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Par ailleurs, une telle posture permet à la doctrine d’effectuer un « calcul des défauts » En cela, la position retenue s’écarte aussi du normativisme pour lequel une telle évaluation

n’est possible en droit que si l’ordre juridique prévoit l’existence d’un tel calcul310. Autrement dit, un contrôle de validité et/ou de conformité n’est possible que si une norme du système le prévoit et une telle évaluation n’incombe nullement à la doctrine (à moins qu’elle y soit habilitée par une norme). Se doter d’une telle théorie du droit autorise la doctrine à procéder à un tel calcul. Le chercheur en droit peut alors non seulement distinguer les normes des non- normes et les normes fautives des normes conformes, mais il peut encore « juger de la

305 Hans KELSEN a véritablement travaillé cette question à partir de la deuxième édition de la Théorie pure, en

1960. Dans cette édition, il considère la norme fondamentale comme une hypothèse. Ce n’est que dans la

Théorie générale des normes, publiée à titre posthume, qu’il revient sur cette idée pour considérer la norme

fondamentale comme une fiction : « La norme fondamentale […] n’est pas une hypothèse […] mais une fiction qui se distingue de l’hypothèse par le fait qu’elle est accompagnée ou doit être accompagnée de la conscience que la réalité ne lui est pas conforme » (H. KE L S E N, Théorie générale des normes, trad. franç. par BE A U D O. et MA L K A N I F., PUF, coll. « Léviathan », 1996, p. 1-14).

306 C’est le cas de J.-Ph. DEROSIER qui suit en cela R. GUASTINI (J.-P h. D

E R O S I E R, Les Limites

constitutionnelles (…), op.cit., p. 19).

307 Nous nous inspirons très librement de la thèse soutenue in F. B

RUNET, La Normativité en droit, op. cit., p. 417 et s. La fiducie désigne ce à quoi il est possible de se fier. Le mot vient du latin fiducia : confiance, et fides : foi. F. BRUNET renvoie (p. 419) au Dictionnaire historique de la langue française d’Alain REY (op. cit.). L’auteur, dont la conception du droit n’est nullement normativiste, consacre la deuxième partie de sa thèse (dans sa version publiée) à une enquête portant sur les rapports fiduciaires de la normativité juridique.

308 A. L

E DIVELLEC, Le Gouvernement parlementaire en Allemagne. Contribution à une théorie générale,

LGDJ, coll. « Bibliothèque constitutionnelle et de science politique », 2004, p. 566.

309 F. B

RUNET, La Normativité en droit, op. cit., p. 490.

310

En ce sens, il s’agit d’une « propriété contingente » de l’ordre juridique (J.-P h. DE R O S I E R, Les Limites

Introduction

cohérence du système juridique étudié311 » et « juger de l’adéquation des moyens aux fins312 ». « Juger de la cohérence du système juridique » signifie le soumettre à une évaluation interne en confrontant « une norme considérée à d’autres normes313 » du système étudié. « Juger de l’adéquation des moyens aux fins » consiste à répondre à l’invitation de Max WEBER qui énonçait que « la science du droit peut seulement (sic) indiquer que, lorsque

nous voulons un certain résultat, telle règle de droit est […] le moyen approprié pour

l’atteindre314 ». Une telle posture invite ainsi à ne pas faire l’économie d’une interrogation sur l’efficacité des normes315 et sur leur effectivité316. La posture théorique choisie permet ainsi non seulement de saisir les normes, de les expliquer et de les comprendre, mais elle impose encore d’étudier la façon dont la Constitution et ses normes de concrétisation prennent vie317. L’étude de la distance – sinon de la rupture – entre le droit et le fait, entre le « régime » et le « système »318 politiques, entre le « droit de la Constitution » et le « système de Gouvernement »319, l’étude des violations de la Constitution320, dans une telle perspective, s’imposent. Enfin, il ne s’agit pas de dire que « le système de gouvernement d’un pays résulte

311 F. B

RUNET, La Normativité en droit, op. cit., p. 85-86.

312

Ibid., p. 86-88.

