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Ainsi, le droit comparé révèle la permanence d’un certain nombre de problématiques qui ont jalonné l’Histoire La diversité apparente des modalités de nomination ne doit pas

masquer la régularité d’un certain nombre de solutions. Cette régularité réside notamment dans la distribution de la compétence de nomination entre différents organes. La multiplicité des participants peut être source de contrôle et donc un moyen de rechercher l’égalité : c’est là évoquer en d’autres termes la séparation des pouvoirs entendue comme une mitigation du pouvoir155. Une certaine communauté de préoccupations et de solutions peut donc être décelée derrière la diversité. Mais les convergences au point de vue normatif ne doivent pas occulter certaines divergences au point de vue pratique. Le système politique156 français, de ce point de vue, se démarque nettement de celui des autres régimes biélectifs de l’Union européenne. Il est en effet l’un des rares dans lesquels le président de la République, hors cohabitation, agit quotidiennement en chef de Gouvernement, sinon en chef de parti157. Une

154 Cette procédure est spécifiquement étudiée dans le dernier titre de la thèse. 155

Sur une telle conception de la séparation des pouvoirs, voir A. LE DIVELLEC, « L’articulation des pouvoirs dans les démocraties parlementaires européennes : fusion et mitigation », Pouvoirs, n°143, 2012, p. 136 et s.

156

Nous adoptons (pour des raisons théoriques exposées infra, p. 54 et s.) la terminologie proposée par Marie-Anne COHENDET et les définitions que l’auteur retient. « Le régime politique correspond à la norme constitutionnelle telle qu’elle est prévue par le texte » (M.-A. CO H E N D E T, Droit constitutionnel, op. cit., 2013, p. 162). Nous le distinguons du système politique qui « correspond aux faits, à la pratique, à l’application » (idem). Voir aussi les développements que l’auteur consacre à la question in M.-A. CO H E N D E T, « La classification des régimes, un outil pertinent dans une conception instrumentale du droit constitutionnel », in op.

cit., p. 299-314.

157 Pour des éléments sur les différents régimes biélectifs de l’Union européenne voir E. G

ROSSMAN et N. SAUGER, Introduction aux systèmes politiques nationaux de l’UE, De Boek, coll. « Ouvertures politiques », 2007, 256 p. Ce livre, quoique déjà un peu daté, propose des comparaisons thématiques encore assez actuelles pour la plupart et fournit d’utiles tableaux récapitulatifs. Voir également M.-A. CO H E N D E T, Droit

constitutionnel, op. cit., 2013, p. 235 et s. Voir aussi J. M.DE WAELE et P. MAGNETTE (dir.), Les Démocraties

européennes, Armand Colin, coll. « U. Science politique », 2e éd., 2010, 461 p. Chaque État membre de l’Union

européenne y fait l’objet d’un chapitre spécifique présentant au moins des éléments d’Histoire, des données sur le pouvoir exécutif, sur le système électoral et partisan et sur le Parlement. Chaque étude est close par une bibliographie indicative parfois très riche. Cependant, compte tenu de sa date de parution, cet ouvrage ne fournit pas d’information sur la Croatie. Quant à la Hongrie, une nouvelle Constitution fut adoptée en 2011 à l’initiative de Victor ORBAN. Quoique le président de la République n’y soit pas élu au suffrage universel direct, il apparaît

La compétence de nomination du Président de la Cinquième République

telle affirmation peut être nuancée par l’observation des systèmes finlandais158, polonais159 ou portugais160. Mais dans ces trois États, comme dans les autres régimes biélectifs de l’Union européenne, la fonction présidentielle qui put être puissante fut progressivement « neutralisée161 ». Aux côtés de la France, seules la Slovaquie162 et la Roumanie163 admettent encore un système globalement présidentialiste164. Aussi est-il possible d’affirmer que :

comme une figure forte du régime.

Traitant de l’Autriche, Anton PELINKA écrit : « Comme le président ne peut agir sans avoir désigné un Gouvernement et comme le Gouvernement dépend de la majorité au sein du conseil national, le rôle politique du président de l’Autriche est limité de manière significative ». (A. PELINKA, « L’Autriche », in J. M.DE WAELE et P. MAGNETTE (dir.), Les Démocraties européennes, op. cit., p. 33).

Antony TODOROV, au sujet de la Bulgarie, affirme que « dans ce système, le Gouvernement issu de la majorité parlementaire est contrebalancé par un président faible, mais symboliquement important, parce qu’élu au suffrage universel » (A. TODOROV, « La Bulgarie », in ibid., p. 69).

Pour Gary MURPHY, la présidence irlandaise serait « l’une des plus faibles » sinon « la plus faible qui soit élue directement » (G. MURPHY, « L’Irlande », in ibid., p. 201).

