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Section 3 Les cuivres

Dans le document Le droit selon la musique (Page 173-186)

Partie 1 Le droit à l’usage de la musique

Partie 2 Le droit dans l’écriture musicale

1. S OUS PARTIE 1 I NSTRUMENTATION ET VO

1.1. Chapitre 1 L’orchestration

1.1.3. Section 3 Les cuivres

Les cuivres ont pour atouts majeurs la puissance de leur timbre, leur faculté soliste et leur aspect rutilant. Ils participent à des événements juridiques depuis le fond des âges.

À s’en tenir aux récits bibliques, la loi scellant la première alliance est remise à Moïse au fracas des trombones510, les rois d’Israël étaient oints au son du cor511, le Jugement dernier est annoncé par des trompettes512.

- la loi

Les quelques thèmes dévolus à la loi sonnent à la tromba da tirarsi (le choral Voici les dix

saints commandements dans la cantate Du sollst Gott, deinen Herren, liebende J.-S. Bach) :

509 Idoménée : « Peuple, Idoménée vous dicte son ultime loi à titre de roi ». 510 Exode 19. 16 à 19

511 1 Rois 1. 40

ou aux cors et tuba (Moïse et Aaron de Schoenberg).

Sous la cérémonie d’une fanfare de quatre trombones, le messager des Esprits invoque la loi (La Femme sans ombre de R. Strauss, acte III)513 :

alors que précédé par quatre trompettes, le héraut médiéval proclame les arrêtés royaux (Lohengrin de Wagner, acte II, scène 3) :

Dans des terres plus lointaines, les oukases d’un usurpateur sont stigmatisés avec rugosité par les cuivres (Boris Godounov de Moussorgski, acte IV, premier tableau).

513 Le Messager (d’une voix d’airain) : « Consume-toi ! Ce qui t’arrive, c’est la loi qui le veut ! » (« Nach dem

- les droits subjectifs

Si les cuivres ont une relation particulière avec le divin, ils ont aussi partie liée avec le malin et la mort.

Aussi, les trombones attisent la félicité de celui qui pactise avec un suppôt du diable

(Le Freischütz de Weber, acte II, scène 4, exemple de ta troisième balle) :

De même, une trompette et un trombone sonnent ensemble le motif du pacte de mort, qui sera bientôt précédé par l’appel d’un cor (Ernani de Verdi, acte IV). Le thème des droits

du mari sonne aux cors et à la trompette après la mise à mort de son rival (La Walkyrie de Wagner, acte II, scène 5)514.

Ceci rappelé, les cuivres résonnent d’abord en soutien des droits personnels, le mariage ou tout autre contrat entre vifs.

Un cor goguenard ponctue ainsi une scène intime de demande en mariage (Arabella de R.

Strauss, acte III) avant que les cuivres célèbrent la cérémonie nuptiale elle-même (Les

Noces de Figaro de Mozart, acte III, scène 14 et Lady Macbeth de Mtensk de Chostakovitch, acte III, huitième

tableau ; exemple des Noces) :

Les trombones sonnent au prononcé de la nullité du mariage, effaçant ainsi rétroactivement ses effets (La Femme silencieuse de R. Strauss, acte III), comme ceux-ci

participent pareillement à la nature parodique de la conjuration par laquelle des épouses décident de ne plus honorer leur devoir conjugal (Les Conjurées de Schubert).

Pour les autres droits subjectifs, la sonorité caverneuse du trombone amplifie le caractère solennel de la langue du Palais lors d’une vente aux enchères (La Dame Blanche

de Boieldieu, acte II) tandis que plusieurs d’entre eux participent aux soupirs désespérés

de la jeune femme qui vient de vendre sa fécondité (La Femme sans ombre de R. Strauss, acte

II). Les cuivres apportent enfin leur apparat à la réception d’un nouveau membre d’une

confrérie (L’Italienne à Alger de Rossini, acte II, n°16, deuxième final).

Les cuivres se manifestent à la pareille lors de l’attribution ou de l’extinction de droits patrimoniaux.

Lors de la dictée d’un testament, le partage des biens peu importants intervient sur un motif nasillard aux cors et aux trompettes (Gianni Schicchi de Puccini) :

La lecture d’un autre testament plane au-dessus d’un thème énoncé par deux trompettes lointaines (Robert le Diable de Meyerbeer, acte V, scène 3) :

Le trouble provoqué par une demande en renonciation de succession est suggéré par une fanfare étouffée de trompettes munies de sourdine (Sœur Angélique de Puccini).

