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LE CHOIX DE MÉTHODOLOGIES PLURIDISCIPLINAIRES

Cette thèse prend le parti de croiser plusieurs approches disciplinaires pour analyser chaque terrain selon la méthode la plus pertinente. Nous présentons ici comment nous avons développé ces méthodologies au sein de ce travail.

2.1.U

N CROISEMENT DE METHODOLOGIES

Nous n’avons pas regroupé l’ensemble des méthodes quantitatives et qualitatives et des outils employés au sein d’un chapitre méthodologique. En effet, les chapitres du présent travail ne recourent pas systématiquement aux mêmes procédés ; les méthodes mobilisées par les objectifs internes de chaque chapitre sont donc présentées en amont.

Cette thèse est construite autour de trois terrains complémentaires. Le premier, relatif au premier chapitre, a été réalisé de juin à novembre 2016, le second, entre Paris et New York, entre septembre 2017 et juin 2018 et le dernier entre janvier et juin 2018.

Cette thèse s’appuie sur une variété de méthodologies issues des sciences sociales mobilisées dans des disciplines telles que les sciences de l’information et de la communication, la sociologie et l’économie, dans une volonté de fertilisation croisée. Nous nous inscrivons dans le prolongement d’une approche pluridisciplinaire des sciences de l’information et de la communication en privilégiant un pluralisme méthodologique (F. Bernard et Joule 2005).

Comme le montre notamment le deuxième chapitre, l’utilisation de méthodes quantitatives permet de créer un panorama large de la situation des musées en matière de financement participatif à l’échelle nationale et de visualiser dans sa globalité le phénomène. L’étude qualitative par entretien permet ensuite d’affiner les analyses sur des points que le quantitatif peine à traiter, telles les motivations et les représentations. Aller au-devant du terrain, interroger les professionnels sur leurs pratiques permet de comparer leurs discours à leurs pratiques réelles ainsi qu’aux

Introduction

discours de leurs homologues. Ces discours et les analyses qui en découlent peuvent ensuite être généralisés grâce au travail quantitatif qui les a précédés.

Pour le premier chapitre, nous avons choisi de ne pas réaliser d’étude quantitative en raison du petit nombre de musées étudiés, dans la mesure où tous pouvaient être analysés qualitativement.

En revanche, nous avons repris une méthodologie quantitative par questionnaires en ligne lors du dernier terrain qui fonde le troisième chapitre en raison du très grand nombre d’individus de la population étudiée et la difficulté d’une étude par entretien dans le cadre d’un projet dont les individus vivent pour beaucoup l’étranger et ne parlent pas nécessairement très bien français ou anglais6. Sachant cependant qu’il

serait impossible en l’espèce de réaliser une enquête qualitative adéquate, le questionnaire a été réalisé de manière à inclure le plus simplement possible les problématiques de motivations qui nous intéressaient, y compris les aspects qualitatifs qu’elles impliquent.

Les différentes méthodologies que nous exploitons ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients. Les méthodes quantitatives enferment la réflexion dans un questionnaire où le nombre de questions reste limité et où les hypothèses préconstruites peuvent piéger le chercheur. Les méthodes qualitatives d’entretien évitent ces biais et offrent l’opportunité d’être surpris par son objet, d’être surpris par ses résultats. Cependant il demeure impossible (à l’échelle d’un chercheur seul) de réaliser un nombre suffisant d’entretiens pour permettre une représentativité statistique des résultats. Notre choix a été de ne pas choisir et de cumuler les méthodes afin de bénéficier de la robustesse statistique d’un échantillon large et de la profondeur de l’analyse de discours et de l’enquête qualitative.

2.2.T

ROIS TERRAINS COMPLEMENTAIRES

Dans un souci de partage de la connaissance et d’accessibilité de cette thèse, une organisation par chapitres distincts et lisibles de manière individuelle nous a semblé l’approche idéale. Nous proposons une thèse sur travaux qui permet de réaliser un

6 Une enquête quantitative limitée a toutefois été réalisée par l’aide d’une étudiante en

état des lieux d’une problématique au spectre de trois terrains ou sous trois problématiques complémentaires. Les chapitres se référencent les uns les autres et se répondent. La thèse n’est pas une accumulation de parties entièrement indissociables les unes des autres et bénéficie à l’approfondissement du sujet dans son ensemble.

