• Aucun résultat trouvé

4.2.1.1) Choisir les territoires d’étude

a) La méthode pour choisir

Les territoires d’étude retenus ont été la France, pour le niveau national et les régions Bretagne et Languedoc-Roussillon – aujourd’hui inclus dans la grande région Occitanie, pour le niveau régional. Ces deux régions, cofinançant la thèse, ont été choisies pour leurs contextes paysagers et culturels bien distincts, permettant de nuancer les approches et les résultats.

Les territoires d’étude intercommunaux ont été pré-identifiés avec les services techniques des DREAL et des Conseils Régionaux des deux régions Bretagne et Occitanie (co-pilotes des schémas régionaux de cohérence écologique - SRCE) puis les territoires communaux ont été pré-identifiés avec les porteurs de projets de CE intercommunaux. Les discussions pour ces pré-identifications et les choix se sont appuyés sur la base de critères liés aux contextes territoriaux, aux choix de gouvernance, à l'état d'avancement et à la disponibilité en données.

Les critères et leurs objectifs :

- Des territoires à enjeux en termes de gestion de l’espace (croissance démographique, dynamique économique, attractivité, etc.) avec une diversité d’acteurs (en particulier socioprofessionnels) et une diversité de paysages/occupations du sol/habitats semi-naturels.

 L’objectif est d’analyser les compromis entre acteurs sur un territoire pluriel, en croisant divers contextes et enjeux écologiques, paysagers, sociaux, économiques, politiques, culturels, etc. ;

- Un « emboîtement géographique » des projets de CE entre les niveaux intercommunal et communal.

 L’objectif est de faciliter la comparaison inter-niveaux ;

52

Pour l’ethnographe, « On aura donc une grosse difficulté à penser les entretiens comme une collection de témoignages, c’est-à-dire comme des textes autonomes, décontextualisés : ce ne sont pas des textes mais des transcriptions d’interactions, prises dans une histoire, celle de l’enquête, plus importante parfois que ce qui s’y est dit » (Müller 2006). Nous n’avons pas ici la prétention de fournir un travail ethnographique, et nous ne retranscrivons pas les échanges. Toutefois, nous nous efforçons de contextualiser chacun des entretiens, au regard du travail général d’enquête et des relations/interactions avec chacun des acteurs interrogés. L’enregistrement permet de revenir à souhait aux discours.

- Des projets de CE validés ou bien avancés dans leur réalisation (validation prévue dans les deux prochaines années) avec une volonté politique portant la démarche.

 L’objectif est de pouvoir analyser l’intégration de la démarche régionale et étudier le projet final/validé ;

- Des données d’occupation du sol plus détaillées que Corine Land Cover.

 L’objectif est de bénéficier d’informations et de données suffisamment précises pour pouvoir affiner le travail des niveaux supérieurs.

La démarche de la thèse a été présentée à chacun des porteurs de projets de CE pré-identifiés afin qu’ils puissent donner leur accord pour être territoire d’étude. Les territoires porteurs de schémas (directeurs) d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE et SAGE) ont été identifiés dans un second temps, considérant le fait que les CE sont intégrées dans les SDAGE et SAGE de façon plus habituelle (objectifs de la Directive Cadre sur l’Eau).

Compte tenu du nombre élevé de territoires d’étude, un choix complémentaire a été fait. Les analyses ont été approfondies sur quelques territoires ; des analyses moins fouillées sur les autres territoires ont permis de mettre en perspective les premiers résultats. D’autres facteurs plus pratiques, explicites ou implicites, ont pu guider ce choix : proximité géographique, proximité avec les acteurs des territoires et fréquence des échanges et donc du suivi de la mise en œuvre/ réalisation des projets de CE, etc.

b) Quelques limites du choix des territoires

Une des principales limites du choix de ces territoires, mais qui répond aux critères sus mentionnés (car nécessaire à la thèse), concerne leur exemplarité. Il s’agit de territoires moteurs et volontaires sur la thématique des CE.

Les territoires étudiés ne sont pas représentatifs des cas français. Mais, la représentativité est difficile, chaque projet s’inscrivant dans un territoire aux atouts et contraintes particuliers. Toutefois, les territoires de Bretagne et d’Occitanie s’inscrivent dans des contextes variés, permettant de nuancer les approches et les résultats. De plus, les territoires infra régionaux ont été sélectionnés dans des départements différents (Finistère, Morbihan et Ille et Vilaine pour la Bretagne ; Gard, Hérault et Tarn pour Occitanie) afin de présenter, ici encore, une diversité de contextes territoriaux. Malgré leur intérêt, les analyses ne portent pas sur les CE « aux frontières ». En effet, les territoires choisis ne sont pas adjacents. Il est difficile d’avoir des territoires suffisamment avancés sur la TVB et côte à côte.

