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Séquence 01 : Histoires d’amours impossibles

CHAPITRE VI : DEPLIAGE DE L’INTERVENTION

I. Séquence 01 : Histoires d’amours impossibles

La première séquence de notre dispositif s’intitule « Histoires d’amour impossible ». Le choix d’une telle thématique prend en considération le thème de lecture préféré des sujets interrogés, à savoir l’amour, déclaré à travers leurs réponses au questionnaire enregistré au début d’année universitaire. Ainsi, la présente séquence porte sur un ensemble de séances ayant comme objet d’étude le roman et vise prioritairement la familiarisation des étudiants avec ce genre et le développement de leurs performances en matière de lecture et d’interprétation des textes littéraires.

Les objectifs étant bien déterminés, nous avons veillé à sélectionner des supports qui répondent aux critères fixés préalablement tels que le respect du genre narratif

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abordé (le roman) et l’inscription des supports dans la thématique pour constituer une source probable de motivation des étudiants.

Le tableau ci-dessous présente, de façon récapitulative, les étapes constitutives de la première séquence suivi d’explications sur le contenu de chacune de ses étapes.

Séquence 01 Histoires d’amour impossible

Etape 01

Cours magistraux Travaux dirigés

Groupe expérimental Groupe témoin Cours 01

Définition et caractéristiques du roman

Compréhension de l’écrit d’un extrait de Madame

Bovary de Gustave

Flaubert

Séance 01 : lecture d’un

extrait de Madame

Bovay de Gustave

Flaubert

Séance 02 : lecture d’un

extrait de Ce que le jour

doit à la nuit de Yamina

Khadra

Séance 03 : lecture d’un

extrait des Lettres

persanes de

Montesquieu

Séance 04 : lecture de

l’incipit de l’Etranger d’Albert Camus

Séance 05 : lecture d’un

extrait de Don Quichotte de Cervantès

Séance 06 : lecture d’un

extrait de Mort sur le

Nil d’Agatha Christie

Etape 02

Cours 02

Aperçu historique sur l’évolution du roman

Spectature du film Ce que

le jour doit à la nuit

Etape 03

Cours 03

Les sous-genres du roman

Atelier d’écriture : rédiger l’incipit du roman L’Amant de Marguerite Duras Etape 04 Cours 04 Outils méthodologiques d’analyse du roman Cercles de lecture

Etape 05 Evaluation Extrait de la Nouvelle Héloïse de Rousseau

Volume horaire

16,5 heures pour chaque groupe

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I.1. Première étape

La première étape s’ouvre par un cours consacré à définir le roman sur le plan linguistique et littéraire avec une brève présentation de quelques unes de ses caractéristiques intrinsèques afin d’initier les étudiants à ce genre et de les préparer à la lecture d’extraits et d’œuvres romanesques qui s’ensuivra.

A la suite de ce cours, le premier texte proposé aux étudiants du groupe expérimental lors de la séance des travaux dirigés, est extrait du roman réaliste Madame Bovary de Gustave Flaubert qui sert de support à la compréhension de l’écrit. Il traite un thème jugé scandaleux par la critique littéraire à l’époque de son apparition ; il s’agit de l’adultère. L’extrait décrit une des journées monotones d’Emma qui désire contracter d’autres relations amoureuses avec des hommes plus attrayants. Le texte est, d’un point de vue didactique, résistant puisqu’il soulève des questionnements inhérents aux comportements de la protagoniste sans pour autant donner des réponses définitives concernant ses choix et ses motivations. Il s’ouvrirait donc à des interprétations multiples et favoriserait de nombreuses interactions entre les lecteurs.

Cette activité se fixe comme objectif primordial d’inciter les participants à s’impliquer dans un débat littéraire en exprimant leurs points de vue étayés par des arguments pertinents. Pour ce faire, la séance s’est déroulée suivant plusieurs étapes ; elle a été d’abord amorcée par un éveil d’intérêt en abordant sommairement les caractéristiques du roman réaliste du XIXe siècle afin de situer l’œuvre de Flaubert dans son contexte sociohistorique et dans le courant littéraire auquel elle appartient. Ensuite, il a été question d’une lecture paratextuelle dont l’objectif est d’émettre des hypothèses de sens sur l’idée générale du texte. Afin de confirmer ou d’infirmer les hypothèses émises, une lecture magistrale a été faite par quelques étudiants. Après avoir assuré que ces derniers ont pu identifier le thème du texte, ils ont été répartis en petits groupes (de quatre ou cinq) pour répondre à la question centrale du débat énoncée en ces termes : comment justifiez-vous le comportement d’Emma Bovary et quelles sont, d’après vous, les raisons qui l’ont poussée à la trahison ?

