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Section 4 L’épreuve du droit

Dans le document Le droit selon la musique (Page 145-149)

Partie 1 Le droit à l’usage de la musique

5.2. Chapitre 2 Le droit selon son traitement

5.2.4. Section 4 L’épreuve du droit

L’expérience du droit est souvent associée à une période d’adversité. Le droit lui- même a des capacités éprouvantes.

- la crise

464 Didymus (officier romain chargé d’appliquer le décret du gouverneur Septimius) : « Décret cruel entre Tous !

Septimius, ton âme généreuse exècre sûrement la tâche atroce de la persécution. Ne devrait-on pas laisser à jamais l’esprit né libre de l’homme ? Vaine est en effet la tentative de forcer la foi par les plus terribles instruments destinés à infliger la mort ».

465 Le capitaine : « Vous avez un enfant sans la bénédiction de l’Eglise » / Wozzeck : « Euh…Oui… » (il

s’interrompt) / Le capitaine : « comme le dit notre révérendissime aumônier de garnison : sans la bénédiction de l’Eglise (le mot n’est pas de moi)… » / Wozzeck : « Mon capitaine, le bon dieu ne va pas aller regarder si le pauvre petit a reçu l’Amen avant qu’on l’ait fait. Le Seigneur a dit : Laissez venir à moi les petits enfants ».

466 Sénèque : « Les sentiments sont de mauvais conseillers que la loi déteste et la raison méprise ». / Néron :

« La loi est faite pour qui sert, et si je veux, je puis abolir l’ancienne pour une autre ; l’Empire est partagé : le ciel revient à Jupiter mais du monde terrestre je tiens le spectre ». / Sénèque : « Ce n’est plus volonté que volonté sans règles, mais (si tu le permets) est folie ».

Dans certaines œuvres musicales, l’immixtion du droit résulte d’une situation critique : une crise politique (La Mort de Danton de von Einem), conjugale (Intermezzo de R.

Strauss), filiale (Louise de G. Charpentier) successorale (Libuse de Smetana) ou nationale si ce

n’est nationaliste (Guillaume Tell de Rossini).

Apparu sur fond de crise, le droit a le double pouvoir de l’attiser (Dialogues des Carmélites

de Poulenc)467 ou d’y mettre fin (Don Pasquale de Donizetti)468

Le droit lui-même peut être le creuset de toutes les crises : l’engagement envers un Dieu (Jephté d’Haendel, acte I, scène 4)469, la parution d’un décret (Théodora d’Haendel, acte I)470, l’énoncé d’un jugement (Les Puritains de Bellini, acte II)471 ouvrent un épisode de tension qui se résout usuellement dans la coda de l’œuvre.

- le combat

L’épreuve du droit ne laisse habituellement pas indifférent celui qui s’y mesure. Elle suscite une attitude réactive face à l’adversité : une résistance à l’égard d’un pouvoir despotique (Guillaume Tell de Rossini, acte III, second tableau), une défense forcenée

devant un tribunal (André Chénier de Giordano, acte III), le refus d’appliquer la loi (La Juive

467 Le premier commissaire à Mère Marie : « Ainsi qu’en a décidé l’Assemblée Législative, siégeant le 17 août

1792, pour le premier octobre prochain, toutes les maisons encore actuellement occupées par des religieux seront évacuées par lesdits religieux et religieuses et seront mises en vente à la diligence des corps administratifs ».

468 À un faux mariage malheureux se substitue une union désirée.

469 Jephté sent passer sur lui le souffle de Dieu et dans un récitatif accompagné solennisé par les accords tenus

des cordes, il prononce sa promesse : sacrifier au Seigneur la première créature qu’il rencontrera à son retour.

470 Valens, gouverneur d’Antioche : « C’est aujourd’hui l’anniversaire de Dioclétien : que l’on proclame dans la

ville d’Antioche une fête et un sacrifice solennel à Jupiter ! Quiconque se soustraira aux rites sacrés sentira notre courroux par le châtiment ou la mort ».

471 En fa mineur, un récitatif nu, ou accompagné, en trémolo, avec un sombre motif approbateur, permet

d’annoncer une condamnation à mort : « Et le trait de la mort ne tardera pas. Arthur Talbot est condamné à l’échafaud par le Parlement anglais souverain. Voilà son destin ! ».

- la résignation

À l’épreuve du droit, la résignation se manifeste par une soumission douloureuse à la

loi (Roméo et Juliette de Gounod, acte IV, deuxième tableau, Epithalame)474, la résignation à conclure

un contrat de mariage (Lucia de Lamermoor de Donizetti, acte II), l’acceptation défaite d’un

jugement (La Pucelle d’Orléans de Tchaïkovski, acte III, scène 2) ou la renonciation pathétique à

un droit successoral (Sœur Angélique de Puccini).

- la crainte

La sanction et la contrainte, propres au droit, inspirent la crainte.