Les conclusions de la thèse seront nuancées au regard de ces premières limites. 4.2.1.2) Choisir les projets de CE

a) La méthode pour choisir

Dans un premier temps, un inventaire, bien que non exhaustif, des projets de CE existants aux différents niveaux de gouvernance a été réalisé (cf. Figure 24). Il est issu d’une analyse, du national au local, des différents plans-programmes-schémas-stratégies-lois-décrets-directives-contrats-études portant sur l’environnement et sur l’aménagement du territoire. Cet inventaire a été une base à la discussion lors de la pré-identification des territoires d’étude.

Dans un second temps, nous avons choisi les projets de CE à analyser en privilégiant (i) les projets dédiés aux CE (cas des schémas régionaux de biodiversité, des décrets et lois sur la TVB, de projets volontaires et ponctuels portés par certaines collectivités), (ii) les projets locaux d’urbanisme et de planification qui sont directement ciblés par la politique TVB (cas des documents d’urbanisme, des schémas (directeurs) d’aménagement et de gestion des eaux) et (iii) les chartes de PNR en lien avec le test de notre sous-hypothèse n°4 quant au rôle d’acteur intermédiaire des PNR.

En complément, un chronogramme a été réalisé (et discuté avec les porteurs de chaque projet de CE) pour les principaux projets du territoire ayant une influence sur le projet de CE étudié. L’inventaire

précédemment présenté a été une bonne base à ces chronogrammes. Cela a permis de mieux cerner la dynamique du territoire sur le sujet (cf. Figure 25 et Figure 26).

Figure 25 : Exemple d’un chronogramme présentant les différents projets de CE sur la région Bretagne.

NB : Sur l’axe temporel, le positionnement du numéro de l’année correspond au début de l’année.

Figure 26 : Exemple d’un chronogramme présentant les différents projets de CE sur le territoire de Nîmes Métropole.

b) Quelques limites du choix des projets de CE

Les projets de CE sont très divers selon les territoires. La diversité tient dans leurs objectifs (documents d’urbanisme, projets environnemental, etc.), leurs maîtres d’ouvrage et/ou maîtres d’œuvre (compétences variées), leurs moyens (humains, techniques, financiers, d’appui politique,

etc.), leurs liens d’opposabilité (prise en compte, compatibilité), leur calendrier (les périodes

d’exécution des projets de CE sont pour la plupart décalées dans le temps), leurs documents associés.

Au-delà des projets dédiés aux CE, le focus a été mis sur les documents d’urbanisme. De nombreux autres projets auraient pu être choisis. Par exemple, les projets agro environnementaux, les études d’impact, etc.

Les conclusions de la thèse seront aussi nuancées au regard de ces limites. 4.2.1.3) Choisir les acteurs interrogés

a) La méthode pour choisir

Les acteurs réunis et concernés par la politique TVB sont nombreux, l’aménagement du territoire concernant tout un chacun. Citons les membres du Comité National TVB et des Comités Régionaux TVB, les personnes publiques associées et, plus globalement, toute personne pouvant répondre lors des phases de consultation et d’enquête publique, etc. Des choix ont été nécessaires compte tenu du nombre de territoires d’études et des projets de CE analysés.

Qui ?

L’objectif était d’appréhender le réseau d’acteurs et les principaux jeux d’acteurs sur les différents territoires. Ceci afin d’identifier des acteurs clés sur les CE, ceux qui focalisent les interactions entre les niveaux et les échelles (i.e., acteurs « relais ») (cf. Figure 27 et Figure 28).

Ainsi, les entretiens semi-directifs ont été réalisés prioritairement avec l’ensemble des porteurs des projets de CE sélectionnés. Les techniciens ont été rencontrés (souvent plusieurs personnes et services/directions) ainsi que les élus des territoires si cela a été possible. Les maîtres d’ouvrage ont tous été interrogés ainsi que si possible les maîtres d’œuvre.

Les listes des participants aux différentes instances de gouvernance et étapes clés des projets de CE ont été étudiées et discutées autant que possible avec les porteurs de projet (sur la base d’ébauches de sociogrammes et de cartes mentales, Rey-Valette et al. 2014) pour mieux comprendre les liens des acteurs aux projets de CE.