La consigne qui accompagne cette tâche consiste à confronter les différentes opinions du groupe et d’en faire une synthèse à transmettre aux autres. La séance s’est achevée avec un débat dans lequel une confrontation collective des prises de position a été faite. En fait, ce débat a été réalisé en fonction de trois niveaux distincts :

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Le premier niveau est de nature explicative. Il concerne des données explicites et vise la résolution de problèmes de compréhension en apportant des éclairages sur quelques lieux de résistance du texte qui sont à l’origine d’emploi de vocabulaire ou de structures syntaxiques difficiles à comprendre. A titre indicatif, les étudiants se sont interrogés au début du débat sur la signification de certains mots et expressions comme le saut de loup, battre le briquet, levrette d’Italie, la hêtré de Banville , les digitales, les ravenelles, …

Le deuxième niveau, qui porte sur les implicites du texte, est relatif aux motivations des personnages et aux mobiles de leurs agissements. C’est à ce stade que les étudiants se sont échangés leurs avis sur la question centrale du débat. Ils ont tenté de trouver des justifications aux attitudes de rejet du mari par Emma Bovary et de son envie de tisser des liens avec d’autres hommes. Nous citons quelques unes des propositions interprétatives recueillies :

- Emma regrette d’être mariée à un homme qu’elle n’aime pas : « Pourquoi,

mon Dieu ! me suis-je mariée ? »

- La trahison pourrait être le résultat du changement du comportement du mari qui n’est plus affectueux envers sa femme : « Ses expansions étaient

devenues régulières ; il l'embrassait à de certaines heures. C'était une habitude parmi les autres, et comme un dessert prévu d'avance, après la monotonie du dîner ».

- Elle ne trouve pas chez son mari les caractéristiques de son homme idéal : « Il aurait pu être beau, spirituel, distingué, attirant, tels qu'ils étaient sans

doute, ceux qu'avaient épousés ses anciennes camarades du couvent ».

Ces exemples justifient quelques hypothèses émises par les étudiants qui s’appuient toujours sur des indices textuels ayant des valeurs d’arguments pour étayer leurs thèses.

Enfin, le troisième niveau a fait surgir une autre question qui a été l’objet d’un débat d’idée sur la valeur du texte et sur les représentations des lecteurs à propos du comportement d’Emma Bovary. Ils étaient sollicités à donner leurs avis sur ses actes en répondant cette question : Que pensez-vous de l’attitude d’Emma ? Cette interrogation qui fait appel à la réflexion individuelle et collective des étudiants a divisé le groupe classe entre ceux qui ont approuvé son acte en raison de sa liberté de chercher son

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bonheur et ceux qui la condamnent vu ses devoirs envers son époux et la possibilité de divorcer d’avec lui en cas d’absence d’amour dans leur vie conjugale.

Le même support était soumis aux étudiants du groupe témoin pour en faire la lecture mais la pratique enseignante était différente ; le texte est accompagné d’un questionnaire d’aide à la compréhension auquel les lecteurs répondent, dans un premier temps individuellement, puis collectivement en notant au tableau les réponses correctes.

I.2. Deuxième étape

La deuxième étape comprend un cours théorique sur l’évolution historique du roman dès le Moyen-âge jusqu’au XXème siècle. Il est notamment question de retracer succinctement les périodes qui ont marqué la naissance et la transformation du genre.

Dans la deuxième séance de cette étape, il a été proposé aux étudiants de regarder l’adaptation cinématographique du roman de Yasmina Khadra (2011) Ce que le jour

doit à la nuit réalisé par Alexandre Arcady. Le film raconte une histoire d’amour, sur

fond de guerre, entre l’Arabe Younes et la Française Emilie. Leur amour s’est heurté à une promesse que le jeune garçon a tenu à la mère de sa bien-aimée consistant à ne jamais s’approcher de sa fille étant donné qu’il a déjà vécu une aventure avec la mère.

Le choix du film s’est imposé en raison de son adéquation aux critères suivants : il aborde une thématique riche culturellement et susceptible de susciter les réactions des récepteurs. Il manifeste aussi un rapprochement culturel et une proximité sociohistorique par rapport à l’étudiant algérien vu le contexte de guerre de libération nationale qui constitue le théâtre du déroulement de la trame romanesque.

