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Compte tenu de ce qui précède, la compétence de nomination du président de la République désigne les cas dans lesquels il est habilité à attribuer une fonction, un emploi,

une dignité ou un titre à une personne.

258 O. B

La compétence de nomination du Président de la Cinquième République

Une telle définition écarte donc, d’abord, les baptêmes et les nominations de choses auxquelles le chef de l’État pourrait procéder comme l’Histoire et l’actualité en témoignent. Par exemple, depuis le camp impérial de Finckenstein, lors de la séance du Conseil des ministres du 11 mai 1807, Napoléon BONAPARTE décida de baptiser « Rivoli », « Castiglione » et « Mont Saint Bernard » les trois vaisseaux qui étaient alors en construction dans le port de Venise259. Plus récemment, le journal Le Figaro rapporta que le président de la République, François HOLLANDE, avait nommé « Jules VERNE » un porte-conteneurs et fini son allocution par ces mots présentés comme rituels : « Je nomme ce navire, CMA CGM Jules VERNE. Je souhaite bon vent à son équipage et à tous ceux qui navigueront à son bord260 ». De tels baptêmes, à l’obscur fondement juridique, sont donc exclus de l’étude. Il en va de même pour les nominations que le président de la République n’effectue pas en

tant que président de la République française. Rappelons que, aux termes de l’article 43 du

texte constitutionnel de la Principauté d’Andorre de 1993261, les coprinces de la principauté sont l’évêque d’Urgel et le président de la République française ; tous deux sont considérés « conjointement et indivisiblement » comme « chef de l’État ». À ce titre, les articles 45§1.f262, 46§1.c et d263, 48264 de la Constitution de la Principauté leur confèrent une compétence de nomination. Plusieurs professeurs français furent nommés « magistrats » au Tribunal constitutionnel265 par le Coprince français. Ainsi François LUCHAIRE (1993-1999), Philippe ARDANT (1999-2007) et Didier MAUS (2003-2011) ont-ils exercé ces fonctions. Laurence BURGORGUE-LARSEN fut nommée en 2011 et achèvera son mandat en 2016266. Aussi intéressante que puisse se révéler une étude de ces nominations, elle ne paraît pas devoir intégrer la présente thèse qui invite à n’étudier que la compétence que le président de

259 Arch. nat., « Lecture des Conseils des ministres de l’année 1807-1815 », cote AF/IV/1229-1230 (inédit). 260 Le Figaro, 4 juin 2013.

261 Pour une histoire synthétique de la principauté et la présentation de la Constitution de 1993, voir J.-C.

COLLIARD, « L’État d’Andorre », AFDI, vol. 39, 1993, p. 377-392.

262 « Les coprinces, avec le contreseing du chef du gouvernement, ou, le cas échéant, du syndic général, qui en

assument la responsabilité politique […], nomment les titulaires des autres charges de l’État conformément à la Constitution et à la loi. »

263

« Les coprinces décident librement en ce qui concerne les actes suivants :

c) la désignation des membres du Conseil supérieur de la justice conformément à l’article 89.2 de la Constitution d) la nomination des membres de la Cour constitutionnelle, conformément à l’article 96.1 de la Constitution ».

264

« Chacun des coprinces nomme un représentant personnel en Andorre. »

265 Voir F. L

UCHAIRE, « Le Tribunal constitutionnel de la Principauté d’Andorre », CCC, n°8, 2000, 6 p. (disponible en ligne sur le site internet du Conseil constitutionnel : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil- constitutionnel/francais/nouveaux-cahiers-du-conseil/cahier-n-8/le-tribunal-constitutionnel-de-la-principaute-d- andorre.52528.html).

266

Décret du 10 décembre 2011, pel qual es nomena la Sra. Laurence BURGORGUE-LARSEN en qualitat de

Magistrada del Tribunal Constitucional del Principat d’Andorra, Butlleti Oficial n°077, any 23 (disponible en

ligne sur le site du Bulletin officiel de la Principauté : http://www.bopa.ad/bopa/2011/bop23077.PDF). Le professeur BURGORGUE-LARSEN fut nommée présidente du tribunal pour la période 2014-2016.

Introduction

la République exerce en tant qu’ « autorité française267 ». Nous exclurons donc ses actes de Coprince : l’exclusion est matérielle mais également géographique.

