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Nous distinguons deux principales dimensions à la cohérence interterritoriale des projets de CE, à savoir l’une écologique et l’autre sociétale. La première fait référence à la notion de « paysage » telle que définie par l’écologie du paysage, tandis que la seconde fait référence à la notion de « territoire ». Comme nous l’avons vu précédemment (cf. 2.2), la territorialisation de la TVB oblige à lier le paysage et le territoire. Ainsi l’objectif réside bien dans la relation entre ces deux dimensions écologique et sociétale, sous l’angle de l’organisation cohérente et « durable » de l’espace (« they

are linked by mutual feedback and are interdependant and co-evolutionary », Berkes et Folke 1998).

Dans un premier temps, nous tentons l’exercice de préciser indépendamment les deux dimensions. Cette distinction est utile même si elle est parfois artificielle. Cela nous permet d’étudier les concepts mais c’est bien l’interdépendance entre ces deux dimensions que nous analysons.

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La théorie des jeux a de multiples déclinaisons disciplinaires et fait l’objet de très nombreux travaux et controverses. Les processus de coopération y sont notamment étudiés, en lien avec la gestion des communs. 39 Cf. objectif n°5 de la Stratégie Nationale pour la Biodiversité 2011-2020.

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L’article 2 de la loi précise que les « interactions des écosystèmes, des êtres vivants et des milieux naturels ou aménagés » doivent être prises en compte par les décideurs lorsqu’une « incidence notable sur l’environnement » est identifiée.

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Le consortium « Resilience Alliance », composé de groupes et d’instituts de chercheurs de disciplines variées, assure une collaboration entre ces chercheurs en visant à explorer les dynamiques des systèmes socio- écologiques.

3.1.3.1) Dimension écologique

La dimension écologique est centrale dans la TVB, le premier objectif de la politique étant d’enrayer la perte de biodiversité, en facilitant le déplacement des espèces (non domestiquées par l’humain,

i.e., « sauvages ») de faune et de flore à travers le territoire. L’article L371-1 du code de

l’environnement précise ces objectifs, majoritairement écologiques, à l’exception de « la qualité et la diversité des paysages ».

Dans les orientations nationales TVB « la démarche Trame verte et bleue doit permettre d’inscrire les

décisions d’aménagement du territoire (projets, documents de planification, …) dans une logique de cohérence écologique, intégrant à la fois les réservoirs de biodiversité et les corridors écologiques ».

C’est bien, avant tout, une cohérence écologique des projets de CE qui est recherchée. Toutefois, ici encore, aucune définition n’est donnée pour cette forme de cohérence, pour la TVB.

La notion de « cohérence écologique » est déjà mobilisée dans d’autres cas.

C’est le cas dans la directive européenne « Habitats, Faune, Flore » (92/43/CEE, articles 3 et 10) pour le réseau Natura 2000. L’article 3 de la directive précise que « les Etats membres s’efforcent

d’améliorer la cohérence écologique de Natura 2000 par le maintien, le cas échéant, le

développement des éléments du paysage, mentionnés à l’article 1042, qui revêtent une importance

majeure pour la faune et la flore sauvages ». Toutefois aucune définition n’est apportée ce qui peut

porter à confusion quant aux attendus (Ardron 2008; Leibenath et al. 2005).

C’est aussi le cas dans la Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est (dite « OSPAR », en vigueur depuis 1998) qui fait référence à la cohérence écologique. Elle définit qu’un réseau d’aires marines protégées écologiquement cohérent :

« (i) interacts and supports the wider environment;

(ii) maintains the processes, functions, and structures of the intended protected features

across their natural range;

(iii) functions synergistically as a whole, such that the individual protected sites benefit from

each other to achieve the two objectives above; and

(iv) (additionally) may be designed to be resilient to changing conditions » (Ardron 2008).