- le jugement

Au point de vue thématique, les cuivres ne se réduisent pas, dans leur pleine puissance, à faire éclater le triomphe de la justice (Hymne à la Justice de Magnard) : les

trombones sonnent aussi le thème du Juge (Le Corregidor de Wolf, acte I) et celui de

l’Ordalie (La Femme sans ombre de R. Strauss, acte III) quand, associés aux tubas, ce n’est pas

celui du jugement de Dieu (Lohengrin de Wagner, acte I, scènes 2 et 3)515.

À l’unisson de l’ophicléide et des trombones retentit celui de la terrible puissance de juges expéditifs (Les Francs-Juges de Berlioz, exemple du tuba) :

Les cuivres sont éternellement associés à l’annonce du jugement, et bien souvent au dernier d’entre eux.

Dans la messe ordinaire, le Judicare est introduit soit par un trombone solo (Missa

Solemnis de Beethoven) :

soit par des trompettes (Missa Solemnis de Fiocco) qui ouvrent également le Judicabit du

Dixit Dominus (Dixit Dominus RV 594 et 595 de Vivaldi).

Dans une cantate, des sonneries de trompettes se font menaçantes et justifient les appels maintes fois répétés du Christ : « Eveillez-vous ! » (cantate O Ewigkeit, du Donnerwort de J.-S. Bach, 6. aria de la basse)516:

L’incipit du Tuba mirum revient par nature au trombone solo (Requiem de Mozart) :

516 Basse : « Éveillez-vous, avant que ne retentisse la trompette qui dans l’effroi vous tirera de la tombe vers le

ou plus largement aux trompettes, trombones et cors réunis (Requiem de Blacher).

Les grandes fresques du Jugement dernier ne sont pas en reste de cuivres : les trompettes de la Justice, lourdes de menaces (Le Livre des sept sceaux de Schmidt, troisième

partie), les sonneries de cuivres solennelles (Die Letzen Dinge de Spohr, partie II), les

trompettes en prélude et postlude du duo des anges du Jugement dernier (Le Jugement

dernier de M.-A. Charpentier), une armée de trompettes dans une atmosphère apocalyptique

(Arcanes Symphoniques de Dubugnon), l’appel solitaire du cor et de la trompette guidant la

marche en avant des morts (Symphonie n°2 Résurrection de Mahler), le trombone s’érigeant en

soutien hiératique de la voix quand est apporté devant le Juge le « Liber scriptus »

(Requiem de Mozart, Tuba mirum) :

L’instrumentation du début, riche en trompettes, trombones et tubas ne laisse guère planer de doutes sur le fait qu’elle illustre un véritable Jugement dernier allégorique et imaginaire (Scènes de Faust de Schumann, partie I, scène de l’église, exemple au début du Dies irae) :

Enfin arrive le procès. L’ange de la mort annonce l’imminence du jugement dans le fracas des bois et des cuivres réunis (Les Béatitudes de Franck, sixième Béatitude)517, les trombones et le tuba basse résonnent en prémonition de l’inflexibilité papale

(Tannhäuser de Wagner, acte III, scène 4) :

Dans d’autres œuvres lyriques, le procès est ouvert par une sonnerie de trompettes

(Flocon de Neige de Rimski-Korsakov, acte II), le tribunal lui-même est évoqué par des cuivres

sentencieux presque funèbres (André Chénier de Giordano, acte III) et les trompettes situées

derrière la scène accompagnent l’entrée des juges et du roi (Dalibor de Smetana, acte I).

517 L‘ange de la mort : « Je suis le moissonneur des âmes, l’Ange de la mort. Ouvrez-vous, ô portes de flammes

du céleste port ! Mais qui de vous, fils de la terre, mais qui de vous pourra sans effroi voir dans l’Eternel la lumière, le souverain Roi ! ».

Au cours de l’audience, une fanfare de trompettes est enchâssée entre l’équivalent anglais du Judex crederis et la supplication des pêcheurs (Te Deum pour la Victoire de

Dettingen de Haendel) :

Les interventions du Juge suprême sont ponctuées par les cuivres (Apparebit repentina dies

d’Hindemith, deuxième mouvement). Cors et trombones font retentir un sombre sforzando lors

de l’évocation du « péché de sang » (Boris Godounov de Moussorgski, acte I, premier tableau).

Il arrive même qu’un motif confié aux vents intervienne périodiquement comme ponctuation cynique aux déclarations et aux décisions prises par un tribunal composé de juristes amateurs (Grandeur et décadence de la ville de Magahonny de Weill, acte III) ou

d’animaux (Jeanne d’Arc au Bûcher d’Honegger, Jeanne livrée aux bêtes).