Les limites temporelles et géographiques de l’étude peuvent, intuitivement, s’étendre à la République française de 1958 à 2015. L’essentiel de la recherche sera ainsi situé dans ce cadre spatio-temporel. Cependant, comme les incursions dans l’Histoire et dans les Constitutions et systèmes politiques des autres États ont pu le faire apparaître, les comparaisons historiques et géographiques peuvent être éminemment précieuses. Quant à l’Histoire, d’une part, les études consacrées aux origines de la Cinquième République268 obligent le juriste qui entend analyser ce régime à prendre acte de ce qui, du passé, éclaire le présent. Aussi, bien que cette recherche soit principalement consacrée à la période postérieure à 1958, des comparaisons historiques pourront servir l’explication sinon la démonstration. Une telle démarche permettra de comprendre les évolutions de la compétence de nomination présidentielle. Elle contribuera, également, à interroger le rôle du président de la République française au regard de ce que l’Histoire enseigne de la démocratie. D’autre part, certaines études visant à comparer le régime français de la Cinquième République avec des régimes analogues269 ont montré combien la compréhension de ce régime ne peut faire l’économie d’une comparaison géographique. C’est la raison pour laquelle des exemples tirés du droit comparé seront ponctuellement utilisés.

Plus généralement, il convient désormais de présenter la démarche suivie.

267 Rappelons que le Conseil d’État a jugé irrecevable la requête dirigée contre une décision du « président de la

République, co-prince des Vallées d’Andorre », estimant qu’elle ne constituait pas « un acte d’une autorité administrative française » (CE, 1er décembre 1933, Société Le Nickel, Rec. p. 1132).

268

À titre indicatif et introductif, nous renvoyons ici principalement à la thèse de Stéphane PINON : Les

Réformistes constitutionnels des années trente. Aux origines de la Ve République, LGDJ, coll. « Bibliothèque

constitutionnelle et de science politique », 2003, 627 p.

269

Le lecteur pourrait notamment se reporter à la thèse de Céline AMAR :Le Président de la République dans les régimes parlementaires bireprésentatifs européens, thèse dact., Université Lumière Lyon-II, 2 t., 2003,

1288 p. Voir également les travaux de Marie-Anne COHENDET et notamment, pour une approche synthétique du droit constitutionnel européen : Droit constitutionnel, 2013, op. cit., en particulier p. 235 et s. Voir également J.-C. COLLIARD, Les Régimes parlementaires contemporains, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1978, 369 p. ; ou encore E. GROSSMAN et N. SAUGER, Introduction aux systèmes politiques nationaux

La compétence de nomination du Président de la Cinquième République

III.

P

R É S E N TAT I O N D E L A D É M A R C H E

Le professeur KEATING déclarait à ses étudiants : « Je me tiens debout sur mon bureau pour me rappeler à moi-même que nous devons toujours regarder le monde sous un angle différent270 ». Cette invitation peut être appliquée ici. Changer de posture théorique (1) peut permettre de proposer une nouvelle conception de la compétence de nomination du président de la République (2).

1. LA P O S T U R E T H É O R I Q U E

Si se doter d’une posture théorique, et en faire l’aveu271, paraît toujours nécessaire, cette exigence est d’autant plus prégnante pour la présente thèse. De prime abord en effet, la compétence présidentielle de nomination semble échapper au droit et à l’étude juridique. Dans ce domaine, tout ne serait qu’intrigue et le droit aurait bien peu de prise. En particulier, les rapports de pouvoir seraient tels que, compétent pour nommer, le président de la République serait également compétent pour choisir les personnes à nommer. Cette évidence est à interroger. Afin de convaincre de la nécessité de penser la compétence de nomination présidentielle suivant une approche rénovée, il faut préalablement montrer les limites des conceptions classiques de ce sujet (1). Le choix d’une posture dérivée du positivisme normativiste pourra ainsi être justifié (2), avant que la méthode d’interprétation qui en résulte soit précisée (3).

270 P. W

EIR, Dead Poets Society, (Le Cercle des Poètes disparus), USA, 1,85:1, 35 mm, 128 min., 1989. Notre trad. pour : « I stand upon my desk to remind myself that we must constantly look at things in a different way ».

271

É. MILLARD, « L’aveu théorique comme préalable au travail juridique savant », VIe Congrès français de droit constitutionnel, Montpellier, 2005.

Introduction

1.1 Les limites des conceptions doctrinales classiques du « pouvoir de nomination » : une critique du réalisme juridique

36. La démarche classique et majoritaire pour étudier ce qui est souvent appelé le « pouvoir

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