(OSPAR 2007) précise que la « cohérence écologique » du réseau répond aux quatre critères suivants : (i) le bien-fondé/viabilité relatif à la superficie, à la forme et à la gestion des aires marines ; (ii) la représentativité des écosystèmes marins qui s’apprécie en termes d’espèces, d’habitats et de processus écologiques et, pour une biodiversité potentielle ou avérée ; (iii) la réplication des caractéristiques des différentes aires marines pour pallier un risque de perte de ces caractéristiques (lié à la gestion par exemple) ; et (iv) la connectivité via l’analyse de la distance entre les aires marines, de leur distribution dans l’espace.

Nous nous appuierons sur cette définition de la cohérence écologique donnée par l’OSPAR.

Par ailleurs, da façon plus globale, la cohérence écologique s’appuie sur les trois caractéristiques de la biodiversité généralement reconnues, dans une perspective écocentrée d’appréciation de l’espace : (i) la structure des habitats via la superficie, la forme, les strates de végétation, etc. ; (ii) leur composition en termes d’espèces, d’habitats et de processus écologiques et (iii) leur fonction,

i.e., le repos, la reproduction, le nourrissage, le déplacements (Noss 1990; Burel et Baudry 1999). Les

quatre critères de l’OSPAR rejoignent ces trois caractéristiques. Les trois premiers critères concernent surtout la structure et la composition du réseau et, le dernier critère est plus porté sur la fonction.

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« Ces éléments sont ceux qui, de par leur structure linéaire et continue (tels que les rivières avec leurs berges ou les systèmes traditionnels de délimitation des champs) ou leur rôle de relais (tels que les étangs ou les petits bois), sont essentiels à la migration, à la distribution géographique et à l’échange génétique d’espèces sauvages » (article 10, directive européenne 92/43/CEE du 21 mai 1992).

Enfin, la dimension écologique s’apprécie à diverses échelles spatiale, temporelle (dynamique des écosystèmes dans un contexte de changements globaux, historique et saisonnale) et d’organisation du vivant (du gène à l’écosystème.

3.1.3.2) Dimension sociétale

La dimension sociétale est liée aux deux autres piliers du développement durable, à savoir les dimensions économiques et sociales des projets de CE. Dans les orientations nationales TVB, les objectifs de la TVB sont élargis aux enjeux sociétaux des CE. Ainsi, la TVB doit également assurer la fourniture des services écologiques, prendre en compte les activités humaines ou encore améliorer le cadre de vie des habitants.

En parallèle à la dimension écologique, de manière symétrique, dans une perspective anthropocentrée d’appréciation de l’espace, nous proposons d’apprécier la cohérence sociétale sur les trois caractéristiques suivantes des territoires : (i) la structure via l’occupation du sol et le foncier privé/public ; (ii) la composition via les acteurs du territoire, les groupes d’acteurs, les institutions ; et (iii) la fonction via les activités humaines, les projets des territoires, le bien être de l’humain et les règles.

Enfin, la dimension sociétale s’apprécie à diverses échelles spatiale, temporelle (agendas politiques, évolutions juridiques, historique) et d’organisation des sociétés (culture, activités).

3.1.3.3) Des liens indissociables : l’enjeu de l’organisation de l’espace

Les deux dimensions écologique et sociétale sont indissociables dans le cadre d’un développement durable des territoires et d’une organisation « durable » de l’espace.

Pour faciliter le lien entre les deux dimensions et en lien avec les cadres d’analyse présentés précédemment (Ostrom 2009; Díaz et al. 2015; Lescourret et al. 2015), nous pensons que (i) la multifonctionnalité des espaces et le terme de « services écosystémiques » permettent une meilleure acceptation sociétale des choix pour les CE (Potschin et Haines-Young 2011, 2016) et que (ii) les processus de gouvernance permettent d’organiser le dialogue nécessaire entre les acteurs (Rey-Valette et al. 2011).

