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Section 3 Les droits subjectifs

Dans le document Le droit selon la musique (Page 41-46)

Partie 1 Le droit à l’usage de la musique

1. S OUS PARTIE 1 L A PLACE DU DROIT DANS LE REPERTOIRE MUSICAL

1.2. Chapitre 2 La diversité des phénomènes juridiques

1.2.3. Section 3 Les droits subjectifs

Les droits subjectifs sont entendus pour les besoins de cette thèse de manière générique, c’est-à-dire comme tout acte juridique générateur de droits ou d’obligations.

- les actes juridiques d’après leur nom

Outre les actes unilatéraux, le répertoire musical appréhende le contrat selon l’époque, le système juridique et la traduction française d’un texte étranger sous des vocables variés : contrat, convention, pacte, promesse, alliance, traité.

- les actes juridiques d’après leur forme

La conclusion verbale d’un contrat est l’usage le plus répandu. La musique déroge à la règle puisque peu d’œuvres se réfèrent à ce mode de tractation ancien et utile (la

paumée dans Martha de Flotow, acte I, scène 2), à l’exception notable des engagements souscrits

auprès de divinités, hormis le diable (la signature du pacte dans Faust de Gounod, acte I, scène 2).

Elle est néanmoins susceptible d’être précédée ou accompagnée d’un geste symbolique de l’une (le verre d’eau dans Arabella de R. Strauss, acte III) ou de l’ensemble des

parties (le partage de la coupe dans Lakmé de Delibes, acte III).

Des compositeurs lyriques ont saisi l’opportunité d’un contrat écrit pour mettre en scène musicalement sa conclusion (la scène d’un mariage chinois mais occidentalisé dans Madame

Butterfly de Puccini, acte I) ou sa résiliation (la signature de l’acte de divorce dans Stiffelio de Verdi, acte

III, premier tableau).

Le contrat solennel tire son formalisme de la qualité de celui qui l’instrumente. L’archétype du contrat solennel est l’acte notarié (Le Barbier de Séville de Rossini, acte II, scène 10), établi communément en latin, la vulgate du droit en musique.

Le cérémonial est moindre pour les actes sous seing privé, mais nécessaire néanmoins quand il s’agit de recueillir, ad valitatem ou ad probationem, l’expression concordante de plusieurs consentements (reconnaissance de dettes du roi à l’égard de l’Astrologue

dans Le Coq d’or de Rimski-Korsakov, acte I).

Les conventions passées avec les Esprits supérieurs ont été divinement mises en musique : Dieu (Jephté d’Haendel, acte I, scène 4), les dieux (Idoménée de Mozart, acte I, scène 9)57, le Malin (Mefistofele de Boito, acte I)58. Leur qualification habituelle (pacte, promesse, alliance) suggère que leur conclusion est intervenue dans un contexte inhabituel. Les traités internationaux sont, à quelques exceptions près (La Bataille de Legnano, acte I59 et

Simon Boccanegra de Verdi, acte I60, Padmavati de Roussel, acte I61), hors la musique, comme si les

œuvres se satisfaisaient du cadre local dans lequel elles se situent.

Par incidence, les lettres de créance sont peu représentées (par exception, Zar und

Zimmermann de Lortzing, acte II) à la différence des ambassadeurs : musulmans (Les Lombards

de Verdi, acte II, scène 1) - des chrétiens (Ricciardo et Zoraide de Rossini, acte I) – de Venise (Othello,

acte III, scène 1 de Verdi) - de Tartarie (Simon Boccanegra de Verdi, acte I, scène 10), du Japon (Le

Rossignol de Stravinsky) – de France et de Savoie (Nicolas de Flue d’Honegger, acte III) - de Bavière

et de Bohème (Rienzi de Wagner, acte II) - d’Espagne (Henri VIII de Saint-Saëns) – d’un pays

imaginaire (le Reuss-Schleiz-Geirz dans L’Esprit viennois de J. Strauss), venant en émissaires.

