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CHAPITRE II : POUR UNE DIDACTIQUE DU RECIT

SEQUENCE NARRATIVE

IV. Eléments narratologiques et enseignement du récit L’enseignement du récit littéraire a traditionnellement pris appui sur ses diverses

IV.3. Les perspectives narratives

La question des perspectives narratives a trait à la manière de raconter et à la façon de délivrer une information au lecteur. Ceci dit, nous pouvons dire que la perspective se rapporte à la vision ou au point de vue qu’adopte le narrateur au cours de sa narration des faits d’un récit. Cette vision désignée souvent par le terme de focalisation « porte sur le fait de percevoir. En effet, il n’existe pas dans les récits de

relation mécanique entre raconter et percevoir ; celui qui perçoit n’est pas nécessairement celui qui raconte et inversement » (Reuter, 1997 : 46).

Une telle citation nous permet déjà de comprendre globalement ce qu’est la perspective ; le narrateur chargé du rôle de raconter la fiction assure une médiation narrative en faisant, de différentes manières, des apparitions dans le récit. Le rôle de médiation pourrait être joué par un ou plusieurs personnages selon les choix narratifs opérés.

La didactique du récit accorde un intérêt particulier à la perspective narrative ; elle a fait toujours l’objet d’enseignement explicite dans les manuels scolaires et dans les programmes pédagogiques. Son approche est importante car elle dévoile la façon dont l’apprenant, en tant que lecteur, perçoit l’histoire étudiée selon un prisme déterminant la nature et la quantité des informations fournies à propos des personnages, de leur univers que l’on peut pénétrer à des degrés divers lors de la lecture. Dans le tableau ci-dessous, nous tenterons de récapituler les différentes distinctions faites par les critiques autour de la question des perspectives et des voix narratives.

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J. Pouillon T. Todorov G. Genette

Vision « par derrière » Narrateur < personnage Focalisation zéro Vision « avec » Narrateur = personnage Focalisation interne Vision « du dehors » Narrateur < personnage Focalisation externe

Tableau 03. Points de vue narratifs

Dans le premier cas (vision par derrière ou focalisation zéro), le narrateur est dit omniscient. Il n’est pas lui-même un personnage car il est extérieur à l’histoire, mais il est capable de fournir des informations qu’aucun des personnages n’en peut donner. Il se caractérise par sa maitrise totale des faits survenus dans des endroits et des moments divers (passé, présent et même futur) et par sa parfaite connaissance de la psychologie des personnages, de leurs pensées et de leurs sentiments.

Dans le deuxième cas (vision avec ou focalisation interne), le narrateur s’identifie à un personnage et fournit uniquement les informations que celui-ci pourrait fournir. Cette vision permet de comprendre la psychologie du personnage, ses perceptions, ses pensées et ses sentiments. Deux types de focalisations internes sont à distinguer : la focalisation interne fixe, où tout passe par le regard et la conscience d’un seul personnage et la focalisation interne variable où tout se passe par la médiation de plusieurs personnages intervenant successivement au cours des évènements de l’histoire.

Dans le dernier cas (vision du dehors ou focalisation externe), le narrateur est comme un observateur extérieur à l’histoire qui, comme l’œil de caméra, se limite à la description des lieux et des personnages tel un témoin des faits.

Bien que ces trois types de focalisations soient distingués, il est rare qu’un récit opte exclusivement pour l’une ou l’autre vision. Au fil de la narration, le récit présenterait des altérations et des variations de focalisations. Notons enfin que l’entreprise d’une étude complète de ces altérations et de ces variations en classe serait difficile. Cependant nous dirons que « la notion même de perspective se révèle

indispensable pour faire saisir la spécificité de l’art romanesque, ses possibilités narratives aussi, par rapport à la spécificité et aux possibilités de l’art cinématographiques par exemple » (Dumortier et Plazanet, 1980 : 110-111). Ces

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possibilités donneraient lieu à de multiples exercices pour entrainer les apprenants à la manipulation du code narratif en adoptant des postures lecturales et scripturales variées.

Sur la base de ces distinctions, l’analyse du récit soulève une question cruciale inhérente au statut du narrateur. Gérard Genette (1972 : 238-241) l’étudie sous l’angle de deux données à savoir la relation à l’histoire et le niveau narratif. La première donnée s’interroge sur la présence du narrateur en tant que personnage dans l’univers fictionnel et distingue ainsi le narrateur homodiégétique quand il est présent comme personnage dans le récit du narrateur hétérodiégétique lorsqu’il est absent de l’histoire qu’il raconte. Quant à la seconde donnée, elle vise à savoir si le narrateur est l’objet d’un récit fait par un autre narrateur. De ce fait, on distingue le narrateur extradiégétique qui ne fait l’objet d’aucun récit et le narrateur intradiégétique qui constitue l’objet d’un autre récit.

V. Elaboration de plan de formation pour lire le récit

Puisque toute action pédagogique est régentée par des programmes disciplinaires ordonnés à des objectifs et à des compétences, il serait intéressant que ces programmes soient concrétisés par le truchement de plans de formation élaborés à l’intention d’un public d’apprenant précis. Dans notre contexte de recherche orienté vers la didactisation de la lecture littéraire des récits, un plan de formation doit tenir compte de deux conditions majeures : les savoirs en narratologie et leur transposition didactique, faute de quoi la formation des enseignants ne serait pas suffisamment étayée comme l’atteste Jean-Louis Dumortier (2001 : 270) dans ces propos :

Si l’on n’intègre pas à la formation des maîtres des connaissances issues de la recherche en narratologie, on réduit scandaleusement les chances de faire d’une large majorité d’adolescents des amateurs éclairés de récits fictionnels. On diminue encore ces chances si, par ailleurs, on ne se soucie pas du matériel pédagogique, si on néglige, entre autre, le rôle des bibliothèques d’école et de classe, des manuels, des polycopiés attrayants qui suppléent aux carences de ces derniers.

Pour le chercheur, un plan de formation qui prend en charge les deux conditions susdites doit être établi en fonction des tâches-problèmes qui forment des séquences pédagogiques. Nous reproduirons ici les principales recommandations de Dumoriter en raison de leur caractère pratique et prescriptif. Il est l’un des théoriciens qui ont décortiqué la question de la transposition didactique du récit en prenant appui sur les modèles narratologiques théoriques. La spécificité de ses travaux réside dans la mise en

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œuvre d’approches narratologiques appropriées aux nouvelles pédagogies de l’enseignement des langues.