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LA SEMIOTIQUE AU CENTRE DE LA REPRESENTATION SOCIALE Les relations non-verbales sont porteuses de significations, elles sont émises dans le

but de « faire comprendre », de « signifier » à autrui quelque chose que ce soit à son niveau, comme au niveau de l’environnement. Il y a donc partage d’une information d’un émetteur à un récepteur. Cette information peut-être une donnée

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réelle sur le contexte de l’interaction ou encore à propos de l’émetteur, néanmoins, il est fréquent lors d’échanges entre animaux que ces informations soient de l’ordre du factice, qu’il y est falsification de l’information afin de tromper l’autre. Falsifier un message suppose que l’émetteur de ce message soit capable de contrôler le canal qu’il utilise pour le transmettre. L’état émotionnel se manifeste par des mimiques faciales, qui sont représentatives de l’émotion ressentie, les gestes et la posture indiquent quant à eux le degré de cette émotion (Cosnier, 1994 in Marc et Picard, 2003 ; p.163). Concrètement, il nous apparaît fort peu évident de contrôler un canal chimique telle que l’odeur de transpiration, cependant pour pallier le problème, l’humain tente de masquer ce genre de manifestations corporelles odorantes, de ce fait il devient capable de falsifier les informations olfactives qu’il émet par le biais de substitut d’odeur corporelles artificielles (Faivre, 2001).

Marc et Picard (2003 ; p.163) adopte une forme de classification des signes dans le cadre de la mise en scène de l’individu interactant : ils différencient les indices, des symboles et des signes. L’indice « a une valeur expressive plus que communicative

», en d’autres termes, l’indice à le pouvoir de retracer un état émotionnel dans le cadre de l’interaction, les mimiques faciales sont une forme d’indice, puisqu’elles nous livrent une lecture du ressenti de notre interlocuteur. L’indice rappelle, comme le soulignent Marc et Picard (2003), la notion de signe de lien que développe Goffman, qui permet à des individus d’afficher leur lien, se tenir par la main donne un indice quant à la relation d’intimité qu’il peut y avoir entre deux individus, sans pour autant véhiculer un message à proprement parlé.

Le symbole est un comportement corporel qui se comprend en fonction de l’univers culturel de l’émetteur, il faut avoir une certaine connaissance de références communes afin de comprendre le sens de l’analogie faite entre le comportement accompli et le message signifié. Si une personne joint ses deux mains près d’une de ses joues, tout en fermant les yeux et en inclinant sa tête, son comportement corporel sous-entend qu’elle veut dormir, mais nous sommes à même de le décoder parce que c’est un geste fréquent que l’on apprend dès son plus jeune âge pour sous-entendre le coucher.

Enfin, les signes corporels « fonctionnent comme les signes langagiers : comme eux ils ont pour but de transmettre un message, comme eux ils laissent supposer l’existence d’un code commun entre les interactants » (Marc & Picard, 2003 ; p.165). Il existe deux catégories de signes corporels : les signes indiciels, qui se basent sur indice comme le sourire qui laisse supposer la joie et qui est nécessaire pour témoigner sa sympathie, et les signes symboliques, qui servent d’échange sur la base du rituel, comme par exemple le fait de serrer la main de quelqu’un.

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IV.3.2.Vers une sémiotique olfactive esthétique ?

Comment pouvons-nous pressentir une sémiotique olfactive humaine, qui s’appuierait sur un signe artificiel, construit dans le but de signifier, de dénoter, voire de transcender un objet absent ? Le parfum est une émanation factice de l’être, un signe artificiel que le corps tente de s’approprier afin de lui donner meilleur apparat. Nous pensons que le modèle du message esthétique peut s’appliquer au parfum, c’est pourquoi nous allons à présent le développer.

