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5.2.2) Schéma régional de cohérence écologique de Bretagne (SRCE-BRE)

Le territoire

La région, positionnée à l’extrême ouest de la France, entourée par la Manche et l’océan Atlantique, se caractérise par une forte identité maritime (2 730 km de littoral) et rurale avec 81% de sa surface terrestre en terres agricoles et 15% en espaces naturels (Conseil Régional de Bretagne 2006). Burel et Baudry (1999) notent que « le paysage breton est une mosaïque de bois, de landes et de terres

agricoles séparées par un réseau de haies vives, c’est une zone de bocage ». Le littoral breton

présente un enjeu fort de préservation, de même que les milieux de landes et les zones humides, les têtes de bassin versant et les prairies (permanentes). La qualité des eaux de surface (et souterraines) est un sujet à controverses pour la Bretagne compte tenu des pratiques (surtout agricoles) du chevelu dense qui la traverse et de sa topographie-géologie.

La Bretagne connait depuis plusieurs années un important dynamisme démographique. Selon l’INSEE, les quatre départements bretons devraient compter plus de 710 000 habitants supplémentaires en 2040.

Le projet et la méthode générale d’identification des CE

Les enjeux régionaux ont été identifiés par grand type d’habitat (cours d’eau, zones humides, landes pelouses tourbières, bocage, milieux littoraux, forêt, milieux urbains et périurbains). Sept enjeux majeurs ont été partagés pour l’ensemble des CE. Ce sont (i) la pérennité des réservoirs de biodiversité, (ii) la fonctionnalité et la cohérence d’un réseau de corridors écologiques, (iii) la reconnaissance et l’intégration par les acteurs socio-économiques, (iv) la connaissance, (v) la gestion des milieux, (vi) l’appropriation de la TVB (information, sensibilisation, formation) et (vii) la cohérence des actions publiques.

La méthode utilisée s’appuie sur quatre principes majeurs : l’adaptation au contexte écologique breton, la valorisation des espaces de « nature ordinaire », la responsabilité partagée entre tous les territoires dans le fonctionnement écologique régional et le respect des démarches infra régionales. En lien avec les textes de lois, les réservoirs de biodiversité et les corridors écologiques ont été identifiés, mais en ne distinguant pas de sous-trames (cf. Figure 40).

Les réservoirs de biodiversité comprennent les zonages d'inventaires ou réglementaires pour tout ou partie, la mosaïque verte (espaces ou ensemble d’espaces semi-naturels supérieurs à 400 ha) et l’intégralité de l'estran.

Les cours d’eau sont en réservoir et en corridor. Ont été retenus les cours d'eau liste 1 et liste 2, les réservoirs biologiques et axes grands migrateurs du SDAGE 2010-2015, les frayères au titre des articles R.432-1 et suivants du code de l’environnement, les cours d'eau des têtes de bassin versant et les estuaires.

Deux types de corridors écologiques ont été distingués : les « linéaires » qui représentent des principes de connexion en distinguant le contexte de « connexion entre milieux naturels » élevé ou faible ; et les « territoires » qui représentent un niveau de connexion élevé pour un espace dans son ensemble avec de multiples possibilités de circulation (i.e., structure en mosaïque, intrication forte entre milieux « naturels » et artificialisés, maille bocagère dense).

Vingt-huit grands ensembles de perméabilité (GEP), avec quatre niveaux de « connexion des milieux naturels » ont été cartographiés (cf. Figure 40). Ces grands ensembles de perméabilité sont « une

composante de la TVB régionale à part entière » (com. pers. technicien). Ils ont été identifiés sur la

base (i) d’une analyse visuelle de la carte des coûts cumulés minimum qui traduit la perméabilité des milieux (aucune zone blanche), (ii) des travaux des ateliers préparatoires et (iii) de données de contexte (carte des entités paysagères bretonnes, atlas des paysages, données statistiques de l’INSEE, du recensement agricole, etc.). Chaque grand ensemble est décrit, notamment les réservoirs et corridors qu’il accueille et les actions qui lui sont associées.

Figure 40 : Atlas présentant les CE en Bretagne (extrait SRCE-BRE, 2015).

5.2.2.1) Gouvernance

a) Outils et processus de gouvernance

Le SRCE-BRE est co-piloté par le Conseil régional (CR-BRE) et la DREAL-BRE. Ce sont les bureaux d’étude CERESA (volet technique) et RCT (volets communication, animation et évaluation environnementale) qui ont été maîtres d’œuvre pour l’élaboration. Le Groupement d’intérêt public (GIP) Bretagne environnement a accompagné les co-pilotes pour la collecte, l’organisation et le traitement des données. Le SRCE-BRE a été adopté en novembre 2015.

