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Section 2 La disparité entre les œuvres

Dans le document Le droit selon la musique (Page 31-35)

Partie 1 Le droit à l’usage de la musique

1. S OUS PARTIE 1 L A PLACE DU DROIT DANS LE REPERTOIRE MUSICAL

1.1. Chapitre 1 La multiplicité des œuvres musicales

1.1.2. Section 2 La disparité entre les œuvres

L’essentiel des œuvres musicales ignore le droit, soit qu’elles relèvent de la musique pure - c’est-à-dire une musique sans ambition descriptive (une sonate pour piano de Mozart) -

, soit que le thème de l’œuvre (une symphonie à programme de Haydn) ou le substrat littéraire

dont la musique assure le commentaire (un oratorio de Haendel) ne se réfère pas au droit.

Ce relativisme du droit dans la musique créé de nombreuses incertitudes qui méritent d’être relevées.

Des œuvres résiduelles intéressant la recherche, il ressort une grande disparité dans la manière dont elles traitent le droit.

- la quantité des phénomènes juridiques dans l’œuvre

La loi, le jugement et les droits subjectifs peuvent apparaître seuls ou conjointement selon les œuvres. Ainsi certaines d’entre elles s’intéressent exclusivement à la loi

(Moïse et Aaron de Schoenberg), au jugement (le Judicabit50 dans les Dixit Dominus) ou au contrat (le

contrat de conscription dans L’Elixir d’amour de Donizetti). D’autres associent indifféremment

deux de ces phénomènes juridiques (la loi et la justice révolutionnaire dans Dialogues des

Carmélites de Poulenc). D’autres enfin, dans un carrousel de droit, les font contribuer tous

trois à leur bon déroulement (la garantie, le juge de paix, la loi étrangère et le gouverneur autoritaire

dans Die Bürgschaft de Weill).

- la correspondance entre la musique et le texte juridique

Certaines œuvres se réfèrent au droit sans représentation dans l’écriture musicale (le

judicare vivos et mortuos de certaines messes51) ; l’intérêt de ces œuvres est pauvre pour la

recherche puisqu’il se réduit à des considérations toutes sauf descriptives.

A l’inverse, celles qui synchronisent le récit et la musique présente un intérêt puissant puisque le compositeur a, dans ce cas, utilisé les ressorts de son écriture pour donner une expression musicale au droit.

Mieux encore, la matière musicale peut-elle même dire le droit par le biais d’un thème qui lui est dédié et récurrent dans l’œuvre (le leitmotiv des Traités dans L’Anneau du

Nibelung de Wagner par exemple). Dans ce dernier cas, l’accord est parfait entre la musique

et le droit si l’on est convenu d’un thème et de sa signification juridique.

- l’autonomie entre la musique et le texte de droit

50 Le Dixit Dominus correspond au psaume 109. Au verset 7 figure la phrase « Judicabit in nationibus, implébit

ruinas : conquasssabit capita in tera multorum » (« Il fera justice parmi les nations, entassera les cadavres; il brisera les têtes au loin »).

51 Dans le Symbole des apôtres, l’ascension du Christ précède son retour en ces termes : « et iterum venturus

connaît des degrés divers.

Dans certaines œuvres, notamment liturgiques, la musique a pour vocation de paraphraser le récit qu’elle soutient (le credo de la Messe) : « une harmonie consonante au

verbe » selon la formule des Réformateurs français. Dans une formule moins ramassée, Saint BERNARD considère que la fonction principale du chant est de servir les paroles afin qu’il « n’évacue pas le sens des mots mais le fertilise (fecundet)»52.

Dans d’autres œuvres, la formule accompagnatrice est plus libre à l’égard du phénomène juridique à illustrer musicalement, soit que le compositeur se soit affranchi du commentaire de texte, soit que le phénomène juridique considéré le lui permette.

Dans ces deux premiers cas, l’auditeur peut percevoir, chacun à sa mesure, la référence littéraire au droit et l’accompagnement musical que le compositeur lui a dévolu.

La référence au droit peut être beaucoup moins perceptible dans un certain nombre d’œuvres.

Ainsi, une basse tourmentée évoque les affres de Jugement dernier alors qu’une trompette sereine interprète, pour qui sait le reconnaître (un fidèle luthérien averti), un choral sur la réjouissance du chrétien (cantate Wachet ! Betet ! Betet ! Wachet ! de J.-S. Bach, 9. Récitatif de basse accompagné).

L’autonomie est à son comble lorsque la musique seule, comme dans certains poèmes symphoniques (le procès dans Till l’Espiègle de R. Strauss), déroule le récit sans substrat

littéraire ; dans ce dernier cas, isoler la référence au droit de son contexte musical est affaire d’initiés.

- la part respective du droit et de la musique

La proportion du droit et de la musique au sein d’une séquence musicale est fonction de la priorité donnée à l’un ou à l’autre par le compositeur.

Ainsi, la musique est réduite au minimum dans le cas où l’intelligibilité du discours juridique l’emporte (pour une relation détaillée d’une procédure judiciaire, L’Affaire Makropoulos de Janacek ; pour une controverse sur l’abstraction de la loi divine, Moïse et Aaron de Schönberg).

A l’inverse, la musique prévaut lorsque le droit est dépassé par les faits (le brouhaha de la turba lors la condamnation dans la Passion et Mort de Notre Seigneur Jésus-Christ selon Saint Luc de Penderecki).

- l’expression du droit selon les œuvres

Le droit s’exprime avant tout dans l’instrumentation, dénominateur commun de la musique instrumentale (la Symphonie n°2 de Mahler), vocale (la Cantate pour le 20ème anniversaire

de la Révolution de Prokofiev contenant des extraits du Manifeste du Parti communiste de Marx) et lyrique

(le faux testateur dans Gianni Schicchi de Puccini), le chant a capella mis à part.

Cependant, la vocation première du droit est d’être dit, au décours d’un récit (la lecture

de l’acte de l’accusation dans Billy Budd de Britten, acte II, deuxième tableau), d’un récitatif (la relation

d’un procès séculaire dans L’Affaire Makropoulos de Janacek, acte I) ou d’une psalmodie (la

proclamation de la loi dans Turandot de Puccini, acte I).

Le droit enfin est chanté dans une mélodie (la Rançon de Fauré évoquant le Jugement dernier),

un air lyrique (la reconnaissance de dettes dans le Joueur de Prokofiev, acte I) ou d’opérette (la lecture

du testament dans Le Testament de Tante Caroline de Roussel), un chœur (Psaume XLIII Richte mich Gott53

de Mendelssohn), un oratorio (La procès en réhabilitation de Jeanne d’Arc dans La Vérité de Jeanne de

Jolivet).

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