Le message esthétique s’appuie sur des messages redondants, qui ne nous sont pas totalement étrangers, car si tel était le cas, il serait alors dénué de sens. Il est donc important que nous puissions nous référer à ce qu’Eco (1968) appelle l’« interaction contextuelle », soit au contexte qui englobe les différents éléments de ce message esthétique. Il souligne aussi le caractère de la matière qui est nécessaire pour comprendre ce message, que la façon dont le code est employé n’est pas anecdotique, qu’il nous oblige « à accueillir l’idée d’une parenté entre référents, signifiés et signifiants » (Eco, 1972 ; p.127). Enfin il nous démontre que ce message peut avoir divers niveaux de réalité, qui sont tous sur la base d’un code commun.

Eco (1972 ; p.128) se réfère à Bense (1965) pour expliquer les différents niveaux d’information contenue dans un message esthétique : les supports physiques, soit la forme que prend le message, les éléments différentiels sur l’axe paradigmatique, qui pourraient correspondre dans le cas d’un parfum aux différentes notes qui le composent, les rapports syntagmatiques, soit l’articulation des différents types de notes les unes par rapport aux autres, les signifiés dénotés, soit « qu’est-ce que ça sent ? », les signifiés connotés, soit « qu’est-ce que ça m’inspire ? » et enfin les attentes idéologiques, qui sont l’articulation des différentes informations précédentes. Néanmoins, le parfum est un message esthétique spécifique, reposant sur un code n’étant maîtrisé que par une minime partie d’individus, ceux parfois même à la base de sa création. Il y a donc une distanciation entre ce système informatif qui est partagé par une majorité d’individus mais qui ne peut-être totalement « assimilé » voire compris que par une minorité.

En effet, porter un parfum ça peut-être décider de se mettre une odeur qui nous sied, et se différencier des autres par cet artefact, cependant nous ne sommes pas toujours capables de trouver quelles sont les notes qui existent à travers ce parfum et pourquoi nous les avons choisies dans leur ensemble pour nous parer. Seuls les professionnels sont capables de nous dire quelles sont les essences qui composent la forme olfactive, et à quelle catégorie de la population elles sont supposées aller.

Au final, on retrouve cette même notion avec un message esthétique comme l’œuvre d’art, qui nous plaît, mais à vrai dire nous ne savons pas vraiment pourquoi.

Cependant, nous sommes capables de la décrire, car nous possédons un vocabulaire, de la forme, de la couleur, de la texture, bien plus riche que celui de

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l’odorat. Pour Eco (1968), le message esthétique nécessite auto-reflexivité qui se forme en fonction d’un « système homologue de relations », qui génère « un réseau de formes homologues qui constitue le code particulier de l’œuvre » (Eco, 1972 ; p.129). Percevoir un message esthétique c’est une expérience individuelle qui « est théorisable mais non mesurable » (Eco, 1972 ; p.133), chacun est donc en proie à sa propre expérience perceptive et face à l’œuvre, à sa sensation. Néanmoins, le champ de la sémiotique nous permet de transformer des signes dits expressifs en éléments de communication articulés sur la base de codes.

Il s’agit de savoir exactement si même à ce niveau on peut déterminer des codes. La notion d’idiolecte esthétique, tout en considérant le message à fonction esthétique comme une forme dont les niveaux de signifiés forment un tout avec le niveau des supports physiques, réaffirme la nécessité de réaliser à tous niveaux une structure homologue. Une telle structure devrait permettre de définir, en terme d’opposition et de différence, même les éléments matériels de l’œuvre. (Eco, 1968 ; p.134)

Ainsi, donner du sens à un message esthétique, c’est l’envisager par rapport à un code tout en le considérant comme un message délivré par une source au destinataire, suscitant des émotions par le biais de dénotations, ou encore de connotations,

Nous faisons confluer vers sa forme vide des signifiés toujours nouveaux, contrôlés par une logique des signifiants qui maintient une dialectique entre liberté de l’interprétation et la fidélité du contexte structuré du message. (Eco, 1968 ; p.139)