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U N OUTIL POUR TOUTES LES INSTITUTIONS ?

Carte 5. Musées participant à la phase qualitative Hexagones : musées rencontrés lors des phases de test.

3.2. U NE DIVERSIFICATION DES OUTILS

Nous explorons d’abord les différentes manières dont les musées utilisent le financement participatif, défini comme un mécanisme permettant de collecter les apports financiers — généralement des petits montants — d’un grand nombre de particuliers — en vue de financer un projet.

Afin d’appréhender le sujet, nous avons commencé l’analyse par une observation hors ligne et en ligne des pratiques. Nous avons visité les musées en région parisienne qui avaient réalisé une campagne ou étaient en train de le faire, notant les différentes pratiques de manière systématique. Lors de l’observation d’une campagne, nous notons les objectifs de collecte, les montants des dons réalisés (si disponible), le type de communication entourant le projet, la couverture médiatique dont elle peut bénéficier et le type de projet réalisé. Nous avons cherché à noter le plus de collectes passées possible tout en demeurant consciente de l’impossible exhaustivité de la liste. D’une part, certaines collectes, trop anciennes, mais dont nous connaissions l’existence n’avait laissé que très peu de traces, comme celle qui avait été réalisée par le Louvre en 1987. Il n’était donc pas réaliste de penser pouvoir lister l’ensemble des collectes des vingt dernières années de l’ensemble des Musées de France. D’autre part, nous savions que la suite de l’enquête viendrait répondre au besoin d’établir un état des lieux précis et quantifiable des campagnes de mécénat participatif.

Cette première phase d’observation avait donc pour objectif plus réduit de réaliser une typologie simple, dans laquelle la très grande majorité des pratiques pouvaient s’identifier. Nous avons distingué quatre types d’initiatives répondant à ce besoin. Hors-ligne, nous avons identifié deux modèles :

– le plus traditionnel est le modèle de la « souscription », où le musée publie un appel aux dons, le plus souvent hors ligne (mais parfois communiqué en ligne), pour lequel le donateur ne reçoit aucune récompense (en dehors du reçu fiscal) ;

– le « billet mécène »109 est un autre exemple de modèle de donation hors ligne. Le

visiteur est invité à payer un peu plus pour l’entrée s’il le souhaite. En ligne, nous avons discerné deux types de stratégies :

– certains utilisent des « plateformes externes », qui offrent des conseils et des services de paiement en ligne en échange d’une commission ;

– d’autres choisissent de développer des « plateformes internes » (sur leur propre site internet), plus proches de l’ancien modèle de souscription.

Outils Type Contreparties110 Cible111 Exemple

Souscription Hors ligne Reçu fiscal, adhésion à la

société d’amis Locaux Musée des Beaux-arts de Lyon, 2013, acquisition

Billet mécène Hors ligne Reçu fiscal, cadeau

symbolique (magnet, badge, pièce)

Visiteurs CAPC de Bordeaux, 2013, acquisition

Plateforme

privée En ligne Reçu proportionnels fiscal, au cadeaux don

(goodies, entrée, catalogue, invitations, visites spéciales)

Locaux Jeunes Internautes Musée d’Orsay, 2014, restauration Plateforme

propre En ligne Reçu fiscal, adhésion à la société d’amis Locaux Jeunes

Internautes

Musée du Louvre, 2010, acquisition

Tableau 13. Récapitulatif des outils utilisés par les musées

Ces outils ne divergent pas uniquement par leur support technologique. Nous détaillons ici les caractéristiques principales de chacun dans notre effort de typologie. Le lecteur pourra trouver une description d’un exemple de chaque outil dans l’encadré.

D’une part, une des caractéristiques importantes de différenciation de ces quatre modèles est la durée des campagnes. Le billet mécène dure généralement

109 Parfois dénommé « billet mécénat », « ticket mécénat » ou « ticket mécène », etc. Le

principe est né dans les Musées de France au Centre d’arts plastiques contemporains (CAPC) de Bordeaux, en 2013. La ville a déposé le nom et l’image de la marque

« ticket mécène » à l’INPI. Aujourd’hui, certains musées choisissent d’utiliser la marque

(prêtée gratuitement par Bordeaux), d’autres préfèrent s’en passer.

Deuxième chapitre

approximativement six mois, mais il peut durer plus, voire ne pas avoir de temps défini ; la plateforme privée est souvent limitée à trois mois ; tandis que les souscriptions sont, pour la plupart, beaucoup plus longues, allant jusqu’à plusieurs années. Par ailleurs, les plateformes sont les seules à fonctionner sur un modèle de

« tout ou rien » (c’est le cas d’une large majorité de plateformes), où les porteurs de

projets qui n’atteignent pas le seuil initialement fixé dans le temps imparti ne touchent pas les fonds collectés, lesquels sont remboursés aux contributeurs. Nous notons également la présence de plus en plus visible de la Fondation de France, qui se présente comme une plateforme, mais propose des contreparties et un fonctionnement plus proche de la souscription (pas de limite temporelle, pas de « tout ou rien »). Cependant, son impact reste minoritaire pour les musées au moment de

l’enquête, dans la mesure où elle ne bénéficie pas de l’image innovante des plateformes comme Ulule ou Dartagnans et se rémunère grâce à une commission équivalente.

