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Une science du droit qui entend prendre acte de la spécificité de son objet peut alors émerger Telle est la voie que peut ouvrir la thèse de François BRUNET :

Non seulement le caractère dogmatique du droit n’est pas un obstacle à une science du droit, mais c’est bien au contraire l’objet « droit » qui impose une science spécifiquement juridique et qui devra assumer pleinement le caractère dogmatique de son objet. Ce sont en effet les caractéristiques de l’objet – ce qui est devant soi – qui s’imposent d’elles-mêmes dans la construction de la science qui prétend s’en emparer324.

Cette thèse incite à se donner une science du droit qui accepte de prendre en compte le rapport entre le droit et la politique, entre le droit et des valeurs, en ayant à l’esprit que le droit est un moyen et donc qu’il est indexé à une fin donnée325. L’adoption d’une telle posture dérivée du normativisme semble pouvoir concilier les exigences scientifiques d’une démarche objective, sans feindre une neutralité326 dont l’épistémologie contemporaine a montré toute la

321 A.L

E DIVELLEC, « Vers la fin du “parlementarisme négatif” à la française ? (…) », art. cité, p. 16 (du PDF disponible en ligne).

322

V. D. BARANGER, « Le piège du droit constitutionnel », Jus Politicum, n°3, 2009, 20 p.

323 Ainsi est présenté le projet porté par l’école du Droit politique sur le site consacré à la présentation du projet

ANR : http://institutvilley.com/Le-seminaire-de-droit-politique.

324 F. B

RUNET, La Normativité en droit, op. cit., p. 53-54.

325 C’est là formuler en d’autres termes ce que nous avons visé plus haut comme une conception instrumentale

du Droit (voir supra note p. 54 et s.). Voir aussi L. FONTAINE, « La violation de la Constitution : autopsie d’un Crime qui n’a jamais été commis », art. cité, p. 1637 : « La valorisation du constitutionnalisme, par le rappel de son ambition, semble devoir passer par la valorisation subséquente d’un concept de violation de la Constitution. Si la Constitution a une valeur, du point de vue de l’ambition qu’elle porte, il est véritablement indispensable de permettre la mise en lumière de tous les mouvements contraires à cette ambition, théoriques, épistémologiques ou structurels ».

326 Quant à la différence entre objectivité et neutralité, nous souscrivons pleinement aux propos de Marie-Anne

COHENDET in « Science et conscience. De la neutralité à l’objectivité », in Pour un droit commun de

l’environnement. Mélanges en l’honneur de Michel Prieur, 2007, p. 75-89. Voir aussi, L. FONTAINE, « La violation de la Constitution : autopsie d’un Crime qui n’a jamais été commis », art. cité, p. 1636 : « La difficulté de la doctrine à reconnaître la pertinence technique du concept de violation de la Constitution ne tient pas à des difficultés techniques ou épistémologiques réelles, mais bien à une difficulté éthique. La question centrale est, chez les juristes comme chez de nombreux autres scientifiques, à la fois celle de l’ “engagement” et du détachement. L’engagement va bien au-delà de la question politique, qui n’est souvent qu’un paravent de l’absence d’engagement » (Souligné par l’auteur).

Introduction

fragilité327. En choisissant une telle posture, il est alors permis de porter un regard nouveau sur la compétence de nomination du président de la Cinquième République.

1.3 Les conséquences de la posture théorique choisie sur l’interprétation de la Constitution

43. « Le droit se caractérise par le fait qu’il appartient aux “sciences humaines” ou encore aux “sciences de la culture” : le droit, comme ces autres sciences, appartient au domaine de l’esprit et nécessite l’interprétation328 ». Sans revenir aux débats relatifs à l’interprétation comme acte de volonté et/ou de connaissance au sujet duquel la littérature est abondante329, notons que plusieurs auteurs proposent diverses méthodes d’interprétation doctrinale.

À partir des travaux de Jerzy WROBLEWSKI330, Michel TROPER distingue l’interprétation sémiotique – fondée sur le langage –, l’interprétation génétique – reposant « sur une connaissance de la volonté réelle de l’auteur du texte » –, l’interprétation systémique – visant « à éclairer un fragment du texte par un autre » –, et l’interprétation fonctionnelle – consistant à « donner au texte la signification qui lui permettra de remplir la fonction qu’on lui attribue »331. Neil MacCORMICK propose pour sa part un triptyque admettant plusieurs subdivisions internes qui recoupent partiellement la typologie du professeur TROPER : « arguments linguistiques », « arguments systémiques » et « arguments teléologiques/déontologiques »332. Les premiers font « appel au langage lui-même comme une source de justifications pour privilégier une interprétation ou une autre333 ». Les deuxièmes consistent à prendre acte du contexte dans lequel s’inscrit la norme à interpréter afin d’en

327

F. BRUNET, La Normativité en droit, op. cit., en particulier p. 57 et s. L’auteur prend l’exemple de la physique quantique. Dans un autre registre, voir T. LAQUEUR, La Fabrique du sexe. Essai sur le corps et le genre en

Occident, trad. franç. par GAUTIER M., Gallimard, Coll. « NRF Essais », 1992, 348 p.

328 F. B

RUNET, La Normativité en droit, op. cit., p. 332 (souligné par l’auteur).

329

Pour des synthèses et de bonnes restitutions de cette problématique, voir par exemple J. BÉTAILLE, Les

Conditions juridiques de l’effectivité de la norme en droit public interne (…), op. cit., p. 583-592. Voir aussi M.

TROPER, « Interprétation », in D. ALLAND etS.RIALS (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, op. cit., p. 843- 847.

Pour un dépassement de cette dichotomie, voir la troisième voie proposée par F. BRUNET qu’il nomme « la conception rationnelle de l’interprétation » (F. BRUNET, La Normativité en droit, op. cit., p. 331). Après l’avoir présentée et critiquée (p. 315-331), l’auteur propose de dépasser la dichotomie habituelle et les impasses qu’elle engendre (p. 331-361).

330

Meaning and truth in judicial décision, Juridica, 1979.

331 M. T

R O P E R« Interprétation », in D. ALLAND etS.RIALS (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, op. cit., et du même auteur, « La signature des ordonnances. Fonctions d’une controverse », Pouvoirs, n°41, 1987, p. 77.

332 N. M

A CCO R M I C K, « Argumentation and interpretation in law », Argumentation, vol. 9, 1995, p. 467.

333

Ibid., p. 472. Notre trad. pour : « The categories of interpretative argument are, first, those that appeal to

La compétence de nomination du Président de la Cinquième République

fournir une compréhension acceptable334. Les derniers enfin s’appuient sur les intentions ou la fin visée par le législateur ou sur les conceptions de la justice animant l’interprète335. Ricardo GUASTINI, dans le cadre d’une étude spécifiquement consacrée aux méthodes d’interprétation de la Constitution par la doctrine, distingue quant à lui l’interprétation littérale, l’interprétation a contrario, l’interprétation à partir de l’intention du constituant, l’interprétation restrictive, l’interprétation extensive et l’interprétation systématique336.

44. Les interprétations systémiques et génétiques paraissent faire davantage question que

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