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CHAPITRE II : POUR UNE DIDACTIQUE DU RECIT

SEQUENCE NARRATIVE

IV. Eléments narratologiques et enseignement du récit L’enseignement du récit littéraire a traditionnellement pris appui sur ses diverses

V.2. La planification de tâches

Elaborer un plan de formation axé sur la lecture littéraire des récits et fondé sur des connaissances empruntées aux différents modèles narratologiques implique, selon Dumortier (2001 : 282-331), que l’on opte pour une pédagogie articulée autour de quatre axes que nous expliquerons à travers les points suivants.

V.2.1. L’identification d’aires de questionnement distinctes

Puisque les tâches de lecture exercées en classe sont souvent associées à des consignes sous forme de questions, il serait intéressant de regrouper ces dernières en des aires de questionnements pour mieux faciliter l’identification des connaissances nouvellement acquises. Ces aires de questionnement sont de trois types :

- Les premières sont les questions relatives à l’histoire survenue dans l’univers fictionnel constitué d’actions dont la compréhension suppose la réponse à ces interrogations : où se déroule l’histoire ? Quand ? Qui sont ses protagonistes ? font-ils quoi (leurs actes) ? Comment ? Dans quel(s) but(s)? Pour quelle(s) raison(s) ? (les motifs) et avec quel résultat ?

- La deuxième aire s’attache aux questions relatives à la communication de cette histoire. Ce questionnement a trait aux deux protagonistes de l’histoire, à savoir l’auteur et le lecteur. Ainsi, les réponses aux questions posées autour de l’écriture du récit, des conditions de sa publication et de sa réception au fil

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du temps réclament à ce que l’apprenant ait suffisamment de connaissances en histoire littéraire. Ceci dit, il est possible de suivre les mêmes questions présentées précédemment mais d’une manière différente : où ? (le cadre sociogéographique de la production et de la réception du récit), quand ?(le cadre sociohistorique), qui ? (renseignements sur l’auteur et le lecteur), quoi ? (l’acte de production et de réception du récit), comment ? (les moyens linguistiques de production et les réactions qu’ils suscitent chez les lecteurs), dans quel but (les intentions d’écriture et de lecture), pour quelle(s) raison(s) ? et quel(s) résultat(s) ? (les conséquences de lecture et d’écriture). - La dernière aire de questionnement est représentée par les questions relatives

à l’intérêt et au plaisir du lecteur du récit. L’objectif de ces questions est d’aider les apprenants à formuler leurs jugements de valeur et de goût. Les axes de questionnements les plus pertinents sont les suivants : où ? (le cadre sociogéographique de la tâche de lecture), quand ?(le cadre sociohistorique de la tâche), qui ? (renseignements sur l’enseignant et l’apprenant), quoi ? (identification de la tâche), comment ? (les moyens pour réaliser la tâche), dans quel(s) but(s) (les motifs à réaliser la tâche), pour quelle(s) raison(s) ? et quel(s) résultat(s) ?

V.2.2. L’élucidation de la notion de séquence pédagogique

Disposer d’une représentation assez limpide des différentes aires de questionnement est un premier pas vers la conceptualisation de tâches-problèmes intégrées à des séquences pédagogiques. L’objectif de celles-ci est d’assurer un passage d’une logique de transmission unilatérale des connaissances (du professeur vers l’élève) à une logique autonome et progressive des apprentissages. Le modèle proposé par Dumortier passe par six étapes successives :

- Définition de la compétence : la première question à se poser avant l’élaboration d’une séquence pédagogique concerne les objectifs spécifiques à déterminer avec précision pour pouvoir mettre en place les tâches de lecture correspondantes.

- Choix du thème : organiser la séquence autour d’un thème précis (récit fantastique ou à thèse par exemple) est, en fait, une opportunité pour l’apprenant afin d’identifier les caractéristiques du genre envisagé, de dégager

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les singularités des textes et d’acquérir des connaissances à réinvestir pour affronter les difficultés que poserait la lecture des récits de même espèce. - Présentation du thème : il est préférable que le thème de la séquence ne soit

pas annoncé explicitement dès le début pour susciter l’enthousiasme de l’apprenant et l’inciter davantage à découvrir de quoi s’agit-il dans la séquence.

- Exemplification de la performance attendue : l’apprenant étant bénéficié d’une exemplification de la performance attendue centrera plus son attention sur les obstacles de réalisation de la tâche. Il faut, pourtant, que l’enseignant réduise au maximum l’exemplification au fil de la séquence pour que le lecteur s’autonomise dans la réalisation des tâches proposées.

- Analyse critique de la tâche : toute tâche de lecture s’analyse, avant qu’elle soit proposée en classe, en fonction de la pertinence de ses questions, de sa contribution dans l’évaluation formative, de la méthode qu’elle implique et de son rapport à l’attitude, c’est-à-dire que l’apprenant aura une attitude favorable à la lecture des récits en classe lorsque le texte choisi et les tâches proposées sollicitent ses réactions.

- Récapitulation des apprentissages : au terme de la séquence et avant de passer à une activité d’évaluation, il est indispensable de faire le point sur les nouvelles connaissances et de les mettre en rapport avec le savoir-lire des apprenants.