Les conventions entre particuliers relèvent de la quotidienneté, sauf si par extraordinaire elles concernent l’état des personnes (pour le mariage : Lucia de Lammermoor de Donizetti, acte II)62 ou donnent naissance à des liens de droit pérennes et opposables aux tiers (pour la propriété : la vente aux enchères dans La Dame Blanche de Boieldieu, acte II).

- les actes juridiques d’après leur objet

57 Afin de sauver son navire, Idoménée a promis à Neptune de tuer le premier humain qu’il rencontrera sur la

rive (en l’occurrence son propre fils Idamante).

58 À Faust qui demande à signer un contrat, Mefistofele et Faust se contentent de se serrer la main en guise

d’engagement.

59 La naissance de la Ligue lombarde notamment entre Milan et Vérone.

60 À l’ordre du jour du Conseil du Doge de Gênes, la paix avec la Tartarie (approuvée) et la paix avec Venise,

réclamée par Pétrarque dans une lettre adressée au conseil (refusée).

61 Les pourparlers entre un sultan mongol et un roi indien.

La spécificité des contrats passés avec les Esprits supérieurs tient à leur allusion fréquente à la vie et à la mort (L’Orfeo de Monteverdi, acte IV)63.

L’objet d’un contrat ordinaire diffère selon qu’il crée un lien de droit entre individus ou qu’il porte sur la jouissance d’une chose.

Parmi les premiers, la musique favorise le contrat de mariage dont la conclusion marque le terme de nombreuses péripéties (La Fille du Régiment de Donizetti, acte II). Elle a

également partie liée avec le contrat de travail (le doublement des appointements du personnel

dans Don Pasquale de Donizetti, acte II, le licenciement dans Carousel de Rodgers) ou d’entreprise (la

construction d'un château dans L’Or du Rhin de Wagner, scène 2), le bail (une menace d’expulsion dans

Street Scene de Weill, acte I), la vente (The Rake’s Progess de Stravinsky, acte III) y compris d’une

personne (Djamiley de Bizet), le cautionnement (Die Bürgschaft de Weill, prologue), le prêt sur

gage (des livres au Mont-de- Piété dans La Bohème de Puccini, acte I), le droit d’auteur (Elégie de deux

jeunes mariés de Henze, acte II), le courtage matrimonial (La Fiancée vendue de Smetana), le contrat

d’apprentissage (Les Maitres Chanteurs de Nuremberg de Wagner, acte III ou La joli Fille de Perth de

Bizet), la donation (l’ordre au Trésorier des Etats de Bretagne de faire don de nombreux châteaux assorti

d’une rente à vie dans Un Jour de Règne de Verdi, acte III, scène 1) et même le droit de cuissage (Les

Noces de Figaro de Mozart, acte III).

Pour leur part, les actes unilatéraux tels les legs (The Rake’s Progress de Stravinsky, acte I,

premier tableau)64 provoquent des retournements de situation, notamment en cas de

changement subreptice dans la personne du bénéficiaire (La Veuve joyeuse de Lehar, acte III).

Enfin, des situations juridiques ayant partie liée avec des contrats, tels la faillite (Les

Contes d’Hoffman d’Offenbach, acte I), le monopole (monopole du commerce à Séville dans Le Mariage au

Couvent de Prokofiev, acte I), les régimes matrimoniaux (pour le régime dotal : le mariage secret de

Cimarosa, acte II ou la Navarraise de Massenet, acte I), l’usure (prototype de l’usurier juif dans Le

Chevalier avare de Rachmaninov, premier tableau), les marchés publics (L’Heure espagnole de Ravel) se

distinguent dans le répertoire musical.

63 Pluton consent à cette violation de l’univers qui représente le retour des Enfers mais à une condition :

qu’avant de remonter parmi les vivants, Orphée ne jette pas un regard sur sa bien-aimée.

qui, sans être contractuel, n’en est pas moins engageant : la filiation légitime (Le

Mariage secret de Cimarosa), naturelle (Wozzeck de Berg) adultérine (La Walkyrie de Wagner, acte I)

ou adoptive (La Juive d’Halèvy), la fratrie (Libuse de Smetana), l’autorité parentale (Le Mariage

secret de Cimarosa), la tutelle (Le Barbier de Séville de Rossini ou le Conte Ory de Rossini), l’absence

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