Quant aux pouvoirs du président lituanien, Algis KRUPAVICIUS, écrit qu’ils « sont relativement faibles vu que ses fonctions sont dans une large mesure honorifiques et non effectives » (A. KRUPAVICIUS, « La Lituanie », in

ibid., p. 255).

« En Slovénie, les fonctions et les pouvoirs du chef de l’État sont plutôt symboliques et honorifiques, tandis que le Gouvernement jouit de tous les pouvoirs exécutifs », écrivent Irena BRINAR et Mitja ZAGAR in ibid., p. 399. En République tchèque, si la présidence de Václav HAVEL fut particulièrement interventionniste et si le Président tenta « de renforcer le rôle de la fonction présidentielle […] et [travailla] à l’accroissement de son influence », il semble qu’il s’agisse d’une exception. Car « le rôle décisif dans la branche exécutive est joué par le Gouvernement » (B. DANCÁK et V. HLOUŠEK, « La République tchèque », in ibid., p. 437).

Voir également le chapitre que Bastien FRANÇOIS consacre à la France : « La France », in ibid., p. 161-174.

158 « Le rôle du président dans la démocratie finlandaise a évolué mais reste important. […] Si le rôle du

président est officiellement très étendu, en pratique les propositions gouvernementales et les décisions parlementaires sont respectées par le président », écrit Matti WIBERG, in J. M.DE WAELE et P. MAGNETTE

(dir.), Les Démocraties européennes, ibid., p. 148.

159 Jacek RICIBORSKI montre que le président de la République polonaise dispose de pouvoirs importants ; il

affirme cependant que « au niveau de l’exécutif, c’est le Conseil des ministres qui joue un rôle fondamental dans le système polonais » (J. RICIBORSKI, in ibid., p. 314).

160 Voir la présentation historique que proposent Marina COSTA LOBA, Antonio COSTA PINTO et Pedro

MAGALHÃES in ibid., p. 327 et s.

161

Tel est le terme retenu par le professeur LE DIVELLEC au sujet de la présidence autrichienne : A. LE

DIVELLEC, « La neutralisation de la Présidence de la République en Autriche », RF sc. pol., n°6, 1996, p. 936- 960. Jean-Luc PARODI évoque également la « neutralisation consensuelle de la présidence […] en Autriche, en Irlande ou en Islande » (in « Éléments constitutifs et combinatoires institutionnelles », RF sc. pol., n°4-5, 1984, p. 646). Tel est aussi le substantif choisi par Benoît SCHAEFFER dans la troisième partie de sa thèse sur « La neutralisation d’une institution » (B.SCHAEFFER, L’Institution présidentielle dans les États d’Europe centrale et

orientale, thèse dact., Université de Nantes, 2010, p. 379 et s.).

162 Grigorij MESEZNIKOV présente le Président slovaque comme un chef d’État doté de pouvoirs importants

depuis la révision de 1999 qui introduisit également son élection au suffrage universel direct. L’auteur ajoute cependant que « le pouvoir du Président est contrebalancé par d’autres institutions ». Il cite en exemple le contreseing du Premier ministre et les propositions des parlementaires préalablement à la nomination des juges de la Cour constitutionnelle (G. MESEZNIKOV, « La Slovaquie », in ibid., p. 386-387).

163

Des régimes biélectifs, la Roumanie semble, avec la France, celui où la figure présidentielle est encore importante. Les auteurs y décrivent un « semi-présidentialisme à intermittences parlementaires » (S. SOARE et C. PREDA, « La Roumanie », in ibid., p. 346).

164 Nous faisons nôtre ce néologisme répandu. Nous le définirons comme le système politique (voir supra, note

p. 27) dans lequel la volonté du président de la République est prééminente. Nous emploierons le terme « présidentialisation » pour désigner le mouvement par lequel le présidentialisme s’est installé. Cf. G. CO R N U,

Introduction

La présidentialisation souvent constatée des démocraties européennes ne devrait pas laisser croire que le semi-présidentialisme est une forme de régime vers lequel tendent la plupart des démocraties européennes. Les Présidents, au cours de ces dernières années, tendraient même au contraire à perdre plutôt de leur pouvoir, à l’exception, il est vrai, de la France165.

En France, le droit des nominations présidentielles soulève et entretient les questions démocratiques qui se posent ailleurs et y apporte parfois des réponses originales, peu communes et, par certains aspects, déconcertantes. Au reste, les dispositions juridiques se heurtent au présidentialisme au point, semblerait-il parfois, de s’y consumer.

Une étude de la compétence de nomination du président de la Cinquième République doit interroger ces solutions, leurs limites et leur rapport au système politique.

II. L’O B J E T D E L A T H È S E

20. Plusieurs contraintes ont guidé l’élaboration des définitions utiles à la thèse. Il convient

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