Elle peut étreindre le débiteur insolvable (le locataire menacé d’expulsion dans Street Scene de

Weill, acte I), confronté aux moyens de coercition dont dispose son créancier (la saisie

attribution dans The Bear de Walton). L’arrivée du propriétaire réclamant ses loyers se double

de l’inquiétude de l’orchestre (La Bohème de Puccini, acte I, scène 4).

Elle est suscitée par la perspective du Jugement dernier (cantates de J.-S. Bach : cantate Du Friedefürst, Herr Jesu Christ, 2. aria d’alto 475; cantate Mache Dich, mein Geist, Bereit, 6. choral 476; cantate

Wachet ! Betet ! Betet ! Wachet ! 9. récitatif accompagné de la basse477), les multiples œuvres lui étant

472 Un orfèvre juif refuse d’arrêter de travailler lors d’un jour de repos accordé par le concile et le maire de

Constance.

473 Robert, déchiré entre le pacte infernal de Bertram et le testament maternel, ne peut trancher. Le temps vient à

son secours : la cloche de minuit retentit et Bertram disparaît dans les abîmes.

474 Juliette: « Loi rigoureuse, loi rigoureuse ! Ah ! Je tremble ! Malheureuse ! Loi rigoureuse ! Ô mortel effroi !

Sa tendresse m’est ravie ! Ô loi rigoureuse ! Mortel effroi ! Lui seul est ma vie, à lui ma foi, Le sort sans pitié l’a séparé de moi ! ».

475 Alto : « Hélas, indicibles sont la détresse et la menace du juge courroucé ! C’est à peine si, en cette angoisse,

nous pouvons, ô Jésus, comme tu le demandes, élever en ton nom nos cris vers Dieu ».

476 Choral : « C’est pourquoi, ne cessons jamais de veiller, implorer et prier, parce que l’angoisse, la détresse et

le danger se font toujours plus proches ; car le temps n’est pas loin où Dieu viendra juger et anéantir le monde ».

477 Basse : « Ah, ce jour terrible de la fin du monde et du son de la trompette, de l’inouï et ultime tonnerre, des

paroles prononcées par le Juge, où s’ouvre la gueule des enfers, ne va-t-il pas éveiller en mon sein beaucoup de doute, de crainte et de terreur, puisque je suis un enfant du péché ».

(Liturgie de la Vie et de la Mort de Castèrede478 ou Die letze Dingen de Spohr479).

Certains compositeurs l’ont même inscrite au fronton de leurs œuvres (Die Furcht des Herren de J.-Christoph Bach)480.

Attisée par la figure menaçante d’un gouverneur (Guillaume Tell de Rossini, acte I)481, d’un accusateur (Lohengrin de Wagner, acte I, scène 1)482 ou par les juges eux-mêmes (l’entrée des juges

dans la Pie Voleuse de Rossini, acte II, scène 9)483, elle naît parfois du sentiment de ne pouvoir se

défendre seule lors d’un procès (Lohengrin de Wagner, acte I, scène 2)484.

La violation de la loi pénale met en alarme le contrevenant, soucieux de ne pas en paraître l’auteur (Porgy and Bess de Gershwin, acte I, scène 1)485 avant que la crainte ne l’envahisse à l’approche d’un jugement prononcé par des juges séculiers (Lulu de Berg, acte II, film)486.

La crainte se mue en détresse lorsque l’éprouvé a connaissance de sa condamnation. Elle est ressentie entre le prononcé et l’exécution d’une sanction (Dialogues des Carmélites

de Poulenc, acte III, scènes 3 et 4), en cours de peine (pour la prison, la symphonie n° 14 de

478 Dans la dernière partie, le paroxysme de l’angoisse est atteint sur un do aigu, qui exprime la terreur de

l’homme devant la justice divine.

479 L’équivalent du Liber Scriptus catholique (Das Buch wird aufgetan, Ap XX 12) inspire à Spohr une tempête

orchestrale évoquant la peur, le tremblement devant le Livre où les péchés sont consignés.

480 Littéralement « La Crainte de Seigneur ».

481 Les Soldats : « Crainte à Gessler qui dispense les lois ! Crainte ! Oui, oui, c’est l’empereur même qui lance

l’anathème par sa terrible voix ! »

482 Devant la mise en accusation d’Elsa, un chœur d’hommes témoigne du sentiment d’horreur et d’effroi

ressenti par la foule. Friedrich réitère son accusation sur un fond d’accords sans direction tonale, aux altos divisés : l’épouvante est totale.

483 Tous, hormis le Président et les juges, après la condamnation de Ninetta : « Ah, quel coup !... Déjà de partout

j’entends hululer la mort ; déjà, je vois peintes sur son/tout visage la douleur et la terreur ».

484 Elsa (en priant) : « O Seigneur, dis à mon chevalier de me secourir en ma détresse ! Laisse-moi le voir tel

que je le vis. Tel que je le vis, qu’il soit auprès de moi ».

485 Lorsque Robbins gagne la partie de dés, Crown le jette à terre, s’arme d’un crochet à ramasser le coton et le

tue. Bess le supplie de partir pour échapper à la police.

486 Un Tumultuoso correspond à l’arrestation. Lui succède un Agitato, sur fond de caisse claire, évoquant

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