Des accords de trombones indiqués « menaçants » par le compositeur scandent l’ultime épisode de l’œuvre devant les juges (Till l’Espiègle de R. Strauss) :

Quand vient le temps de la sanction, les juifs demandent la mort d’Etienne sur un motif implacable (croche-deux doubles croches) souligné par les cuivres (Paulus de Mendelssohn, partie I, 7. Récit et chœur)518:

La liste des accusées est lue sur des accords saccadés de cuivres et la lecture de la sentence est accompagnée d’accords glacés des trompettes (Dialogues des carmélites de

Poulenc, acte III, troisième tableau)519. La voix de Neptune, accompagnée des instruments de

la transcendance, cors et trombones, prononce la sentence oraculaire (Idoménée de Mozart, acte III, scène 10, exemple de l’introït)520:

518 Il se ruèrent sur lui et le poussèrent hors de la ville et ils le lapidèrent et criaient d’une voix forte : « Lapidez-

le ! Il blasphème Dieu et celui qui blasphème Dieu doit mourir ».

519 Le geôlier : « Le Tribunal révolutionnaire expose que les ex-religieuses carmélites, demeurant à Compiègne,

département de l’Oise : Madeleine Lidoine, Anne Pelerat …(succession de quinze noms de religieuses) ont formé des rassemblements et conciliabules contre-révolutionnaires, entretenu des correspondances fanatiques, conservé des écrits liberticides (…) ».

520 La voix : « L’amour a vaincu. Qu’Idoménée cesse d’être roi. Idamante régnera…Ilia sera son épouse. Que

menaçantes comme le verdict, un accord de tous les cuivres ouvrant la porte du cachot (Lulu de Berg, acte II, film) dont l’ambiance sinistre est peinte par un orchestre tout

en cuivres graves (Dalibor de Smetana, acte II).

L’espoir revient lorsque la porte du cachot s’ouvre sur un accord des cuivres (Lulu de

Berg, acte II, film) mais disparaît quand la sanction est la mort.

Les trombones soulignent le tragique de la séparation du condamné à la prison et de sa famille (Die Bürgschaft de Schubert, acte I).

Les trombones font entendre le motif de la pendaison (Billy Budd de Britten, acte II, quatrième

tableau)521 et des fanfares stridentes des cuivres planent au-dessus de la marche au

supplice (Dialogue des Carmélites de Poulenc, acte III, quatrième tableau). Une autre fanfare

composée de trompettes et trombones à l’unisson accompagne les derniers préparatifs de la pendaison (La Fille du Far West de Puccini, acte III). Des trompettes portent une

promesse de mort, celle des chevaliers condamnés au bûcher (Fierabras de Schubert, acte II, n°16) :

- le pouvoir

Les cuivres sont porteurs de bonnes nouvelles : les trompettes retentissent à l’arrivée d’un gouverneur (Fidelio de Beethoven, acte II, scène 8, n°16 Finale) :

le cor de chasse à celle d’un messager (Les Puritains de Bellini, acte IV), tous deux venant

annoncer la grâce des prisonniers. De même, le thème de l’Appel à la liberté qui parcourt l’œuvre est constitué de trois appels des trompettes (Rienzi de Wagner).

Les cuivres participent également à la splendeur du pouvoir.

La scène du couronnement s’ouvre au son des trompettes annonçant l’élection de l’empereur (Ernani de Verdi, acte III La Clémence), comme les trompettes accueillent l’arrivée

de l’ambassadeur de Venise (Otello de Verdi, acte III, scène 6)522:

Une fanfare de cuivres ouvre pour sa part la séance de la diète helvétique (Nicolas de Flue d’Honegger, acte III).

522 Iago (à Othello): « Seigneur, je vous rends grâce. (Fanfares de trompettes) Voici l’Ambassadeur; Allez le

classique composée de quatre trompettes sonne le motif de la « Cérémonie du roi » noble et vaillant (Lohengrin de Wagner, acte I, scène 2) :

Les trompettes sont annonciatrices de la libération des prisonniers et de la réconciliation entre le roi des maures et Charlemagne (Fierabras de Schubert, acte III, n°23) :

À l’inverse, trois accords sont jetés dès l’ouverture à grand renfort de cuivres pour matérialiser la brutalité discrétionnaire du chef de la police (Tosca de Puccini), un cor

annonce l’arrivée d’un gouverneur abhorré (Guillaume Tell de Rossini, acte I).

Les cuivres accompagnent aussi les agents de la force publique dans le feu de l’action.

Un court passage orchestral, avec l’intervalle de l’urgence joué par les trompettes, exprime la course des policiers venant arrêter les coupables (Lady Macbeth de Mtensk de Chostakovitch, acte III, septième tableau) :

Autres commis de l’Etat, les commissaires du peuple signifient aux religieuses leur expulsion au son de cors en goguette (Dialogue des Carmélites de Poulenc, interlude I), l’entrée

des lieutenants de police secrète intervient dans une atmosphère de petits bruits de souffle des instruments à vents (Le Grand Macabre de Ligeti, troisième tableau).

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