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La Cinquième République fut élevée contre sa devancière, accusée de bien des maux Le président de la République dont furent dotées ses institutions est une figure particulière,

« inédite108 », ce qui rejaillit sur la façon dont ses compétences sont pensées et pratiquées. La compétence de nomination n’échappe pas à cette difficulté.

L’article 13 de la Constitution de 1958 semble caractérisé par son ambivalence109 puisqu’il énonce, en ses deuxième et troisième alinéas :

« [Le président de la République] nomme aux emplois civils et militaires de l’État.

Les conseillers d’État, le grand chancelier de la Légion d’honneur, les ambassadeurs et envoyés extraordinaires, les conseillers maîtres à la Cour des comptes, les préfets, les représentants de l’État dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 et en Nouvelle- Calédonie, les officiers généraux, les recteurs des académies, les directeurs des administrations centrales sont nommés en Conseil des ministres ».

104 Dans le même sens, le professeur MORABITO écrit au sujet du projet d’avril 1946 lequel, s’agissant du

président de la République, sera largement repris en octobre : « Les prérogatives dont le président de la République n’avait plus que l’exercice nominal passent au président du Conseil. Il en est ainsi […] du droit de nomination aux emplois civils et militaires » (M. MORABITO, Histoire constitutionnelle (…), op. cit., p. 392).

105 Nous dirons indifféremment « contreseing » ou « contresignature » et « signature » ou « seing » pour éviter

les trop nombreuses répétitions.

106

S. RIALS, La Présidence de la République, op. cit., p. 65-66. La citation est le titre d’une section, p. 62. Sur l’influence des Présidents de la Quatrième République, voir aussi P. JA N, Le Président de la République au

centre du pouvoir, La Documentation française, coll. « Études », 2011, p. 29 et s.

107 Voir les pages que Jeannette BOUGRAB consacre à cette question dans sa thèse : J. B

OUGRAB, Aux origines

de la Constitution de la IVe République, op. cit., p. 455 et s.

108

Voir le chapitre que Marcel MORABITO consacre à « la présidence inédite de la Ve République », in Le Chef

de l’État en France, op. cit., p. 111 et s.

109 Si d’un point de vue linguistique, la rédaction de la Constitution de 1958 est sujette à critique, il nous semble

Introduction

La tournure générale de l’alinéa 2 semble confier au président de la République la compétence de nomination de principe. Cet alinéa recèlerait la tradition constitutionnelle française antérieure à 1946. Mais le troisième alinéa de l’article 13 paraît s’opposer à cette interprétation première puisqu’il établit une liste d’emplois auxquels le président de la République nomme en Conseil des ministres à la manière de ce qui était prévu sous la Quatrième République ; les emplois concernés sont d’ailleurs presque les mêmes que sous le régime précédent. La tradition constitutionnelle et la rupture de 1946 paraissent donc cohabiter dans ces deux alinéas.

Mais l’ambivalence de la Constitution de 1958 en matière de nomination ne s’arrête pas là. En effet, les autres textes constitutionnels ne retenaient qu’un organe compétent, de façon générale, pour « nommer aux emplois civils et militaires ». La Constitution de la Cinquième République utilise par deux fois, quant à elle, cette formule générale. En effet, l’article 21 alinéa 1 prévoit que « le Premier ministre […], sous réserve des dispositions de l’article 13, […] nomme aux emplois civils et militaires110 ». À lire une part de la doctrine, l’un des problèmes majeurs des nominations sous la Cinquième République résiderait dans ces deux mots : « sous réserve ». Certains auteurs les utilisent pour avancer que le président de la République jouit de la compétence de principe111, l’exception relevant du Premier ministre. D’autres les mobilisent pour y lire strictement l’inverse112. L’imprécision du syntagme explique que Maurice DUVERGER, au sujet de la cohabitation, ait pu écrire que « la

110 Nous soulignons.

111

Parmi ceux qui défendent l’idée de la compétence présidentielle de principe, citons par exemple : P.-O. CAILLE, « Président de la République », Juris-Classeur Administratif, fasc. 100, 2014, mis à jour en 2015 ; D . CH A G N O L L A U D, Droit constitutionnel contemporain, t. 2 Le régime politique français, Dalloz, coll. « Cours Dalloz », 6e éd., 2013, p. 214 ; J.COLIN, « Autorités investies du pouvoir de nomination aux emplois civils et militaires de l’État », RPDA, 1960, p. 81 ; O. DORD, Droit de la fonction publique, PUF, coll. « Thémis », 2e éd., 2012, p. 47 ; M. DU V E R G E R, Bréviaire de la cohabitation, PUF, 1986, p. 98 ; P. JA N, Le

Président de la République au centre du pouvoir, op. cit., p. 141 et cf., du même auteur, Institutions administratives, LexisNexis, coll. « Objectif Droit Cours », 4e éd., 2011, p. 89 et p. 91 ; D. MAHERZI, « La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 et le pouvoir de nomination du président de la République rénové »,

Politeia, n°17, 2010, p. 339 ; F. ME L L E R AY, Droit de la fonction publique, Economica, coll. « Corpus de droit public », 3e éd., 2013, p. 232 ; C. RE I P L I N G E R, « Commentaire de l’article 13 », in F. LU C H A I R E et G. CO N A C (dir.), La Constitution de la République française, Economica, 3e éd., 2008, p. 496 ; A. SO U L O U M I A C, Le Pouvoir de nomination, t. 1, op. cit., p. 68 et s. ; D . TU R P I N, « La présidence du Conseil des ministres », RDP, 1987, p. 880 ; Ph.YO L K A, « Le pouvoir de nomination du chef de l’État sous la Ve République », art. cité, p. 724.

112

Parmi les auteurs défendant l’idée que le Premier ministre est bénéficiaire de la compétence de principe, voir notamment : A . A . CÁ R D E N E S, La Présidentialisation du système politique, étude de droit comparé Argentine-France, thèse dact., Université de Poitiers, 2012, p. 242 ; B. CH A N T E B O U T, Droit constitutionnel, Sirey, coll. « Université », 30e éd., 2013, p. 512 ; M . - A . CO H E N D E T, La Cohabitation. Leçons d’une expérience, P U F,coll. « Recherches politiques », 1993, p. 190 et s. ; A.-M. LE POURHIET, Droit constitutionnel, Economica, coll. « Corpus droit public », 6e éd., 2014, p. 314 ; G.TUSSEAU,Les Normes d’habilitation,Dalloz, coll. « Nouvelle Bibliothèque des thèses », 2006, p. 421.

La compétence de nomination du Président de la Cinquième République

nomination des fonctionnaires est le pot au noir de la Constitution, qui emmêle […] le président de la République et le Premier ministre d’une façon presque inextricable113 ». Celle- ci ne pose pas moins question en dehors des périodes de cohabitation114.

12. L’Histoire peut-elle être ici utilisée comme un argument pour démêler au profit du

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