La gouvernance s’organise autour de réunions de l’équipe projet regroupant les maîtres d’œuvre et d’ouvrage, d’un Comité régional TVB (CRTVB, 103 membres), d’un groupe d’expertise scientifique (22 membres) en appui surtout sur les données-informations-connaissances et la méthodologie, d’un Comité technique (35 membres) dont un des rôles concerne la cohérence technique des orientations prises, de quatre groupes de travail spécifiques pour alimenter les réflexions (actions territoriales et méthodologie, communication, sémiologie, infrastructures), de quatre réunions départementales visant à associer les élus locaux et leurs partenaires, de plusieurs ateliers préparatoires (identification des enjeux) et territoriaux (élaboration du plan d’actions stratégique), de diverses rencontres bilatérales avec les acteurs socio-économiques (cf. Figure 41). Le Conseil scientifique régional pour le patrimoine naturel (CSRPN-BRE) a également été sollicité pendant l’élaboration du SRCE-BRE. Une réunion interSCoT et interSAGE a eu lieu en parallèle des travaux sur le SRCE-BRE. Les différentes remarques exprimées ont été synthétisées et ont permis d’ajuster les propositions par l’équipe projet.

Figure 41 : Construction du SRCE Bretagne.

L’ensemble des cinq collèges du Grenelle a été mobilisé, en particulier via le Comité régional TVB. Le milieu associatif a eu des apports et des réactions diverses, en exprimant des craintes quant aux moyens mis à disposition pour dépasser le « schéma papier ». Les acteurs socio-professionnels ont été bien représentés, de manière diversifiée. Le « monde de la pêche » a été moteur sur les questions liées à la politique de l’eau. Les « monde forestier privé » et « agricole » ont contribué par leurs travaux déjà en faveur de la biodiversité. Les élus ont été peu présents. Le « monde de la recherche » s’est mobilisé pour le diagnostic et la méthodologie mais peu sur le plan d’actions en considérant que cela relevait des autres acteurs du territoire.

Plusieurs outils et ressources complémentaires d’appropriation et d’exploitation du SRCE-BRE ont été mis à disposition des territoires. Une plaquette de communication a résumé le SRCE. L’ensemble des documents a été consultable sur un site internet dédié. Des financements européens FEDER et

FEADER et des contrats nature ont été disponibles pour la mise en œuvre du SRCE en lien avec l’appel à projets sur les CE de 2016 pour la réalisation de plans d’actions territoriaux et d’actions opérationnelles.

b) Discussion sur la pertinence des outils et des processus

 La concertation des acteurs a été large au niveau de la région. Le défi est désormais dans la mise en œuvre du schéma. Une feuille de route a été proposée par les co-pilotes au Comité régional TVB de mai 2016, pour l’animation régionale 2016-2017. Dix chantiers prioritaires ont été identifiés, le pilotage étant réparti entre le conseil régional et la DREAL. Certains de ces chantiers sont déjà lancés, bien que les agents en charge du dossier au conseil régional et à la DREAL aient changé, la première peu avant l’approbation du SRCE et la seconde début 2017. Parmi ces dix chantiers se retrouvent en particulier (i) la production de connaissances en lien avec la mise en place d’un Pôle métier biodiversité de GéoBretagne et (ii) les programmes territoriaux d’actions en faveur de la TVB pour faire émerger des projets de mise en œuvre opérationnelle de la TVB (objet de l’appel à projet de 2016).

La méthode a été co-construite en aller-retour avec les acteurs dans le cadre des différents groupes de travail, ateliers, comités. De nombreux avis ont été formulés et ont amené à « des ajustements,

parfois importants, dans la méthode et dans l’identification des réservoirs de biodiversité et des corridors écologiques » (extrait SRCE-BRE). Citons, entre autres, l’abandon de l’approche « espèce »,

la définition du seuil de 400 ha pour la mosaïque verte, l’agriculture intensive comme un élément limitant la connectivité mais de moindre intensité que les milieux urbains (parti pris que les pratiques agricoles peuvent évoluer et que la nature en ville est un sujet au niveau local), le choix des cours d’eau, les ajustements sémiologiques sur les cartes.