313 Ibid., p. 80. 314 M. W

E B E R, Le Savant et le politique (1919), 10/18, 1959, p. 79 cité et souligné par F. BRUNET, La

Normativité en droit, op. cit., p. 87. La remarque entre parenthèse est de l’auteur.

315 Nous retiendrons la définition maximaliste que Julien BÉTAILLE propose de l’efficacité (J. B

ÉTAILLE, Les

Conditions juridiques de l’effectivité de la norme en droit public interne (…), op. cit., p. 18 et s.). Il estime

qu’elle constitue le degré maximum de l’effectivité d’une norme : « L’efficacité pourrait alors être définie comme la qualité d’une norme dont les effets atteignent son objectif » (note p. 22). De son point de vue, auquel nous souscrivons, la norme peut être respectée tout en étant inefficace. Cf. M.-A. CO H E N D E T, « Légitimité, effectivité et validité », art. cité, p. 208-209. Sur le rapport entre évaluation et efficacité, voir M. FATIN-ROUGE

STÉFANINI,« La Constitution doit-elle être efficace ? », in M. FATIN-ROUGE STÉFANINI,L. GAY et A. VIDAL- NAQUET (dir.), L’Efficacité de la norme juridique. Nouveau vecteur de légitimité ?, Bruylant, coll. « À la croisée des droits », 2012, p. 209-231.

316 Julien BÉTAILLE définit l’effectivité comme « le degré d’influence qu’exerce la norme juridique sur les faits

au regard de sa propre finalité » (J. BÉTAILLE, Les Conditions juridiques de l’effectivité de la norme en droit

public interne (…), op. cit., p. 22). Cf. M.-A.CO H E N D E T, « Légitimité, effectivité et validité », art. cité, p. 208- 211 ; voir aussi L. HEUSCHLING, « “Effectivité”, “efficacité”, “efficience” et “qualité” d’une norme/du droit. Analyse des mots et des concepts », in M. FATIN-ROUGE STÉFANINI, L. GAY et A. VIDAL-NAQUET (dir.),

L’Efficacité de la norme juridique. Nouveau vecteur de légitimité ?, op. cit., p. 27-59.

317 Voir C. E

ISENMANN, « Droit constitutionnel et institutions politiques » (1957), in Écrits de théorie du droit, de

droit constitutionnel et d’idées politiques, P a n t h é o n - Assas, coll. « Les introuvables », 2002, p. 518.

318 Quant à cette distinction empruntée au professeur COHENDET, voir supra note p. 27 et s. 319

Cette troisième distinction est retenue par le professeur LE DIVELLEC in « Le Prince inapprivoisé. De l’indétermination structurelle de la Présidence de la Ve République », Droits, n°44, 2007, p. 103 et s. L’auteur oppose aussi le « régime constitutionnel » au « mode de Gouvernement » in Le Gouvernement parlementaire en

Allemagne (…), op. cit., p. 566.

320

Lauréline FONTAINE propose d’appeler « violation de la Constitution », « une transgression des interdits constitutionnels » (L. FONTAINE, « La violation de la Constitution : autopsie d’un Crime qui n’a jamais été commis », RDP, 2014, p. 1637). Pour une riche étude et une bibliographie dense sur la question des violations de la Constitution, voir L.ECK, L’abus de droit en droit constitutionnel, op. cit., p. 367 et s. L’auteur propose, quant à lui, de définir la violation de la Constitution comme « une irrégularité touchant le contenu de l’acte ou de la pratique qui s’avère contraire aux règles obligatoires du droit constitutionnel » (p. 375).

La compétence de nomination du Président de la Cinquième République

logiquement de “la Constitution”, entendue comme loi constitutionnelle321 » mais bien de se donner comme prérequis que la Constitution est porteuse de normes établissant des « devoir être » (sollen). Expliquer l’écart entre les normes et la pratique nécessite cependant de resituer le droit dans le champ des sciences humaines, ce qui justifie le recours à l’histoire322, à la philosophie, à la sociologie ou encore à la science politique. Il s’agit donc de « comprendre le droit constitutionnel à la lumière de sa pratique, de son histoire, de son soubassement philosophique323 » sans pour autant y sacrifier l’étude de la Constitution comme norme.

42. Une science du droit qui entend prendre acte de la spécificité de son objet peut alors

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