Nous avons privilégié une approche subjective de la spectature. A cet effet, nous avons conçu un questionnaire qui incite les étudiants à réagir aux sollicitations de l’œuvre par l’expression de leurs sentiments, émotions et jugements de valeurs. Il s’agit, en fait, de mettre en valeur l’activité fictionnalisante des spectateurs à qui l’on demande de relever les aspects et les scènes les plus touchants pour eux. Cela est important dans le sens où nous avons pu déterminer les différents lieux d’implication et/ou de répulsion des spectateurs vis-à-vis du film projeté en classe. De même, nous avons encouragé leurs réactions axiologiques à travers des questions qui portent sur les motivations des personnages en jugeant leurs actions et attitudes.

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Après la spectature du film, nous avons tenu une séance de discussion au cours de laquelle les questions du questionnaire ont été reprises dans l’objectif de donner l’occasion aux apprenants de verbaliser leurs réponses, de les expliquer ou de les compléter en les confrontant à celles de leurs camarades.

Vu que la projection du film s’est réalisée sur deux séances, le groupe témoin avait deux supports à lire ; un extrait du roman de Yasmina Khadra Ce que le jour doit à

la nuit et un autre de Montesquieu tiré de son roman épistolaire Lettres persanes.

I.3. Troisième étape

Cette troisième étape aborde, dans le cours, les différentes formes du roman au XXème siècle telles que le roman policier, le roman de science-fiction ainsi que le Nouveau Roman. Ce cours aide les étudiants à identifier les sous-genres du roman sur la base de leurs caractéristiques distinctives.

Parallèlement, une séance a été consacrée pour organiser des ateliers d’écriture dont l’objectif est la rédaction de la première page du roman L’Amant de Marguerite Duras à partir des premières lignes de l’incipit. L’œuvre de l’écrivaine est un récit aux traits autobiographiques qui reprend un épisode intime de son enfance en Indochine française. Elle révèle aux lecteurs sa rencontre avec un jeune banquier chinois très riche qui tombe éperdument amoureux d’elle et avec qui elle découvre petit à petit les premiers émois d’amour. Cependant, son retour en France met fin à une histoire passionnelle tourmentée dès le début par des oppositions de toutes parts : les familles des deux amoureux et la société coloniale opposée à toute union entre Asiatiques et Européens.

La modalité de travail que nous avons adoptée s’appuie d’abord sur la constitution de groupes binômes d’étudiants qui disposent de l’incipit en question. Ensuite, nous avons procédé à sa lecture et à son explication ; durant ce moment, les étudiants ont formulé des hypothèses de sens à partir du titre et de la source. La tâche à réaliser exige à ce que chaque binôme rédige un court paragraphe pour compléter le déroulement des évènements à partir de l’écrit précédent et de passer la feuille au binôme suivant (assis derrière) qui fera de même. Au final, chaque rangée de la classe aurait une suite particulière de l’histoire. La séance s’achève par la lecture des différentes versions avec

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des explications et des débats à propos des raisons qui motivent les différents choix d’écriture.

Comme aucune activité scripturale n’était programmée pour le groupe témoin, nous avons proposé à ses étudiants de lire la première page de l’Etranger d’Albert Camus afin qu’ils puissent découvrir l’enjeu et l’intérêt de l’incipit dans la lecture d’un roman. Des questions de compréhension les ont guidés tout au long de la séance.

I.4. Quatrième étape

Dans un premier temps, un cours sur les outils méthodologiques d’analyse du roman a été dispensé aux étudiants. Plus spécifiquement, on a abordé des notions sur l’analyse du paratexte, de la vitesse, de l’ordre, de la fréquence de la narration, de la spatialité, des personnages et de la focalisation.

La prochaine séance est l’occasion d’organiser des cercles de lecture dont la consigne de leur préparation a été communiquée au début de la séquence. En effet, il a été demandé aux étudiants de se regrouper en sous-groupe de cinq ou six en fonction de leur désir de lire le même roman : c’est donc le choix de l’œuvre qui guide la constitution des groupes et qui est le seul critère important pour éviter tout regroupement basé sur les affinités. Nous avons aussi veillé à ce que les groupes formés soient hétérogènes.

Une fois ces groupes constitués, une période d’un mois a été fixée pour achever la lecture et pour tenir régulièrement des séances de travail. Nous avons œuvré pour que les étudiants se réunissent à plusieurs reprises afin de se préparer à la présentation finale et d’assurer un va-et-vient permanent entre lecture et discussion. L’objectif de ces séances consiste aussi à s’attribuer des rôles utiles pour la tenue de son carnet de lecture servant de support lors de la discussion. A cet effet, des fiches indiquant ce que doit faire chaque étudiant ont été distribué aux groupes. Les rôles à jouer sont les suivants :

- Animateur : il prépare des questions autour desquelles tourne la discussion. Il

essaye d’aider ses camarades à verbaliser leurs réactions.