a) Multifonctionnalité et services écosystémiques

La notion de multifonctionnalité des espaces, telle que nous l’entendons, est directement liée à celle de « durabilité », combinant des fonctions économiques, sociales et écologiques. Ces fonctions font référence au rôle joué par les CE (ou qui leur est attribué par les acteurs) sur un territoire donné. Les fonctions ne sont pas exclusives et c’est une complémentarité, une synergie de ces fonctions qui est privilégiée, c’est-à-dire leur renforcement mutuel, sans qu’une fonction ne dégrade la capacité à être de l’autre. La multifonctionnalité d’un espace concerne les interrelations entre les différentes fonctions de cet espace, interrelations souvent complexes, mal connues, mal comprises, dépendantes de chaque contexte et qui sont sources d’externalités à caractériser (i.e., impacts positifs ou négatifs) (TEEB 2010; Groupe de travail sur la multifonctionnalité des territoires ruraux 2011; Gonzalez-Redin et al. 2016; Potschin et Haines-Young 2016).

La multifonctionnalité est étudiée dans de nombreux domaines. Elle a été particulièrement mise en avant dans le domaine agricole dans les années 1990. Elle a participé à la structuration des débats sur les politiques agricoles (fonction de production, mais aussi d’emploi rural, de protection de l’environnement, de sécurité alimentaire, etc., i.e., « considérations autres que d’ordre commercial »- NTC) (Bonnal, Bonin, et Aznar 2012). Par exemple, l’agroforesterie permet de tirer parti des fonctions de régulation écologique pour favoriser la fonction de production agricole. La multifonctionnalité forestière est également soulignée par les institutions pour guider les politiques sylvicoles (Gonzalez- Redin et al. 2016). Elle est moins étudiée dans les espaces végétalisés urbains (Selmi, Weber, et Mehdi 2013).

Dans une perspective d’aménagement « durable » du territoire, la multifonctionnalité des espaces est un des principes clés des ecological network et des green infrastructure en Europe et en Asie (Ahern 2002; Bennett 2003; Benedict et McMahon 2006; Jongman et al. 2011; Hansen et Pauleit 2014). Les mosaïques d’habitats semi-naturels qui constituent ces territoires, habitats souvent de superficie réduite et majoritairement privés, favorisent une approche multifonctionnelle (Ahern 2011).

En outre, la multifonctionnalité est associée aux travaux sur les « services écosystémiques ». La thèse abordera cette question mais sans se limiter aux seuls « services » qui ne privilégient que la valeur « instrumentale » des ressources naturelles (Jax 201643), du capital naturel (Costanza 2016). Les services écosystémiques font référence au bien-être humain « durable » et aux bénéfices directs et indirects que retirent les humains des écosystèmes44 (Costanza et al. 1997; MEA 2005; Boyd et Banzhaf 2007; de Groot, Wilson, et Boumans 2002; de Groot et al. 2010). Costanza (2016) précise que « ecosystem services thus refer to the relative contribution of natural capital to the production of

various human benefits, in combination with the three other forms of capital [i.e., built, human and

social capital]”. Différentes typologies des services ont été proposées (MEA 2005; TEEB 2010).

Common International Classification of Ecosystem Services (CICES) est une des récentes classifications

hiérarchiques actuellement utilisées par la communauté scientifique. Trois grands types de services sont déclinés, à savoir ceux (i) de provision (nourriture, énergie, matériel), (ii) de régulation et d’entretien (conditions physiques, chimiques, biologiques) et (iii) culturels (expérience intellectuelle, spiritualité, etc.) (Potschin et Haines-Young 2016). La communauté scientifique s’intéresse désormais également aux services que rendent les sociétés aux écosystèmes.