V.2.3. L’exemplification d’épreuves d’évaluation des tâches

L’organisation des tâches en des séquences pose souvent aux enseignants d’énormes difficultés parce qu’ils sont appelés à les analyser et à structurer les compétences. Pour les aider, il est possible de leur offrir des canevas à suivre. Néanmoins, cette aide a des effets néfastes car elle court le risque du réemploi sans quelconque adaptation ni prise en compte des spécificités du public scolarisé auquel l’enseignement est destiné d’autant plus que ces canevas découragerait les enseignants voulant entreprendre un travail de restructuration de leurs cours. Pour toutes ces raisons, il vaut mieux, au lieu de fournir des séquences toutes faites, de multiplier les exemples d’évaluation sommative. Ces tâches n’ont pas pour but l’apprentissage de savoirs nouveaux mais l’évaluation d’acquis constitutifs de la séquence. L’exemplification

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incite les enseignants à concevoir des tâches qui conduisent vers les tâches de certification. La tâche globale d’évaluation qui couronne la séquence est pratiquement décomposable en des tâches partielles que l’on peut travailler tout au long de la séquence ou du projet.

V.2.4. L’exemplification de tâches permettant de développer la même compétence

Puisque la compétence de savoir-lire un récit littéraire est décomposable en des tâches partielles, il parait opportun que l’enseignant prépare ses apprenants à confronter progressivement les mêmes familles de situations-problèmes et à effectuer les tâches de manière autonome puisqu’elles sont identiques et seuls les récits diffèrent. Néanmoins, il importe que l’enseignant ait des connaissances suffisantes sur les modèles narratifs à exploiter en classe. Par exemple, le modèle du rôle de Claude Bremond présente, d’un point de vue didactique, l’avantage de ne pas contraindre l’apprenant à une lecture intégrale de l’œuvre. De plus, il l’encourage à anticiper sur le déroulement des épisodes narratifs.

La mise en pratique effective de ce modèle s’effectue en suivant la procédure suivante : premièrement, les apprenants s’approprient le concept du rôle narratif, puis l’enseignant leur donne un exemple de l’accomplissement d’une tâche sur l’utilisation du concept pour anticiper ou pour structurer des données narratives. La tâche doit être assurément située dans le cadre de l’évaluation formative et tendre à dégager les processus pertinents déployés par les apprenants pour répondre aux questions posées. Concrètement, il est possible de fournir aux lecteurs le début d’un récit et leur poser des questions sur un éventuel passage à l’acte et par quel(s) personnage(s) se ferait-il ? Quand la suite de l’histoire leur est dévoilée, ils confrontent leurs propositions à la fin imaginée par l’auteur du texte et font part de leurs réactions et appréciations. Un tel exemple met en évidence une simplification de la typologie des rôles transférable et utilisable directement en classe.

Planifier des tâches-problèmes à partir des savoirs narratologiques est une entreprise efficiente dont l’objectif est de dépasser la démarche expositive des connaissances en vue de les réinvestir dans des situations concrètes d’apprentissage.

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Conclusion

Pour instituer une didactique de la lecture littéraire du récit, des modèles théoriques se sont succédés. Qu’ils soient inspirés des travaux structuralistes, sémiotiques, linguistiques, etc. ces modèles tentent à chaque fois d’approcher le récit littéraire selon une perspective donnée. Même s’il faut avouer que ces théories naissantes n’avaient pas au départ d’ambitions didactiques, leurs implications dans le domaine éducatif sont remarquables.

De ce fait, les pratiques scolaires ont été majoritairement influencées par ces travaux narratologiques. On a donc abouti à élaborer des schémas qui transforment la lecture en une activité scientifique et consciente dont l’intérêt pédagogique est certes indéniable. Les recherches de théoriciens tels que Barthes, Genette et Todorov ont fourni des éléments transposables dans l’enseignement du récit. Leurs contributions théoriques et pratiques dans l’analyse de la narration portent sur les constituants fondamentaux du récit à l’instar de la spatialité, la temporalité, le personnage et ses fonctions. En effet, c’est en fonction de la logique analytique poursuivie que les approches se sont diversifiées.

Ainsi, intégrer ces éléments de recherches théoriques à des séquences pédagogiques présuppose la conception de tâches-problèmes susceptibles d’inscrire l’activité de lecture du récit dans une démarche didactique qui vise à doter les apprenants de savoirs, savoir-faire et savoir-être afin de développer leur compétence littéraire.

A l’heure actuelle, même si la narratologie continue à influencer la didactique du récit littéraire, elle fait l’objet de critiques assez acerbes : son appareillage méthodologique exige de l’apprenant des efforts colossaux sans une vraie prise en compte de l’aspect esthétique du texte ou de la dimension affective du lecteur. De même, peu de travaux narratologiques ont été consacrés au récit numérique qui fait son entrée massive dans les pratiques lecturales actuelles. C’est pourquoi, nous réservons le chapitre suivant à aborder la problématique de lecture multimodale des récits à l’école.

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CHAPITRE III : LA

LECTURE MULTIMODALE