D’autre part, le montant moyen varie largement entre le billet mécénat, dont les contributions démarrent entre 1 et 5 euros, et les autres où les moyennes se situent plutôt entre 100 et 150 euros selon les cas.

Enfin, les outils diffèrent également par le type de contreparties proposées et le public qu’ils cherchent à toucher. Les outils hors ligne restent plutôt locaux (distribution des brochures d’informations par voie postale, par exemple), et le billet mécène ne touche que les visiteurs de l’institution. Les contreparties demeurent très symboliques pour tous les outils, sauf sur les plateformes, qui imposent un système de contrepartie proportionnelle au don.

Ces différences ont un impact sur le choix de l’outil qui sera mis en place par les musées, qu’ils s’agissent de contraintes (techniques par exemple) ou d’objectifs (de financement ou de communication). Nous reviendrons en détail sur les espoirs et les craintes que les établissements peuvent avoir sur chacun dans la dernière section de ce chapitre. Toutefois, au-delà de leurs particularités propres, ces outils suscitent les mêmes interrogations de la part des musées, que ce soit en termes de difficultés administratives et de mise en place juridique, ou en termes de réception de ces outils

auprès des publics. Pour ces derniers, d’un outil à l’autre, nous retrouvons des motivations similaires de participation à la vie du musée et aux missions invisibles du musée (acquisition, conservation, restauration notamment), à l’attachement au lieu ou à un projet. Ces motivations s’inscrivent dans un contexte commun de sentiment de désengagement des collectivités territoriales ou de l’État en général auprès des institutions culturelles.

Deuxième chapitre

Exemples de campagne pour chaque type de mécénat participatif Le billet mécénat du CAPC

Le CAPC musée d’Art contemporain de Bordeaux, anciennement Centre d’arts plastiques contemporains, ou CAPC, a lancé en 2013 le premier dispositif de type

« billet mécénat ». L’initiative est venue de son directeur du service mécénat en place à

l’époque, à la suite de la lecture d’un rapport américain du wealth engine sur le fundraising, de 2010. De là, est née l’idée de demander lors de l’achat du billet d’entrée un complément en mécénat. Le don minimal est alors fixé à 3 euros, en lien avec le tarif du billet d’entrée, 5 euros, une dépense de 8 euros paraissant encore raisonnable pour un accès à un centre d’art contemporain. Le musée a réalisé trois campagnes, avec un billet d’entrée désormais à 7 euros. Le don sera sans doute plus difficile si le billet passe à 8 euros, et la dépense combinée dépassera la barre symbolique des 10 €. Le donateur reçoit une petite récompense symbolique, un badge ou un magnet d’un petit bout de l’œuvre acquise grâce à lui, un reçu fiscal et une invitation à la présentation de l’œuvre au musée. La campagne est soutenue par la société des amis, qui abonde à montant égal pour tout don. Le « billet mécénat » a été inscrit à l’INPI, et le musée prête aujourd’hui régulièrement sa marque. D’autres musées ont repris l’idée sans utiliser la marque, comme le musée Rodin ou le château de Versailles.

La campagne de crowdfunding de la restauration du musée d’Orsay En 2014, le musée d’Orsay lance une grande campagne de financement participatif via la plateforme Ulule, une plateforme française généraliste. L’objectif initial est de 30 000 € et est facilement dépassé : 155 374 € seront récoltés. La campagne a été principalement gérée par une société de conseil en communication. Les contreparties comprenaient des visites ou rencontres privées avec un expert, l’inscription du donateur sur un mur temporaire de remerciement et des packs spécifiques pour les entreprises bénéficiant à ses salariés.

Illustration 1. Extrait de la page de la campagne du musée d’Orsay sur Ulule Source : Ulule

Les contributeurs reçoivent encore trois ans après des news du musée, qui leur sont spécifiquement dédiées via le mécanisme de news de la plateforme. Ils sont notamment informés le 9 janvier 2017 de la fin de la restauration de l’Atelier du

peintre112. Les news permettent de tenir informés les contributeurs de l’avancée du

projet, de rester en contact avec eux et de potentiellement les rediriger vers un prochain projet.

La collecte du site internet du musée Unterlinden

Le musée Unterlinden a lancé, depuis de nombreuses années, une page dédiée au financement de la restauration d’une sélection d’œuvres pour lesquelles les internautes pouvaient participer. Celle-ci ressemblait, dans ses caractéristiques principales (plusieurs projets, une barre d’avancement du financement, un montant), à une plateforme externe comme Ulule. Cette plateforme a été remplacée par la seule campagne pour la restauration de l’œuvre majeure du musée, le retable d’Issenheim, depuis l’automne 2018. La restauration devrait durer quatre ans.

Deuxième chapitre

Illustration 2. Extrait de la page de récolte de don du musée de Colmar Source : musée de Colmar

La souscription du musée de Libourne

En 2014, le musée des Beaux-Arts et d’archéologie de Libourne a bénéficié d’une souscription lancée par sa société d’amis : cinquante personnes ont contribué à hauteur de 10 000 euros pour que le musée acquière une esquisse de Princeteau :