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Si le contreseing n’était pas mentionné dans la Charte de 1814, il « fut pratiqué de façon permanente 407 » Sa fonction était principalement juridique (ou d’ « ordre juridique

§1 La conception du contreseing dans l’Histoire du parlementarisme français

A. Le contreseing sous les Chartes : ébauche d’une fonction politique

60. Si le contreseing n’était pas mentionné dans la Charte de 1814, il « fut pratiqué de façon permanente 407 » Sa fonction était principalement juridique (ou d’ « ordre juridique

formel408 ») : la contresignature des actes royaux par les ministres était, avant tout, un acte d’authentification permettant la « mise en exécution » de l’acte. Mais progressivement, cette seconde signature prit la dimension politique (ou fonction d’ « ordre juridique substantiel409 ») que la responsabilité des ministres acquit plus tard : les parlementaires ne pouvant critiquer le roi en vinrent à blâmer les ministres contresignataires. Autrement dit, le contreseing fut bel et bien pratiqué comme un mécanisme politique, puisqu’il permettait un contrôle par les Chambres (en particulier celles des députés) de l’opportunité des actions des ministres410. Ceci est lié à la conception parlementaire qui s’installe alors : celle de « la nécessité de gouverner avec les assemblées411 ». Bien entendu, au premier chef, le mécanisme est juridique. Mais il a pu, dès la seconde Restauration, fonder des critiques politiques à l’endroit de certains ministres. L’exemple DECAZES l’atteste412, l’affaire POLIGNAC le confirme.

POLIGNAC fut appelé en 1829 à former un Gouvernement « ultra413 » qui trouva rapidement l’opposition de la Chambre des députés et donna lieu à « l’adresse des 221 ». Quant à cette seconde affaire, on lit dans le journal des débats politiques de décembre 1830, à propos de la Charte de 1814 :

Le roi est inviolable et sacré. Il ne peut mal faire. Son nom doit rester en dehors et au-dessus de tous les débats auxquels donneront lieu la législation ou l’administration du pays ; il n’est pas permis de l’y faire descendre. Les ministres sont responsables ; c’est à eux, et à eux seuls, à répondre des actes qu’ils auront conseillés et auxquels ils auront, par leur contreseing, donné la force exécutoire. C’est ainsi que notre Gouvernement représentatif fut fondé, c’est ainsi que la

407 S.R

IALS, « Essai sur le concept de Monarchie limitée », art. préc., p. 41. Dans le même sens, M. HA U R I O U,

Précis élémentaire de droit constitutionnel, Librairie du Recueil Sirey, 1930, 2e éd., p. 98.

408 J.-M.B

LANQUER,« Les mutations du contreseing », art. cité, p. 235.

409

Loc. cit.

410 Contra N. H

AVAS, La Responsabilité ministérielle en France (…), op. cit., p. 283 : « Le contreseing ministériel certifie la légalité de l’acte, c’est-à-dire qu’il permet d’établir que l’acte a été régulièrement pris par le monarque, mais les ministres ne peuvent en aucun cas s’opposer à la volonté royale en refusant le contreseing ». L’auteur admet pourtant « la finalité politique de la mise en accusation » (p. 296).

411 M. M

ORABITO, Histoire constitutionnelle (…), op. cit., p. 193.

412 Dans le même sens, P. D

ESMOTTES, De la responsabilité pénale des ministres en régime parlementaire

français, LGDJ, coll. « Bibliothèque constitutionnelle et de science politique », 1968, p. 108 : « C’est le procès

d’une politique que [Clausel DE COUSSERGUES] voulait faire et non un jugement qu’il comptait obtenir ».

413

Tel est le terme consacré pour viser ce mouvement de l’époque. Marcel MORABITO le définit ainsi : « Attachés à une monarchie patriarcale de droit divin, ces royalistes rejettent en bloc les idées politiques des Lumières pour adhérer aux thèmes de la littérature contre-révolutionnaire » (M. MORABITO, Histoire

L’exigence du contreseing

Charte régla, c’est ainsi qu’il a été constamment compris et interprété pendant quinze années par les écrivains de tous les partis, par les orateurs de toutes les opinions414.

Selon l’orateur, le vicomte MARTIGNAC, les ministres contresignataires devaient donc répondre de leurs actes, c’est-à-dire des actes royaux qu’ils contresignaient. Mais ils n’étaient encore que les « instruments » du roi : celui-ci avait le pouvoir, ceux-là en assumaient les conséquences.

Les deux principes posés par l’article 13415 se lient et s’enchaînent ; ils ne peuvent pas être séparés l’un de l’autre. La personne du Roi demeure inviolable et sacrée, parce que celle des ministres est livrée à la responsabilité réelle, qui est une des nécessités premières de la forme du gouvernement établi ; les ministres sont responsables parce que celui à qui appartient le pouvoir, dont ils ne sont que les instrumens [sic] doit rester placé au-dessus de tout reproche et de toute attaque416.

La Charte de 1814 permit donc une responsabilité sans pouvoir décisionnel réel puisque, comme l’indique MARTIGNAC, « celui à qui appartient le pouvoir […] doit rester placé au- dessus de tout reproche »417. Les ministres sont responsables des mauvais conseils qu’ils prodiguent au monarque irresponsable et ils doivent répondre du contreseing qu’ils apposent. L’affaire POLIGNAC posa la question centrale de la responsabilité ministérielle et fut une des causes de la Révolution de juillet 1830418 : Charles X préféra dissoudre l’Assemblée par deux fois, plutôt que de faire sienne la règle selon laquelle le Gouvernement devait correspondre à la majorité représentée à la Chambre419. Mais « la tentative de Charles X de remettre en cause ce mouvement […] n’empêcha pas que les bases du régime parlementaire

414

Journal des débats politiques et littéraires, 20 décembre 1830, séance du 18 décembre 1830, Cour des pairs, p. 1. Pour une histoire de ce procès par ses contemporains, voir par exemple E. DAUDET, in Revue des deux

mondes, t. 21, 47e année, 3e période, 1877, p. 75-106. Pour une mise en contexte historique, voir aussi B. YVERT,

La Restauration. Les idées et les hommes, op. cit., p. 95 et s.

415

L’art. 13 de la Charte de 1814 énonçait que : « La personne du Roi est inviolable et sacrée. Ses ministres sont responsables ».

416 Journal des débats politiques et littéraires, 20 décembre 1830, séance du 18 décembre 1830, Cour des pairs,

p. 1.

417

D’aucuns, à cette époque, notaient déjà le danger et « l’injustice » qui pouvait en résulter. Mais, pour CHATEAUBRIAND par exemple, les ministres ont bien un pouvoir – de conseil, d’influence, de proposition – et peuvent ainsi tromper le roi qui, évidemment, ne saurait mal faire (F.-R. DE CHATEAUBRIAND, De la

Monarchie selon la Charte, Le Normant, 1816, p. 9-11).

418 Un ensemble de documents de l’époque, sur le thème « 1830, de la crise ministérielle à la révolution », est

réuni en ligne sur le site de l’Encyclopédie de droit politique.

419 Voir O. T

ORT, « La dissolution de la Chambre des députés sous la Restauration : le difficile apprivoisement d’une pratique institutionnelle ambiguë », Revue Historique, t. 302, fasc. 2 (614), 2000, p. 339-365.

La compétence de nomination du Président de la Cinquième République

soient jetées en France420 ». Les Trois Glorieuses conduisirent à l’instauration du « parlementarisme orléaniste ».

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