Mais, dans un modèle « en cascade », outre les seuls « services », les « processus-structures biophysiques » et les « fonctions écologiques » d’un écosystème sont distinguées des « services écosystémiques » puis des « bénéfices » qu’en retirent les humains et enfin des « valeurs » (monétaires ou non) (de Groot et al. 2010; Potschin et Haines-Young 2011, 2016). Ainsi, Hansen et Pauleit (2014), dans le cadre qu’ils proposent pour évaluer la multifonctionnalité, distinguent la dimension écologique de la dimensio n sociétale. La dimension écologique regroupe les processus, les structures biophysiques et les fonctions écologiques45 ; la dimension sociétale concerne les services écosystémiques puis les bénéfices rendus, dans une perspective de bien être humain « durable ».

Ainsi, nous considérons dans cette thèse que les fonctions d’un espace sont relatives (i) à la capacité d’un espace à assurer ses processus et ses fonctions écologiques (dimension écologique, valeur intrinsèque et instrumentale) et (ii) à la capacité d’un espace à fournir des bénéfices et des services aux sociétés46 (dimension sociétale, valeur instrumentale) (MEA 2005; Willemen et al. 2010; Bastian, Haase, et Grunewald 2012; Potschin et al. 2016). Nous privilégions la notion de « multifonctionnalité » pour synthétiser ces deux points, croisant, d’une part, les valeurs

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“What is not covered by ecosystem services, however, are intrinsic values […] The values embraced in ecosystem services protection and in biodiversity conservation certainly have a high overlap but do not completely coincide” (Jax 2016).

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L’évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques (EFESE) a choisi de concentrer l’évaluation des avantages retirés du fonctionnement des écosystèmes autour de cinq composantes : (i) les besoins économiques, (ii) la santé, (iii) les relations sociales, (iv) le cadre de vie, (v) le besoin de sécurité, physique et économique.

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“Ecosystem functions measured in empirical studies are generally components of biomass or should be related to abundance (e.g.,root biomass, aboveground biomass, plant nitrogen, soil carbon, light at ground level”(Thompson et Gonzalez 2016).

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Par exemple, Willemen et al. (2010) ont concentré leurs travaux sur sept fonctions qui sont « residential, intensive levestock, cultural heritage, tourism, plant habitat, arable production, and leisure cycing ».

intrinsèque et instrumentale des écosystèmes et, d’autre part, les fonctions écologiques, les services et les bénéfices47.

En liant dimensions écologique et sociétale, nous pensons que la multifonctionnalité des CE améliore l’acceptation sociétale des choix de ces CE, en resituant la fonction de préservation de la biodiversité parmi les autres fonctions/services48, sous l’angle de la demande sociétale pour les espaces de CE (économiques et sociétales, i.e., de loisir, de production, etc.). La fonction de préservation de la biodiversité est la fonction privilégiée dans le cadre des CE. La multifonctionnalité met en évidence les potentialités et les opportunités qu’offrent les espaces de CE pour l’accueil d’usages variés. Cela doit permettre d’harmoniser les relations entre les acteurs des territoires, de favoriser une vision partagée de l’interdépendance des différentes fonctions des espaces de CE.

Toutefois, certains auteurs remmetent en cause le paradigme intégratif. Les aspirations économiques des sociétés, en lien avec les aléas politiques, pourraient être incompatibles avec un usage « durable » des ressources, en tant que « bien commun » (Oates 1995; Rodary, Castellanet, et Rossi 2003; Berkes 2004). A l’occasion du projet de loi « Biodiversité » de 2016, un débat a ainsi concerné le principe de complémentarité entre l’environnement, l’agriculture, l’aquaculture et la gestion « durable » des forêts instauré dans le code rural. N’importe quelle activité agricole, aquacole ou sylvicole peut- elle être « complémentaire » de la préservation des CE ? Le principe a été maintenu, sans distinction des types de pratiques, dans la loi finalement adoptée (article 2). D’importants travaux sont menés sur les questions de compromis (trade-offs) et de complémentarité (bundle) entre services écosystémiques (Chan et al. 2011; Gonzalez-Redin et al. 2016; Potschin et al. 2016). La multifonctionnalité est une notion souvent ambigüe. Bonnal, Bonin, et Aznar (2012) mettent en avant de nombreuses ambiguïtés pour la multifonctionnalité de l’activité agricole, quant à la définition de (i) son objectif, de (ii) son objet (l’espace rural ou l’exploitation agricole, etc.), de (iii) ses méthodes pour appuyer les acteurs et de (iv) ses différents enjeux politiques.

