• Aucun résultat trouvé

Plusieurs contraintes ont guidé l’élaboration des définitions utiles à la thèse Il convient de les mettre au jour pour préciser les termes du sujet.

En premier lieu, les définitions proposées ne sauraient être contre-intuitives. Aussi doivent- elles d’abord être établies sur une démarche lexicologique en rapport avec l’objet qu’elles se donnent. Autrement dit, elles tiendront compte « de l’usage effectif des termes dans un

Dictionnaire du droit constitutionnel, Sirey, coll. « Dictionnaires Sirey », 2013, entrée « Présidentialisme ».

165 E. G

ROSSMAN et N. SAUGER, Introduction aux systèmes politiques nationaux de l’UE, op. cit., p. 124. Le terme « semi-présidentialisme » ou régime « semi-présidentiel », qui fut largement diffusé par Maurice DUVERGER (voir Les Régimes semi-présidentiels, PUF, 1986, 367 p. et son article, « A New Political System Model : Semi-Presidential Government », European Journal of Political Research, n°8, 1980, p. 52-69) est souvent utilisé pour désigner certains régimes biélectifs à prééminence présidentielle. Pour des développements critiques et une bibliographie sur le régime « semi-présidentiel », voir M.-A. CO H E N D E T, L’Épreuve de la cohabitation (…), op. cit., t. 1, p. 120 et s. Pour d’autres éléments d’analyse critique, voir S. D. ROPER, « Are All Semipresidential Regimes the Same ? A Comparison of Premier-Presidential Regimes », Comparative Politics, vol. 34, n°3, 2002, p. 253-272. Miroslav NOVAK propose également des éléments de bibliographie in « Élection directe du Chef de l’État : tour d’horizon sur une question d’actualité », Revue Est Europa, 2013, p. 177-195. Ce concept est souvent convoqué par la doctrine européenne, parfois de façon critique : par exemple, voir O. AMORIM NETO and M. COSTA LOBO, « Portugal’s semi-presidentialism (re)considered : An assessment of the president’s role in the policy process, 1976-2006 », European Journal of Political Research, n°48, 2009, p. 234- 255 ; M. PEROTTINO, « Les enjeux multiples du mode d’élection présidentiel tchèque », Revue Est Europa, 2013, p. 247-258 ou encore E. SIMINA TANASESCU, « Réussite de la procédure de suspension et échec de la déchéance du Président de Roumanie », RFDC, n°73, 2008, p. 181-184). Ce concept est parfois utilisé en Italie, qui est pourtant un régime monoélectif : C. FUSARO, Le Radici del semi-presidenzialismo. Viaggio alle origini di un

modello cui si guarda in Italia, Soveria Mannelli, 1998, 406 p. ou encore A. MASTROPAOLO, « Il dualismo rimosso. La funzione del presidente della repubblica nella forma di Governo parlamentare italiana », Rivista

La compétence de nomination du Président de la Cinquième République

ensemble de normes déterminées166 ». Il s’agira de cerner la notion de « nomination »167. Néanmoins, la doctrine ne saurait être pleinement tributaire du langage du droit positif sans perdre tout à la fois sa vocation explicative, interrogative et critique. Aussi sont-ce, in fine, des définitions stipulatives qui seront retenues. En d’autres termes, ces définitions viseront non seulement, dans une démarche doctrinale – d’aucuns diraient dogmatique –, à rendre compte du « langage légal168 », mais elles devront encore permettre, dans une démarche méta- doctrinale – ou théorique – de dépasser ce langage. En outre, si, par hypothèse, une définition stipulative n’est « ni vraie ni fausse mais seulement opératoire pour un problème spécifique169 », les propositions émises seront ensuite confrontées à deux démarches qui permettront d’en vérifier la pertinence. Ainsi, en deuxième lieu, veillerons-nous à ce que les définitions proposées distinguent l’objet qu’elles visent et d’autres objets proches. Enfin, si les définitions doivent être discriminantes, elles devront cependant demeurer suffisamment ouvertes pour ne pas trop restreindre a priori la recherche.

Telle est donc la démarche à suivre pour préciser la terminologie retenue et définir la compétence (2) de nomination (1) du président de la Cinquième République170 (3).

1. LA N O M I N AT I O N

Une définition stipulative du terme « nomination » peut être proposée, qui prendra néanmoins le droit positif comme référence (1). Cette définition doit permettre de distinguer la « nomination » de substantifs voisins (2).

166 É. M

ILLARD,« L’analyse lexicologique de Norberto Bobbio », Analisi e diritto, 2005, p. 210.

167 Même s’il faut bien concéder que les pages qui précèdent dessinent déjà en creux une définition de la

nomination.