- Maitre des passages : il choisit des passages de l’œuvre qu’il souhaite lire à

son groupe pour en discuter ensemble.

- Maitre des liens : il cherche des liens entre le livre lu et la vie réelle ou

181 - Maitre des mots : il collecte des mots qui lui paraissent importants, nouveaux

ou inhabituels et propose à ses camarades d’apporter leurs explications personnelles.

- Illustrateur : il dessine des images se rapportant au texte. Les autres membres

du groupe tentent d’interpréter les dessins et de les relier aux idées développées par l’auteur.

Nous tenons à ajouter que ces rôles sont transitoires car les participants peuvent les abandonner à tout moment si la discussion l’exige en s’attribuant d’autres tâches. L’objectif primordial est d’apprendre à parler et le rôle n’est qu’un prétexte pour inciter l’étudiant à prendre la parole. Les objectifs assignés à ces cercles peuvent se résumer en quelques points essentiels :

- Echanger verbalement à propos d’une œuvre littéraire

- Apprendre à réagir aux textes littéraires

- Savoir s’interroger et poser des questions pertinentes à ses camarades.

La dernière étape de la mise en œuvre des différents cercles de lecture permet à chaque groupe de mener ses discussions devant toute la classe. Le tableau suivant présente les travaux présentés avec les intitulés des œuvres choisies ;

Cercles Œuvres choisies

Cercle 1 Ce que le jour doit à la nuit de Yasmina Khadra

Cercle 2 Le petit chose d’Alphonse Daudet

Cercle 3 L’Etranger d’Albert Camus

Cercle 4 Le Zahir de Paulo Coelho

Cercle 5 Où on va, papa ? de Jean Louis Fournier

Cercle 6 Cousine K de Yasmina Khadra

Tableau 08. Cercles de lecture

Pour faciliter le bon déroulement de ces cercles, la disposition des chaises était sous forme d’une table ronde favorisant la prise de parole à tour de rôle et l’échange entre les participants. Chaque cercle a duré entre quinze et vingt minutes suivies par quelques moments accordés aux membres des autres groupes pour poser leurs questions et exprimer leurs appréciations concernant le travail présenté.

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Puisque la tenue des cercles de lecture s’est étalée sur deux séances successives, les étudiants du second groupe avaient deux extraits à lire pendant cette phase ; le premier est tiré de Don Quichotte de Cervantès et le deuxième est extrait du roman policier d’Agatha Christie intitulé Mort sur le Nil.

I.5. Cinquième étape

Au terme de la première séquence, les acquis des étudiants sont évalués à travers un sujet de lecture élaboré à partir d’un extrait de l’œuvre La Nouvelle Héloïse de Jean Jacques Rousseau. Le roman est du genre épistolaire et se lit comme le reflet d’une passion douloureuse proscrite par les contraintes sociales. En effet, l’amour exaltant entre le jeune roturier Saint-Preux et son élève Julie d’Estanges devenue Madame Wolmar après être forcée d’épouser un homme de sa condition. L’extrait met en scène une rencontre discrète entre les deux amants qui se voient au bord d’un lac après une longue période d’absence. Le romancier les décrit accablés par la mélancolie et frappés d’un chagrin insurmontable.

Le sujet d’évaluation se compose d’un ensemble de questions axées sur la compréhension pour le groupe témoin et sur l’interprétation et l’appréciation pour le deuxième. Nous présentons dans le tableau ci-dessous les deux questionnaires accompagnant le texte.

Questionnaire du groupe témoin Questionnaire du groupe expérimental

1. Trouver l’auteur, le siècle et le sous-genre du texte.

2. Identifier la catégorie du titre du texte 3. Etudier la spatialité dans l’extrait. 4. Identifier l’ordre narratif de l’histoire 5. Chercher les états d’âme de Saint-Preux 6. Etudier la fréquence d’un évènement. 7. Résumer le texte

1. Trouver l’auteur, le siècle et le sous-genre du texte.

2. L’idée générale du texte

3. Juger les attitudes des personnages

4. L’effet de l’ordre de narration sur le lecteur 5. Exprimer ses sentiments vis-à-vis de Saint-Preux 6. Relever l’extrait le plus aimé

7. Trouver un texte en lien avec l’extrait

8. Réécrire l’histoire en adoptant le point de vue de Julie

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La phase d’évaluation est intéressante dans la mesure où elle nous a permis de tester les acquis des étudiants des deux groupes avant de passer à la deuxième séquence.