L’échantillon des « autres acteurs interrogés » (personnes ou structures/organisations) s’est construit au cours des échanges – en particulier lors des visites de terrain - et des entretiens avec les porteurs de projets de CE, (i) sur la base de nos propositions (structuration des idées, autant que possible, selon les cinq collèges d’acteurs du Grenelle53, selon les trois principaux types d’acteurs du système de gestion environnementale54 et selon les neuf catégories d’acteurs55 identifiées par Gumuchian et

53

Pour rappel, les cinq collèges du Grenelle sont : (i) les représentants de collectivités territoriales et de leurs groupements, (ii) les représentants de l’Etat et de ses établissements publics, (iii) les représentants d’organismes socio professionnels et les usagers de la nature, (iv) les représentants d'associations, d'organismes ou de fondations œuvrant pour la préservation de la biodiversité et les gestionnaires d'espaces naturels, (v) les scientifiques et les personnalités qualifiées.

54

Nous faisons référence au cadre d’analyse de l’Analyse Stratégique de la Gestion Environnementale (ASGE)

(Mermet et al. 2005; Guillet 2012). Nous utilisons quelques-uns de ses principes organisateurs et concepts. En

particulier, nous nous appuyons sur les trois types d’acteurs du système de gestion distingués dans l’ASGE, bien que la distinction de chaque type d’acteur ne soit pas triviale (Guillet 2012) :

al. 200356) ou (ii) sur proposition des porteurs de projets, par effet « boule de neige » (Beuret, Dufourmantelle, et Beltrando 2006).

Les contacts avec les acteurs « têtes » de réseaux, réseaux souvent polycentriques (Folke et al. 2005), ont été recherchés aussi.

Le niveau départemental, avec les Conseils départementaux et les DDTM, a également été systématiquement contacté pour les régions de Rennes et de Nîmes, puis du Bassin de Thau et de Brest.

En outre, certains acteurs ne participant pas ou plus directement au projet de CE mais ayant pu/pouvant être clés ont été contactés autant que possible (cas d’acteurs ayant changé de poste, portant d’autres initiatives non étudiées, etc.).

- (i) l’acteur d’environnement : il est opérateur de la « gestion intentionnelle » (objectif de référence à atteindre) et agent de changement de la « gestion effective » (actions intentionnelles ou non, conscientes ou non, ayant une influence sur l’état de l’objet écologique). Il porte la préoccupation environnementale face aux autres acteurs ;

- (ii) l’acteur sectoriel : il agit selon des intérêts n’étant pas centrés sur les objectifs environnementaux discutés. Ses actions sont plus ou moins compatibles avec les objectifs poursuivis par l’acteur d’environnement. C’est l’acteur envers lequel « s’adresse généralement la pression de changement et qui doit être amené à intégrer l’environnement dans ses pratiques » (Guillet 2012) ;

- (iii) l’acteur régulateur : il est en charge de la cohabitation des autres acteurs. Son rôle est de « représenter un équilibre entre les différents acteurs et les différentes préoccupations de la société, et de traduire cet équilibre dans les faits par leur médiatisation ou leurs arbitrages » (Mermet 1992). Généralement « il n’est guère en position de faire évoluer nettement dans un sens ou dans l’autre les rapports de force entre les acteurs » (ibid.).

55

Gumuchian et al. (2003) distinguent trois grandes classifications de types d’acteurs : les porteurs de projet,

les partenaires et les « autres » participants plus ou moins anonymes et organisés. Ces classes donnent lieu à neuf catégories, non exclusives, d’acteurs impliqués dans la construction et/ou la mise en œuvre d’un projet :

(i) les leader (ou « porteurs de projet ») constitués par un couple élus/techniciens ;

 (ii) les « médiateurs » qui sont issus de structures partenaires et qui lient les acteurs pour faire émerger le projet de territoire ;

 (iii) les « embrayeurs d’action » qui activent le déroulement du projet et sont concernés territorialement ;

 (iv) les acteurs actifs dans les travaux préparatoires du projet ;

 (v) les « habitants » qui peuvent produire un effet d’entraînement sur le projet ;  (vi) les « opposants ».ou « concurrents » au projet discuté ;

 (vii) les « instructeurs » chargés d’évaluer le projet, non concernés territorialement ;

 (viii) les structures partenaires non concernées territorialement mais qui peuvent être maitre d’œuvre ;

 (ix) les autres acteurs de territoires extérieurs et qui peuvent participer au projet (par hasard, par intérêt personnel, par nomadisme intellectuel.

56

Ces trois typologies d’acteurs se recoupent en partie. Elles appuient la structuration des idées, donnant trois filtres successifs. Par exemple, qu’un chargé de mission d’une collectivité territoriale (collège n°1 du Grenelle) pourra être un acteur d’environnement (ASGE) et un acteur « leader » (Gumuchian et al. 2003).

Figure 27 : Appréciation du réseau d’acteurs mobilisé sur le projet de CE (inspiré de Cormier 2011).

