et d’autant plus difficile à détecter.

Enfin, s’agissant de réflexes conditionnels, grâce auxquels s’installe la dépen-dance (cf. supra), l’automatisme restreint la créativité. Il est donc d’autant plus difficile, pour moi comme pour le coaché, de prendre du recul et d’envisager d’autres options, une autre manière de faire.

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© Groupe Eyrolles

Le coaché, porté par l’euphorie de la réussite et de la reconnaissance profession-nelle, ou confortablement installé dans un modèle rassurant, ou encore bénéfi-ciant d’une relation affective aura du mal à prendre conscience de sa dépendance. Si la responsabilité semble partagée, officiellement c’est à moi, coach, de rester vigilant, de détecter les signes de la dépendance du coaché et d’y remédier. Mais si je la crée et/ou l’entretiens pour les bénéfices (secondaires) que j’en retire, seul le coaché, éventuellement aidé de son entourage, pourra entreprendre quelque chose afin d’y mettre fin.

La dépendance en matière de coaching, ou plus largement en matière intellec-tuelle et spiriintellec-tuelle, étant difficile à détecter, on peut se demander sur quels signes s’appuyer pour y parvenir. Poursuivant le parallèle utilisé jusqu’ici, je propose d’avoir recours aux signes dits subjectifs de la dépendance alcoolique : malaise général, sensation de vide (intérieur), fatigue, aboulie (absence de volonté), manque d’intérêt, difficultés de concentration, anorexie, anxiété, tris-tesse, gêne (due à la lumière, le bruit, les enfants…). Ces signes peuvent sem-bler excessifs dans le cas du coaching en entreprise, mais restent à mon avis adaptés dans les cas extrêmes de dépendance à une secte par exemple.

Dans le cadre de la relation de coaching, afin de détecter une éventuelle dépen-dance, je propose aux coachés de ne pas s’en tenir aux simples résultats obtenus, mais de rester vigilants, de s’auto-évaluer en conscience et d’interroger régulière-ment (avant qu’il ne soit trop tard) leur entourage professionnel et personnel sur les effets (plus que sur les résultats) observés du coaching. Je conseille aussi au coaché d’observer son propre ressenti sur au moins deux plans. D’une part, se sent-il un peu trop influencé, un peu trop guidé, voire prisonnier, enfermé dans un système de pensées, ayant du mal à être entendu par son coach lorsqu’il fait des propositions ? Et, d’autre part, se sent-il un peu trop en demande de la pré-sence de son coach ? Attend-il avec impatience la prochaine séance ? La perte de la liberté de s’abstenir d’être coaché serait alors une définition possible de la dépendance du coaché, à rapprocher de celle de l’alcoolisme.

Si possible avant le début du coaching, mais c’est encore faisable pendant le coaching, je suggère aussi d’observer le coach, pour voir s’il monopolise le devant de la scène, cherche un peu trop à rassurer, prodigue conseils et solu-tions, essaie de convaincre pour pousser à mettre en application ses idées, et propose de nouveaux objectifs lorsque les objectifs initiaux sont atteints, de manière à prolonger (artificiellement) la mission. Vérifier aussi que l’on a la possibilité de mettre fin au coaching à tout moment. Pour ces deux aspects,

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l’exercice est difficile car il faut savoir s’extraire de la situation pour observer ce qui s’y passe, et… les plus grands manipulateurs sont ceux qui vous laissent croire que vous avez le choix.

Enfin, je conseille au coaché de mesurer le développement de son autonomie : est-il plus apte à réfléchir et élaborer seul différents scénarios possibles face à une difficulté, puis à définir et mettre en œuvre seul son plan d’actions, voire l’actualiser et l’adapter en fonction des conditions rencontrées ?

Autonomie : possibilité de décider, pour un organisme, pour un individu, sans en référer à un pouvoir central, à une hiérarchie, une autorité ; indépendance.

Développement personnel : ensemble des différents stades par lesquels passe une personne pour atteindre sa maturité.

Responsabilité : capacité de prendre une décision sans en référer préalable-ment à une autorité supérieure/responsable ; qui doit répondre de ses actes.

Superviseur : […] contrôle l’enchaînement et la gestion des processus.

Le nombre de séances peut aussi être un bon point de repère : limiter le coaching à huit ou neuf séances me paraît raisonnable, car la plupart des personnes que j’accompagne atteignent leurs objectifs en cinq à huit séances. Parfois elles ne les atteignent pas, et j’ai pris l’habitude de dire que si l’objectif n’est pas atteint avec moi en neuf séances, il vaut mieux changer de coach, ou d’outil, le coaching n’étant finalement pas l’outil le mieux adapté à la problématique et la situation.

À retenir

Le coach, conscient des risques de dépendance de son client, pourra s’évaluer sur les différents points qui viennent d’être abordés, à savoir : niveau d’influence, voire de domination, pratiqué sur le coaché ; niveau d’écoute et de construction consacré aux solutions proposées par le coaché ; niveau d’auto-nomie, voire d’indépendance et de liberté, laissé au coaché dans l’analyse de ses représentations, puis l’élaboration et la mise en œuvre de ses actions ; capa-cité à mettre fin au coaching de sa propre initiative ou à la demande du coaché ; nombre de séances pratiquées ; et capacité à interroger le coaché sur le niveau de sa dépendance au coaching.

S’il éprouve quelques difficultés à faire seul cette évaluation, ce qui est fré-quent, le recours à une bonne supervision est recommandé.

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Enfin, un bon moyen d’évaluer le niveau de dépendance, et surtout de déve-lopper la capacité à prendre du recul du coaché, est de l’interroger sur le processus et la relation : comment avons-nous travaillé ? Quel(s) rôle(s) avons-nous joué l’un et l’autre ? Comment avez-vous progressé ? Pourriez-vous dans d’autres situations produire (sans moi) un processus similaire ? Ce questionnement est aussi un moyen d’amorcer une possibilité de sortir de la dépendance, objet du volet que nous allons aborder maintenant.

Dans le document Frank Bournois Thierry Chavel (Page 160-163)