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(1973a, 1974) qui est la « face » de l’interactant, soit son identité au cours de l’échange qu’il cherche à maîtriser afin de faire bonne figure aux yeux des autres.

Certains des acteurs parfumés suscitent la colère de leur supérieur hiérarchique, alors que d’autres ne possèdent aucune animosité envers l’interactant parfumé, car leurs rapports s’inscrivent dans la confiance.

Dans un quatrième temps, nous imposons une situation de communication tirée d’un rencontre sociale, lors d’une réception, où l’individu s’expose aux regards des autres, à leurs jugements : un individu doit se tenir « correctement », car comme le souligne Goffman (1988) : « quels que soient nos actes, ils ont toute chance d’être socialement situés, au sens étroit du terme». L’individu parfumé doit aller à la rencontre d’un personne qu’il lui plaît. Pour ce faire, il est nécessaire qu’il soit attentif à l’autre, à son territoire, mais il devient aussi à son tour vulnérable à l’autre, que ce soit d’un point de vue d’une agression corporelle, ou encore d’une agression de type verbale « qui peuvent pénétrer nos réserves psychiques -, et aux ruptures de l’ordre d’expression que nous nous attendons à voir maintenir en notre présence» (Goffman, 1988).

C’est pourquoi, Goffman établit la notion de ressources sûres qui sont basées sur la maîtrise du rituel des échanges informels. Il évoque ainsi la notion de « menus propos », small talk, qui correspondent à des sujets de conversation d’une grande banalité, ou encore celle du cancan (gossip) ou bien enfin, les manifestations de courtoisie, comme proposer son aide à quelqu’un ou son assistance. Nous pensons qu’en fonction d’un parfum, les interactants parfumés n’auront pas la même démarche, que ce soit dans la mobilisation de ressources sûres, ou dans l’approche et l’intrusion au sein du territoire de l’autre acteur de la communication.

Enfin, et pour clôturer cet espace de projection, nous demandons au sujet si une personne de son entourage serait susceptible de porter le parfum que nous analysons. Cette démarche à pour but de comprendre si cette odeur telle qu’elle est perçue, pourrait correspondre à une personne connue ; puis nous interrogeons le sujet sur certaines caractéristiques de cette personne réelle, afin de les comparer par la suite avec les attributs de personnages inventés.

5. Une posture épistémologique revendiquée

D’un point de vue épistémologique, nous nous positionnons en fonction du paradigme compréhensif, nous appréhendons l’individu en tant qu’objet d’études, tout en étant totalement au contact du phénomène que nous explorons : nous sommes donc inscrit « dans un monde phénoménologique social, car on peut s’immerger dans ce monde par empathie et/ou provoquer les expressions des vécus des autres pour s’y confronter» (Muchielli, 2004 ; p.21). Nous sommes consciente de la subjectivité qu’engendre notre recherche, cependant, nous cherchons à donner du sens à nos observations tout en nous basant sur des données déjà

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avancées par d’autres chercheurs. Notre méthode et notre analyse sont systématisée, leur but étant d’être reproductibles : cette démarche est aussi constructiviste, puisque s’appuyant sur des recherches passées. Elle est aussi empirico-inductive, car nous nous appuyons sur nos observations, ainsi que notre corpus afin de mettre en évidence des processus qui sous-tendent la communication olfactive. Nous sommes dans une démarche, Husserlienne, axée sur les notions herméneutiques et phénoménologiques : « les existentiaux sont le terreau où se produit la constitution anonyme du sens, l’objectivité scientifique n’étant que l’attitude adéquate pour résoudre un problème particulier4 ».

Enfin, il nous apparaît plus que fondamental de remettre « au goût du jour » des recherches en Sciences de l’Information et de la Communication inscrites dans l’univers des sens, plutôt que de favoriser celle qui abondent au niveau des nouveaux médias de communication. A titre personnel, il nous est arrivé plus d’une fois de voir apparaître un brin d’ironie dans les yeux de notre interlocuteur lorsque nous évoquions notre sujet portant sur les odeurs. Ce dernier trouvant certainement plus glamour de s’essayer à des domaines comme « l’impact des nouveaux médias dans les conflits armés » ou encore « quelles seront les nouvelles problématiques télévisuelles à l’heure d’Internet ». L’essence de notre être est reléguée pour des recherches technologiques et médiatiques. Cependant, le corps est le premier vecteur de cette communication, il est le réceptacle essentiel sans qui elle serait impossible puisqu’imperceptible. Mais où est donc passée le sensualisme communicationnel ?

Certains chercheurs y croient encore, puisqu’ils ont suscité ou accompagné une telle recherche, elle a débuté il y a quelques années, suite à la lecture d’un ouvrage dont l’introduction disait :

Ce a quoi que nous aimerions avoir contribué ici, c’est à la reconquête de la dimension plurielle, pleinement synesthésique de cette communication qui ne peut échapper aux odeurs et devrait cesser de se méfier d’elles. Dans de multiples champs des sciences humaines, la dynamique est lancée, cependant, qui étudie odeurs et parfums non comme des objets singuliers ou marginaux, mais au contraires centraux dans les processus d’échanges, dans les interactions de toutes natures. Et de même, comme réponse à un séculaire assoupissement des sens, la reconquête sensualiste, portée par le courant post-moderne, tend à considérer, de plus en plus, les parfums comme ressortissant d’une nouvelle esthétique sociale, dans leur dimension interpersonnelle et collective. (Lardellier, 2003, p.13)

4 2001 Encyclopædia Universalis France S.A.

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C’est ce à quoi, nous espérons contribuer au cours de ces quelques pages : maintenir cet enjeu, l’espace de cette thèse, à réhabiliter les sens au centre des différentes problématiques communicationnelles actuelles.

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P P R R E E M M I I E E R R E E P P A A R R T T I I E E

L’ODEUR COMME VECTEUR DE COMMUNICATION INTERPERSONNELLE ET COMME DISPOSITIF COMMUNICATIONNEL

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Introduction au Chapitre I 35 Chapitre I : Approche psycho-socio-pragmatique de la communication olfactive

C C h h a a p p i i t t r r e e I I : : A A p p p p r r o o c c h h e e p p s s y y c c h h o o - - s s o o c c i i o o - - p p ra r a g g m m a a t t i i q q u u e e