Le SRADDET est en cours de réflexion au conseil régional Bretagne. Il devrait s’appuyer sur les schémas existants pour (i) s’en inspirer en termes de gouvernance, de diagnostic, d’opérationnalité,

etc. et (ii) pour profiter et capitaliser les innovations.

5.2.2.2) Dimension écologique

a) Bien-fondé/viabilité, connectivité et redondance

Le SRCE-BRE associe des objectifs de « préservation », « confortement » et « restauration » de la fonctionnalité écologique des réservoirs et des corridors. « La notion de fonctionnalité écologique des

milieux naturels représente la capacité de ces derniers :

- à répondre aux besoins biologiques des espèces animales et végétales :

à travers une qualité suffisante ;

à travers une présence suffisante en nombre et/ou en surface ;

à travers une organisation spatiale et des liens avec les autres milieux ou occupations du

sol qui satisfassent aux besoins de mobilité des espèces animales et végétales.

- à fournir les services écologiques bénéfiques aux populations humaines » (extrait SRCE-BRE).

Le terme de « suffisant » (qualité, nombre, superficie) n’est pas explicité et est à étudier pour chaque grand ensemble de perméabilité (GEP). L’approche par les GEP permet de « ne pas homogénéiser le

niveau de perméabilité entre l’ensemble des 28 GEP, mais de faire progresser la fonctionnalité écologique de chacun, en tenant compte de ses spécificités » (c’est-à-dire des niveaux de connexion

identifiés, notamment pour les GEP concernés par les corridors « territoires » et qui bénéficient d’une connexion globale à préserver). L’amélioration de la connaissance sur les fonctionnalités écologiques des milieux semi-naturels est souhaitée dans le plan d’actions.

La superficie des milieux semi-naturels est un critère pour le choix des réservoirs de la mosaïque verte avec un seuil de 400 ha. Ce seuil a été défini suite à des tests : une maille de 100 ha a été jugée trop détaillée et concernant des espaces d'intérêt local, une maille de 1 000 ha a été jugée trop large et mettant à l'écart des espaces d'intérêt régional. Ces réservoirs, calculés sur des mailles, sont donc « pixellisés » sur les cartes, un lissage ne donnant qu’une fausse précision. Par ailleurs, certains

réservoirs ou corridors sont identifiés uniquement dans les textes (pas de cartographie), compte tenu de leur faible superficie pour une représentation au 1/100 000ème et de données non homogènes au niveau régional (e.g., cours d’eau de tête de bassin versant).

Les obstacles sont peu nombreux dans le SRCE-BRE et se concentrent sur les infrastructures de transport (routes, voies ferrées existantes et en projet) et obstacles à l’écoulement des eaux. Ces éléments ne sont pas pris en compte dans le calcul du cout cumulé minimal pour réaliser les cartes de perméabilité, ce qui interroge la pertinence de la méthode.

Certains des corridors dépassent les limites administratives, pour une cohérence interrégionale. Les CE interrégionales ont été discutées avec les régions limitrophes. Les différences cartographiques entre les CE identifiées par les régions voisines sont argumentées dans le SRCE-BRE. Les CE d’importance nationale, identifiées dans les orientations nationales, ont également été discutées dans le texte.

b) Représentativité

La Trame bleue a été distinguée de la Trame verte. La distinction n’est pas nette, avec par exemple le bocage, largement mis en avant dans la méthode, étant à l’interface trame bleue/trame verte. L’approche par les espèces, initialement testée - sur la base des listes définies au niveau national et d’une liste régionale établie avec les « experts » régionaux - a été abandonnée. Cet abandon s’explique par (i) des lacunes dans les données-informations avec la part insuffisante d’informations spatialement précises et exploitables (couverture hétérogène, précision à la commune ou à la maille,

etc.) et (ii) la difficulté dans le choix des espèces interrogeant leur représentativité du territoire. Le

plan d’action stratégique prévoit néanmoins de reprendre la liste des espèces « pouvant servir de

"guides" pour la définition, la mise en œuvre et l'évaluation de la TVB » (extrait SRCE-BRE).

La valorisation des espaces de biodiversité « ordinaire » (en plus des zonages ciblant une biodiversité « remarquable ») est un des quatre grands principes qui ont guidé le SRCE-BRE, l’ensemble des territoires contribuant au fonctionnement écologique. La carte de perméabilité des milieux couvre la région, sans « zones blanches » et a pour objectif la biodiversité globale.