Une autre critique concerne l’argumentaire utilitariste de la multifonctionnalité, via les services écosystémiques (cf. initiative TEEB « The Economics of Ecosystems and Biodiversity »). Toutefois, bien que cette approche utilitariste voire monétariste (Chevassus-au-Louis et al. 2009) de « la biodiversité qui sert l’humain » fasse l’objet de débats au sein de la communauté scientifique49, les acteurs politiques l'utilisent fréquemment voire systématiquement dans leurs discours et donc dans leurs projets de territoire (Diehl, Burkhard, et Jacob 2016). Les services écosystémiques sont « a

stakeholder-driven concept » (Koschke et al. 2014), notion simple et intuitive a priori (Lavorel, Bierry,

et Crouzat 2016) et plus globalement la notion de multifonctionnalité.

Entre monofonctionnalité (ségrégation) et multifonctionnalité (intégration) des CE, la fonction de préservation de la biodiversité doit pouvoir être reconnue pour une organisation cohérente de l’espace.

b) Processus de gouvernance

Le concept de gouvernance fait référence aux processus qui organisent le dialogue entre les acteurs aux intérêts et valeurs divers et permettent d’appréhender l’intérêt général, a minima l’intérêt des participants, en tant qu’intérêt « collectif co-construit et contextualisé » (Rey-Valette et al. 2011). Ces processus permettent de partager une vision de l’organisation de l’espace, en tant que bien

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Selmi, Weber, et Mehdi (2013) préfèrent eux la notion de « multi-services » à celle de « multi-fonctions »

pour les espaces végétalisés urbains, mais avec un positionnement essentiellement « anthropocentré » (lié au milieu urbain en lui-même).

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Pour la dimension sociétale, comme pour celle écologique, nous préférerons dans la suite du texte la notion de « fonction » et non celle de « service ». Ceci pour faire référence à la notion de « multifonctionnalité » des CE. Il est toutefois entendu que les « fonctions » économiques et sociétales sont directement liées à la demande sociétale et donc aux services écosystémiques, puis bénéfices pour les humains.

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Par exemple, Mathevet et al. (2016)distinguent la solidarité écologique de la gestion environnementale traditionnelle en préférant « a broader perception of ecosystem services that incorporates more pluralistic approaches, deeper non-use values, and cultural dimensions ».

commun. Ils doivent aussi permettre de résoudre les problèmes complexes comme ceux traités ici. Les liens sociaux sont une des variables explicatives reconnues de la performance des projets via en particulier une meilleure circulation des données, informations et connaissances (Angeon et Bertrand 2009). Dans ces processus, le rôle des acteurs leader est essentiel.

Dans la thèse, nous privilégions la notion de « gouvernance territoriale », qui est comprise comme « un processus dynamique de coordination entre des acteurs publics et privés aux identités multiples

et aux ressources [au sens large : pouvoirs, relations, savoirs, statuts, capitaux financiers] asymétriques autour d’enjeux territorialisés (i) visant la construction collective d’objectifs et d’actions en (ii) mettant en œuvre des dispositifs [agencement des procédures, des mesures, des connaissances, des savoir-faire et informations] multiples qui reposent sur des apprentissages collectifs et participent

des innovations institutionnelles et organisationnelles au sein des territoires »(Rey-Valette et al.

2011).

Définie par Gaudin (1998 in Rey-Valette et al. 2010) comme un « processus de coordination multi

niveaux et multipolaires », la gouvernance territoriale fait de la participation un principe central

(Blondiaux et Fourniau 2011), indissociable du pilotage qui est essentiel pour une démarche intégrée et transversale entre les territoires (Rey-Valette et al. 2011).