Notre thèse aborde avant tout le mécénat participatif et l’implication du grand public par les institutions mais également de nouveaux acteurs (comme la plateforme numérique Dartagnans) en articulant une réflexion et des analyses autour des stratégies de ces acteurs anciens et nouveaux et des comportements des individus. Il ne s’agit pas d’une analyse approfondie du patrimoine et des problèmes autour de son financement, mais plus modestement, des transformations que permet (ou non) le numérique.

Le premier chapitre est le fruit d’une enquête qualitative menée entre Paris et New York centrée sur les pratiques des grands musées de ces deux villes en matière de financement participatif. Une série d’entretiens des deux côtés de l’Atlantique montre que si les pratiques mercantiles et commerciales des musées français et américains convergent, les musées français se sont beaucoup plus emparés des nouveaux outils de crowdfunding pour lancer des campagnes de levées de fonds importantes. Plus chronophages et demandant des compétences différentes de celles qui sont déployées par les musées américains pour séduire des mécènes, les campagnes auprès du grand public demeurent des outils trop peu rentables pour des musées entièrement dépendants de revenus philanthropiques. Plus symboliquement, il semble que les concepts de symbole national et de responsabilité citoyenne représentés par les musées parisiens leur permettent de faire appel au public de manière plus aisée que pour des musées privés américains. Ce chapitre peut être lu comme une analyse globale du marché du financement participatif muséal. Il nous permet de situer le modèle français dans un contexte historique et international, d’en faire ressortir l’originalité et l’intérêt de son étude, et nous conduit au deuxième chapitre, centré sur les musées de France et leur approche spécifique.

Le deuxième chapitre a pour objectif de faire un point sur les pratiques des musées de France en matière de mécénat participatif. La première étape de l’analyse

Introduction

regrouper un maximum de données et d’appréhender le mieux possible le terrain. Pour affiner l’étude, ces données ont été complétées par une série d’entretiens et une analyse qualitative. L’analyse comparée de ces données nous permet de répondre à plusieurs questions : quelles sont les pratiques des musées ? qu’attendent-ils de ces outils ? et ces outils sont-ils à la portée de tous ? Ce chapitre prend l’optique de l’offre et analyse la diversité d’outils de mécénat participatif. Il nous laisse sur des interrogations plus profondes sur ce qu’il en retourne du côté de la demande, du contributeur : qu’attend-il de sa participation ?

Le troisième chapitre questionne donc la motivation des contributeurs, et, en particulier, ceux d’un projet de crowdfunding lancé à l’automne 2017. Alors que le financement participatif fonctionne généralement dans les secteurs culturels sur un modèle de don avec contrepartie, les contributeurs ont ici le choix entre donner ([quasi] sans contrepartie) ou d’investir dans une société par actions simplifiée dont l’objet est la sauvegarde et la gestion d’un domaine castral. En partenariat avec la plateforme Dartagnans, nous avons adressé un questionnaire aux 18 000 contributeurs du projet, destiné à mieux les connaître et à modéliser leurs motivations. Notre base de données de plus de 2 200 observations est à notre connaissance la seule de cette taille pour un seul projet. Notre analyse a pour objectif d’évaluer l’impact des contreparties spécifiques à ce projet, les revenus financiers potentiels et la prise de décision issue du statut de propriétaire du château. Ce projet marque un potentiel renouveau dans la sauvegarde et la valorisation du patrimoine. Quand bien même le patrimoine détenu par les collectivités territoriales appartient à sa population, la détention directe d’un « bout » d’un bâtiment attache aux yeux du contributeur une plus grande importance aux lieux et à sa préservation.

Nous espérons que cette thèse apportera au lecteur et au secteur une compréhension plus fine de ces outils en faveur de la sauvegarde des institutions patrimoniales. Les chapitres qui la composent sont intitulés des principales questions soulevées par les professionnels et le grand public, parfois simplistes ou naïves, elles n’ont pas vocation à ce qu’on leur réponde tel quel dans le texte. Nous les utilisons comme seuil, au sens de Genette, pour faciliter l’entrée en matière du lecteur.

Chapitre préliminaire