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CHAPITRE II : POUR UNE DIDACTIQUE DU RECIT

I. Le récit littéraire

Il est possible d’approcher le récit selon plusieurs angles. Nous tenterons de le définir d’un point de vue à la fois linguistique et didactique étant donné que la pédagogie a longtemps emprunté des outils d’analyse à la linguistique pour enseigner la narration.

I.1. Le récit comme objet linguistique

Le récit a été, jusqu’à présent si interrogé, analysé et exploité dans divers contextes éducatifs, mais il nous a apparu important, avant de traiter la question de sa didactisation, de préciser, de prime abord, ce que nous entendons par le mot récit comme objet linguistique.

Si l’on tient à la définition la plus courante du récit en tant qu’expression littéraire, nous nous référons à la définition de Gérard Genette (1966 : 152) formulée en ces termes : « on définira sans difficulté le récit comme la représentation d’un

évènement, réel ou fictif, par le moyen du langage et plus particulièrement le langage écrit ». Cette acceptation est partagée par de nombreux théoriciens et chercheurs tels

que Nicole Everaert-Desmedt (2007 :13) qui souligne à ce propos : « nous définissons le

récit comme étant la représentation d’un évènement ».

Le point commun à ces deux définitions est la détermination de deux conditions indispensables pour la production d’un récit qui sont « la représentation » et « l’évènement » : un évènement non représenté ne peut nullement être considéré comme

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récit tout comme une représentation sans évènement relèverait plutôt d’une simple description.

C’est ainsi dire que le récit, en plus de sa fonction de représenter un évènement, ménage aussi une place prépondérante pour la description qui se met au service de la narration comme le laisse entendre Genette (1966 :157) dans ces propos : « il existe des

genres narratifs, comme l’épopée, le conte, la nouvelle, le roman, où la description peut occuper une très grande place, voire matériellement la plus grande, sans cesser d’être, comme vocation, un simple auxiliaire du récit».

Une telle définition qui semble, a priori, naturelle et consensuelle, se voit singulièrement se compliquer, du moins, quand on oppose récit au discours. Dumortier et Plazanet (1980 : 34) explicitent ainsi cette distinction vulgarisée par les linguistes :

Le récit se caractérise par la transparence de l’énonciation, autrement dit, l’absence de la trace du sujet parlant (et de son interlocuteur) dans le message. Le second type – le discours- se signale, au contraire, par une série d’indices d’énonciation, qui renvoient à la situation de communication dans ce qu’elle a de particulier.

Parmi les signes d’énonciation les plus remarquables, on trouve les pronoms de la première et de la deuxième personne, la dominance du présent de l’indicatif à valeur atemporelle et l’usage des déictiques dont le sens dépend de la situation de communication.

Pour la linguistique, un roman, une nouvelle ou un conte ne sont pas des discours mais des récits puisqu’ils ne font guère référence à des situations de communication réelles. Toutefois, il est facile de vérifier que certains de ces écrits possèdent toutes les caractéristiques linguistiques de discours comme les romans épistolaires.

Etant donné que cette distinction établie par les grammairiens prête à des confusions d’ordre terminologique, des chercheurs y renoncent en faisant appel à des désignations moins problématiques : « nous définissons le récit, très simplement, comme

un message racontant une série d’évènement intégrés dans l’unité d’une même action»

(Dumortier et Plazanet, 1980 :36). Conformément à cette définition, le récit sera constitué de deux éléments ; l’histoire (succession d’évènements) et la narration (la manière de raconter ces évènements). Cela donne la possibilité de surpasser l’opposition discours/récit et utiliser, pour des fins de clarté méthodologique, l’opposition histoire/narration.

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I.2. Le récit comme objet disciplinaire

L’introduction du récit dans les espaces scolaires ne date pas d’aujourd’hui. Son enracinement dans les pratiques enseignantes lui confère un statut particulier et lui offre une place privilégiée qui se justifie, selon Jean François Halté et André Petitjean (1977 :10), par deux raisons essentielles :

Le récit possède une rentabilité pédagogique indiscutable. Les textes narratifs, dont le ressort essentiel est herméneutique, séduisent par leurs intrigues : les histoires font recette et les élèves, les lisant volontiers, acceptent d’en démontrer les mécanismes.

Ainsi, le récit sous toutes ses formes écrites, orales (histoires racontées) ou dessinées (bande-dessinée) est source de motivation et d’implication des apprenants qui, familiarisés par cet écrit, reconnaissent aisément les structures et les fonctionnements narratifs.

Pour tous ses intérêts pédagogiques et ses enjeux disciplinaires, le récit trouve sa place légitime dans une classe de langue et se définit, dans cette optique, comme « un

genre disciplinaire, au sens où il est à la fois objet disciplinaire et savoir à enseigner (en lecture et en écriture) en même temps qu’il est un genre scolaire et outil pour d’autres apprentissages propres à la discipline » (Daunay et Denizot 2007 : 28). En

effet, il est un moyen à exploiter pour travailler des sous-disciplines du français comme la grammaire, l’orthographe, la conjugaison, l’oral… et il est aussi étroitement lié à l’apprentissage littéraire (histoire littéraire, théories littéraires, genres littéraires…). Dans un autre registre, il importe d’insister sur ses liens avec l’image comme support iconique de production d’histoires par les élèves à partir de saynètes ou de bandes dessinées.

Au plan théorique, les études narratologiques et sémiologiques ont fait d’énormes progrès et ont fourni aux enseignants des outils méthodologiques de lecture et des concepts d’analyse transposables dans le champ didactique. Yves Reuter (2000 : 07) atteste cela en disant que :

La narratologie a suscité un enthousiasme certain, aussi bien dans le champ des théories littéraires (voir les revues Littérature, Poétique...) que dans celui de l'intervention didactique et de la réflexion sur celle-ci [...] Cet engouement se fondait sans nul doute sur des dimensions cognitive, pédagogique, politique, institutionnelle... inextricablement mêlées.

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II. Approches narratologiques et incidences pédagogiques