Combien ? Comment ?

Cormier (2011) note que « Selon Alain Blanchet et Anne Gotman la taille de l’échantillon, lors d’une

enquête semi-directive, est beaucoup plus réduite que lors d’une enquête directive. En effet une seule information, validée par le contexte, a un poids équivalent à une information répétée de nombreuses fois au cours d’un entretien directif. Ainsi, Yves Luginbühl estime-t-il qu’autour de trente entretiens semi-directifs réalisés, près de 90% de l’information sur une thématique est récoltée » (bien que toute

estimation du nombre d’entretien reste hasardeuse).

Beuret, Dufourmantelle, et Beltrando (2006) ajoutent que « alors que le temps de traitement d’un

entretien diminue légèrement avec le nombre d’entretiens, le temps d’élaboration de la synthèse tend à augmenter, du fait d’une plus grande complexité ». Ainsi, le nombre d’entretiens a été

proportionné aux types d’acteurs à questionner, en fonction du temps d’entretien et d’analyse (e.g., entretiens plus importants en temps d’analyse pour les maîtres d’ouvrage).

b) Quelques limites du choix des acteurs interrogés De nombreux biais sont liés à ce travail d’entretiens semi-directifs.

Ces biais sont liés d’abord à des contraintes logistiques. Les territoires d’étude sont nombreux, variés et répartis sur les régions. L’organisation des entretiens est chronophage et parfois compliquée. Les temps d’entretien sont variables (entre 40 min et 2h30) et ont un impact sur les temps d’analyse. Les biais sont aussi liés à la difficulté d’approcher les représentations mentales des acteurs lors des entretiens (et de l’analyse des documents) : les représentations externes (orales, textuelles, spatiales, etc.) restent approximatives. L’enquêteur a pu interpréter abusivement les résultats qualitatifs, l’acteur interrogé a pu dissimuler certaines informations volontairement ou non, etc.

Abric (2005) parle dans ce cas d’éléments dormants et en distingue deux types : (i) ceux en sommeil car non activés et (ii) ceux en sommeil car non exprimables (zone dite « muette », caractère contre normatif). Si nous avons tenté de guider les acteurs interrogés pour exprimer les éléments dormants non activés (via le guide d’entretien, ainsi que l’établissement d’un rapport de confiance invitant ces derniers à se livrer plus facilement), nous n’avons pas eu l’objectif de réussir à expliciter la « zone muette » chez les différents acteurs interrogés. Une des limites découlant de ce choix peut être de rester sur des discours pré-établis, de faire face à des lobbies ou à une rétention d’informations. Un autre biais est lié à la non représentativité de l’échantillon. La diversité des catégories d’acteurs impliqués dans les projets de CE n’a pu être recherchée. Nous n’avons qu’approché l’analyse de réseau des acteurs (Rey-Valette et al. 2014), en échangeant avec les acteurs interrogés sur « l’espace

des représentations » (Olivier de Sardan 1995), la forme de ce réseau et de son incidence sur le sujet

des CE.

La diversité éventuellement existante au sein de chaque catégorie (Beuret, Dufourmantelle, et Beltrando 2006) n’est pas non plus représentative. L’approche « structuraliste » transparait dans le choix des acteurs, par groupe d’acteurs, qui sont pré-identifiés selon la structure/le service/la direction auquel ils appartiennent. Il est entendu que des acteurs différents occuperont des positions différentes sur un même poste : les acteurs ne sont pas interchangeables (Latour 2004), ils sont territorialisés (Gumuchian et al. 2003; Di Méo 2008). Pour pallier a minima cette limite, si possible plusieurs acteurs d’une même structure/service/direction ont été rencontrés afin de croiser les représentations et stratégies. Mais, Goffman (1991 in Gumuchian et al. 2003) rappellait que « les

individus n’inventent pas le monde du jeu d’échecs chaque fois qu’ils s’assoient pour jouer »,

montrant aussi les limites de l’approche « interractionniste ».

Un biais plus habituel est lié à l’influence de l’enquêteur, contrôlée ou non et pouvant différer d’un groupe d’acteur à un autre (Bergsten et Zetterberg 2013). Cette influence marque l’interprétation lors de l’analyse.

Un dernier biais est lié au fait que l’analyse s’inscrit dans un instant t donné. Or, les systèmes d’acteurs peuvent être très dynamiques, avec de nombreux mouvements chez les agents de l’Etat ou des collectivités par exemple. Cela rend difficile la prise en compte des évolutions historiques.

Ainsi, les conclusions de la thèse seront nuancées au regard de ces limites.

Outline

Documents relatifs