L’importance d’associer l’ensemble des personnes pouvant être concernées par le sujet est à souligner afin d’éviter des sentiments d’exclusion pouvant, à terme, générer des situations de blocage. Toutefois, Alban et Lewis (2005) soulignent la difficulté à réunir les acteurs de manière efficace et efficiente dans le cadre de programmes environnementaux (Tonneau 2008). Plusieurs facteurs expliquent cette difficulté : des réactions variées voire antagonistes face à des cultures différentes (acteurs plus pragmatiques versus d’autres plus théoriques), des intérêts variés voire divergents, une culture politique française peu favorable à la concertation (méfiance, individualisme, opportunisme) ou encore la multiplication des instances de concertation (Alban et Lewis 2005; Therville 2013). La participation, dans le cadre d’une politique de démocratie participative50, n’empêche pas mais permet d’expliciter les conflits (Torre et al. 2010) qui sont l’expression des confrontations d’intérêts et de valeurs des acteurs.

Par ailleurs, les acteurs sollicités peuvent avoir des poids différents (ressources matérielles, symboliques, organisationnelles, positionnement stratégique, statut social) dans la décision politique finale (Gumuchian et al. 2003; Cormier 2011). Les attentes très fortes font que les écueils liés à la gouvernance territoriale sont souvent sous-estimés : une participation limitée, des limites matérielles, un manque de lisibilité, etc. (Rey-Valette et al. 2011).Nous considérons que l’égalité et la symétrie des acteurs est une illusion. La participation des acteurs est imparfaite. Rey-Valette et al.

(2011) pointent trois principaux risques, (i) celui de réserver la participation aux questions de moindre enjeu, (ii) celui de l’absence de certaines catégories d’acteurs et (iii) celui de lobbying et d’émergence de groupes.

Enfin, différents niveaux de participation sont généralement identifiés en fonction de l’investissement demandé aux acteurs qui peut être « contractuel », « consultatif », « collaboratif » ou « collégial » (Biggs 1989). Selon la Commission Nationale du Débat Public l’information, la consultation, la concertation et la conciliation sont distingués. La concertation est privilégiée pour la TVB (via notamment les Comités régionaux TVB). La concertation peut se définir comme « les

processus et procédures qui passent par, ou visent à, une participation du public, d’acteurs de la société civile ou d’acteurs institutionnels aux processus de décision. Entrent dans son champ les consultations, enquêtes publiques, instructions mixtes, débats publics, conférences de citoyens,

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Bévort (2002) note que « la démocratie participative est non seulement un idéal politique moderne, mais

aussi un modèle performant. [...] La participation constitue la modalité la plus efficace pour l’intégration de tous ceux qui forment la communauté politique. La reconnaissance de la voix de chacun est le premier élément de la solidarité qui permet à la communauté d’agir ensuite efficacement pour le bien de tous. [...] Ce n’est pas l’utopie d’une démocratie directe, ni celle d’une société sans conflits, mais l’utopie d’une communauté qui n’abandonne pas son autonomie entre les mains de ceux qu’elle désigne pour les représenter ».

négociations associées aux processus de décision, dispositifs de discussion électronique, etc. »

(Programme de recherche concertation-décision-environnement, www.concertation- environnement.fr). Beuret et Cadoret (2008)ajoutent que la concertation est « l’espace public dans

lequel des acteurs tentent de s’entendre sur des règles ou des actions visant à gérer «un bien soumis

à des usages multiples et parfois concurrents, en fonction d’une volonté commune». Pour Beuret

(2012) c’est « un exercice de créativité, visant à construire une intelligence collective de situations

données, puis à l’exploiter pour innover ».

La littérature existante sur les avantages et limites de la gouvernance territoriale et des processus de participation des acteurs s’étoffe (Reed 2008) et est alimentée par de multiples retours d’expérience.

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