L’approche par sous-trames, initialement testée (forêts, landes-pelouses-tourbières, bocages, zones humides, cours d'eau, littoral) n’a finalement pas été retenue. En pratique, elle s'est révélée : (i) mal adaptée à la mosaïque de milieux imbriqués et de faible superficie, caractéristique majeure de la région (difficultés d’affectation à une sous-trame donnée), (ii) confrontée à l'absence ou l’insuffisance d'informations cartographiques permettant de prendre en compte cette mosaïque. C’est une approche toutes sous-trames confondues qui a été privilégiée pour identifier les réservoirs et les corridors, en s’appuyant sur l’occupation du sol. Mais cette méthode ne permet pas de rendre compte de la qualité écologique des différentes entités correspondant à une même classe d’occupation du sol. L’approche par l’occupation du sol n’est pas une approche sur les habitats.

c) Discussion sur l’utilisation des concepts d’écologie du paysage

 Les concepts d’écologie du paysage sont utilisés mais sont peu explicites (terme de « suffisant » imprécis). Les réservoirs de biodiversité sont identifiés au regard de la structure et de la composition des espaces, mais très peu sur leur fonction. Cette identification s’appuie surtout sur des données d’occupation du sol et très peu sur des données d’habitats et jamais d’espèces. Les corridors écologiques sont globaux pour le niveau régional et reflètent des grandes fonctions. La fonctionnalité écologique est définie mais la définition reste vague quant aux objectifs (qualité, nombre, superficie suffisants).

L’ajout de la mosaïque verte, tout comme de la totalité de l’estran, permet une approche intégrée de l’imbrication des milieux semi-naturels. Toutefois, l’analyse des obstacles reste limitée dans l’analyse de la perméabilité des territoires. Cela est en partie compensée par les grands ensembles de perméabilité (GEP) qui permettent une approche différentielle, en ne cherchant pas à homogénéiser le niveau de perméabilité entre les vingt-huit grands ensembles, mais en faisant progresser la

fonctionnalité écologique de chacun, en tenant compte de ses spécificités. Une des difficultés soulevées concerne l’harmonisation des enjeux très différents sur le territoire, par exemple pour la densité du bocage où « une haie » n’aura pas le même rôle dans un contexte de bocage dense ou lâche (com. pers. technicien, chercheur).

5.2.2.3) Multifonctionnalité

a) Multifonctionnalité et notion de services écosystémiques

« La TVB vise une meilleure intégration de la biodiversité dans les activités humaines et constitue un

outil d’aménagement des territoires, dépassant la logique de protection d’espaces naturels » (extrait

SRCE-BRE).

Le SRCE-BRE constate l’absence de grands espaces de nature sans influence des activités humaines et la nécessaire conciliation/adéquation entre préservation de ces espaces et les activités qu’ils accueillent, dans le respect de la sensibilité et des capacités d’accueil des espaces.

Les services écosystémiques listés par le Millenium Ecosystem Assessment sont mentionnés à plusieurs reprises dans les textes, mais en précisant que cette logique ne doit pas être le seul fondement du SRCE-BRE.

b) Discussion sur la complémentarité des fonctions et la contribution de la notion de services

 L’évaluation environnementale du SRCE-BRE a identifié différentes composantes environnementales pour analyser les incidences du schéma sur l’environnement. Le plan d’action stratégique reprend ces composantes sur lesquelles la mise en œuvre des actions peut avoir un impact positif, direct ou indirect (en dehors de la composante « biodiversité et milieux naturels » qui peut être rattachée à toutes les orientations) : ressource en eau, paysages et patrimoine, sols et sous-sols, climat et énergie, santé humaine et qualité de l’air, société humaine et cadre de vie, ambiances sonores et olfactives. La multifonctionnalité du SRCE-BRE est soulignée mais la dimension écologique est mise en avant.

Parmi les dix chantiers prioritaires identifiés pour la mise en œuvre du SRCE-BRE, certains traduisent l’intérêt pour la multifonctionnalté. Citons : « milieux agricoles et TVB » (expérimentations avec évaluation des impacts économiques de l’évolution des pratiques, services écosystémiques liés, observatoires agricoles de la biodiversité, etc.), « milieux forestiers et TVB » (gestion forestière, suivi de Breizh foret bois, etc.), « paysages et TVB » (observatoires des paysages, croiser écologues et paysagistes, etc.) ou encore « nature en ville » (recommandations cahiers des prescriptions de Zones d’aménagement concerté, etc.).

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