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U N MODÈLE AMÉRICAIN ?

Carte 2. Musées de France en région parisienne Source : géolocalisation Patrimostat 2018, cartographie de l’auteure

1.2. P ROBLEMATISATION ET HYPOTHESES

Lorsque l’on observe la page de statistiques de Kickstarter, la principale plateforme américaine, il n’y a pas de catégorie spécifique aux musées ou au patrimoine, une catégorie « art » existe, mais n’est pas particulièrement précise. Seule une poignée de campagnes ont été lancées depuis la création de la plateforme par des musées de New York. On notera deux campagnes du Queens Museum (une en 2016 de 30 374 dollars et une en 2018 de 50 239 dollars) et une du Jewish Museum (en 2016 pour 31 018 dollars), qui ne comptent pas parmi les musées les plus fréquentés. Il est difficile d’établir combien de musées ont réalisé une campagne sur Kickstarter, sur d’autres plateformes ou par eux-mêmes. Les bases de données des plateformes, par exemple, permettent de sélectionner les projets contenant le mot « musée » dans leur titre, mais la plupart de ces projets ne sont pas lancés par des institutions reconnues par l’ICOM. Il pourra s’agir de projets lancés par des particuliers pour financer des créations de cartes postales, des financements d’artistes34, etc.

En revanche, en France, la pratique semble toucher la plupart des institutions. Pourquoi une telle différence ? Nous cherchons à déterminer si les musées parisiens et new-yorkais suivent des trajectoires de développement distinctes. Nous nous questionnons sur les similitudes et spécificités des pratiques de ces musées et en particulier sur la mise en place de ces innovations participatives.

Nous organisons nos hypothèses selon trois axes. D’une part, il nous paraît indispensable de questionner l’histoire des musées depuis leur création ainsi que celle des politiques culturelles dans leur ensemble, dont les différences pourraient expliquer nos observations. D’autre part, nous étudions en particulier le rôle de la philanthropie et l’impact de la culture du don sur les divergences des besoins financiers. Enfin, nous suggérons que la place du financement participatif dans les stratégies financières et communicationnelles des musées s’explique par la nature même du musée dans la société qui l’abrite et que, de part et d’autre de l’Atlantique, les musées ne jouent pas le même rôle.

34 Par exemple un artisan tapissier a été invité à créer en direct au sein du Museum of

Arts and Design (Mad) et demande 2 000 dollars pour acheter le matériel nécessaire en échange de tapis. Voir : shorturl.at/otDRY.

1.3.M

ETHODOLOGIE

Nous avons réalisé des entretiens avec les services mécénat de cinq musées new- yorkais — le MoMA, le Whitney Museum of American Art, le National Natural History Museum, le Brooklyn Museum et l’International Center of Photography — et de cinq musées français — les sociétés des amis du Centre Pompidou et du musée du quai Branly et les services mécénat du château de Versailles, d’Universcience (établissement public en charge de la Cité des sciences et de l’industrie et du palais de la Découverte), du quai Branly et du service des musées de la ville de Paris Musée35.

La liste de personnes rencontrées est disponible en annexe de ce chapitre. Nous avons choisi ces musées en raison de leurs caractéristiques géographiques et de leur taille. D’autres ont été contactés (comme le MET par exemple), sans succès. Nous estimons toutefois que cet échantillon, assorti de l’exploitation des documents communicationnels et financiers des musées majeurs des deux villes, permet de fonder fermement notre argumentation.

Ces entretiens ont été menés en personne selon la méthode de l’entretien semi- directif. Nous avons rencontré des personnes dont les postes n’étaient pas nécessairement exactement les mêmes. En conséquence, souhaitant limiter au maximum les biais d’un déroulé de questions trop strictes, nous avons privilégié un dialogue ouvert sur les conditions de leur métier, leur position sur les approches française et américaine du fonctionnement de la culture, le fonctionnement de leur institution. Nous avons donc employé les grilles thématiques ci-dessous présentées. Elles ont été adaptées en fonction du pays de l’entretien, les problématiques françaises et américaines liées au numérique n’étant pas parfaitement parallèles.

Nous retrouvons donc les axes suivants dans tous les entretiens :

1. L’organisation du travail dans l’équipe (nombre de personnes, structure des équipes) et au sein du musée, notamment du rapport entre fundraising et curation. Généralement, les enquêtés sont très fermes sur l’indépendance

35 Une discussion a été engagée avec la Réunion des musées nationaux (RMN), qui

Premier chapitre

absolue des deux branches. Puis plus précisément sur leur propre travail (nous avons pu récolter des données sur d’autres institutions dans lesquelles ils avaient préalablement travaillé).

2. L’impact du numérique sur leurs pratiques, usage ou non-usage ? Développement de stratégies spécifiques ? Si oui, lesquelles et pour quel public ?

3.a. S’il y a eu une campagne : l’impact des campagnes de financement participatif, comment la campagne a-t-elle été mise en place, par qui, comment cela s’est-il passé, quelles ont été les répercussions sur le musée et le projet en particulier ?

3.b. S’il n’y a pas eu de campagne : quelles sont les opinions et perspectives sur les outils de mécénat participatif ?

À New York, nous ajoutions :

4. L’impact des dons unrestricted ou restricted36 sur les politiques de recherche

de don et de politique générale du musée.

5. Leur système de financement par rapport à un système principalement public, les avantages et les inconvénients.

Puis à Paris :

6. Leur système de financement par rapport à un système principalement privé, les avantages et les inconvénients.

Nos entretiens sont complétés par une analyse sémiotique des dispositifs scénographiques in situ dans les musées rencontrés et d’autres (le MET, le Guggenheim, la Frick collection à New York par exemple, le Louvre en France) ainsi qu’en ligne, site internet, réseaux sociaux et divers discours à destination des publics.

Cette analyse se fonde sur le recensement des variables présentées dans le tableau 5.

36 Limité ou non limité en français, nous revenons en détail sur ces qualifications

Musée Ville Observation en ligne Réseaux sociaux Facebook Twitter Instagram

Site internet Page de don

Page mécénat

Observation in situ

Urne de don

Brochure de mécénat

Visibilité de campagne en cours ou passé Analyse des

médias

Existence de communiqué de presse Recensement des articles (et autres) au

sujet du mécénat ou d’une campagne

Tableau 5. Grille d’analyse des caractéristiques de la communication des institutions eu égard à leur stratégie de mécénat individuel