168 Sur les différents langages juridiques voir J. W

ROBLEWSKI, « Les langages du droit : une typologie », Droits

et société, n°8, 1988, p. 15-30. Dans une perspective analytique du langage, l’auteur propose de distinguer le

« langage légal » (c’est-à-dire « le langage dans lequel on formule les lois ») du « langage juridique » comme méta-langage (c’est-à-dire des « langages relevant du discours du droit »). L’auteur retient trois types de langage juridique : le « langage juridique jurisprudentiel » (« celui dans lequel on formule les décisions relevant de l’application du droit ») ; le « langage juridique scientifique propre au discours de la science juridique » ; le « langage juridique commun » (« utilisé dans les autres discours concernant le droit ») (p. 16-17). Sa démarche consiste à s’interroger sur chacun de ces langages et sur leur rapport respectif à la langue naturelle.

169 M.T

ROPER, « Pour une définition stipulative du droit », art. cité, p. 102.

170 Nous nous sommes inspirée de la méthode de définition que Julien BÉTAILLE suivit dans sa thèse. Cf.

J. BÉTAILLE, Les Conditions juridiques de l’effectivité de la norme en droit public interne : illustrations en droit

Introduction

1.1 Proposition d’une définition stipulative de la nomination

21. En se référant aux dictionnaires usuels de langue française, il apparaît que le terme « nomination » admet deux sens différents. Il s’agit, d’une part, de l’action de nommer (procédure) et du résultat de cette action, le fait d’être nommé (objet)171. Ce double sens est le produit de l’évolution historique du mot. En effet, le mot désigna d’abord « l’action qui consiste à nommer quelqu’un à un poste (1305) » puis, par un phénomène de métonymie, il visa également « le document qui notifie à l’intéressé sa désignation à une fonction (1813) » (acte) et, enfin, le fait d’être nommé (fin XIXe)172.Les dictionnaires juridiques proposent des définitions qui se rapprochent des origines latines du mot. Le verbe « nommer » et son substantif n’auraient donc pas d’autonomie dans les langages du droit qui, en ce cas, renvoie (au moins pour le principal) à la langue naturelle173. Trois sens de « nomination » ressortent du Vocabulaire juridique publié sous la direction de Gérard CORNU : objet, procédure et acte.

L’objet de la nomination se présente comme « synonyme, dans un sens générique de

désignation (individuelle), de commission (avec indication du nom de celui qui est commis) ».

La procédure de nomination désigne « plus spécifiquement et par opposition à [l’]élection, [l’]opération par laquelle un seul investit une personne d’une fonction. Ex. Constitution 1958,

a. 13 et 21 ». La nomination comme acte, enfin, concernerait exclusivement la nomination des

fonctionnaires et serait l’ « acte qui, avec la titularisation, conditionne la collation de la qualité de fonctionnaire »174. Ces trois sens se trouvent également synthétisés dans le

Dictionnaire du droit constitutionnel d’Armel LE DIVELLEC et Michel DE VILLIERS :

171 Telle est la distinction opérée par le Trésor de la Langue Française informatisé, comme par le dictionnaire de

l’Académie, le Littré, l’Encyclopædia Universalis ou celle de DIDEROT et d’ALEMBERT.

172

A. REY (dir.), Dictionnaire Historique de la Langue Française. Nouvelle édition, Le Robert, 2010, entrée « Nomination ».

Le verbe « nommer » vient du latin nomino (nominare). D’après le dictionnaire du professeur GAFFIOT, le verbe nominare du latin classique prenait six sens. Parmi eux, « proposer pour une fonction, une charge ou nommer, désigner [un magistrat] ». Puis, dérivé de nomino, le verbe nominatio est spécifiquement apparu pour ne désigner que l’action de nommer à une fonction ou une charge (F. GAFFIOT, Le Grand Gaffiot. Dictionnaire

latin-français, Hachette, 1934, entrée « Nomino »).

173

« LL [langage légal] reste un dérivé de LN [langue naturelle] sans devenir un langage artificiel », écrit Jerzy WROBLEWSKI in « Les langages du droit : une typologie », art. cité, p. 18).

174

G. CO R N U, Vocabulaire juridique, op. cit., entrée « Nomination ». Dans ce qui suit, nous soulignons à dessein, en italique, les éléments sur lesquels nous reviendrons.

La compétence de nomination du Président de la Cinquième République

« Acte par lequel une institution désigne le titulaire d’une fonction ou d’un emploi déterminé175 ».

22. Trois dimensions de « nomination » apparaissent ainsi à la fois dans la langue naturelle

Outline

Documents relatifs