• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 1. Etude et aide à l’étude

V. Retour sur la notion d’étude autonome

L’autonomie est un concept ancien qui ne cesse de susciter des débats depuis des dizaines d’années, notamment dans les Sciences de l’Education. Ces débats portent aujourd’hui aussi bien sur le développement chez les élèves d’une certaine autonomie dans la réalisation du travail scolaire que sur la formation des adultes11. Pris dans un sens minimum, le mot autonomie - d’origine grecque

autonomos ( de nomos « loi ») - désigne la capacité de se gouverner par ses propres lois. Bien

qu’aujourd’hui les définitions majoritairement utilisées pour ce mot désignent la capacité, l’attitude d’une personne à prendre la responsabilité, le contrôle de ses propres apprentissages et que la plupart des chercheurs soient d’accord sur le fait que l’autonomie ou l’apprentissage autonome n’est pas le synonyme de auto-instruction, auto-apprentissage, il semble particulièrement difficile de définir cette notion une fois pour toutes. Il est donc nécessaire que l’on précise le sens qu’on lui donne dans ce travail.

Lorsqu’on considère l’enseignement comme une tâche coopérative entre professeur et élèves, on est inévitablement dans un système d’attentes et de responsabilités réciproques, couramment formulé sous la notion de contrat didactique. La notion de topos, bien que peu exploitée, permet de repenser le jeu du contrat didactique en faisant porter l’attention aux gestes que l’élève doit accomplir en autonomie didactique et aux gestes que le professeur doit engager. Suivant l’approche anthropologique et les phénomènes étudiés ci-dessus, il est possible de dire que si la grande partie du travail effectué en classe est marquée par la réalisation des tâches coopératives où chacun, élèves et professeur, doit accomplir certains gestes dont l’ensemble constitue son topos, il n’en reste pas moins qu’il existe des phases - en classe et hors classe - où l’élève est amené à opérer en autonomie didactique pour assurer les apprentissages. « Ce lieu où, psychologiquement, il éprouve le sentiment d’être seul à la barre et

de ne devoir compter que sur ses propres forces » explique Chevallard [2002a, p.16], tout en précisant

que le topos de l’élève varie en fonction du type de dispositif d’étude, d’une institution à l’autre, mais aussi selon « ce à quoi l’institution d’enseignement prétendre connaître que l’étudiant sait, point au- delà duquel, par définition, la responsabilité didactique n’a plus d’objet » [Idem., p.8]

Ce que nous appelons étude autonome se caractérise donc par de telles phases d’autonomie didactique. Elle désigne le travail de l’élève suivant des lieux et des temps où il dispose d’une autonomie qui est relative mais indispensable pour qu’il puisse avancer dans la construction de ses apprentissages. Elle est relative parce qu’elle s’inscrit dans le topos de l’élève qui lui-même relève de la relation didactique. Elle est indispensable parce que l’enseignement seul ne suffit pas à garantir les

11 Pour les premiers, nous pouvons nous référer à l’ouvrage de Moyne (1982), ou plus proche de notre

problématique, à celui de Sensevy (1998) - ouvrage lequel on reviendra plus loin - et à celui de Ravestein (1999). Pour les seconds, nous pouvons consulter l’ouvrage de Barbot & Camatarri (1999) sur l’apprentissage et la formation. Il est intéressant de lire que ces deux auteurs justifient, dans l’introduction de leur livre, leur choix de s’intéresser à la formation des adultes par le fait qu’à leurs yeux, « l’école n’est pas faite pour développer l’autonomie.»

apprentissages.

D’après la définition que nous lui donnons, les temps et les lieux d’étude ne seront sans doute pas limités à ceux reconnus par l’institution comme étant plus ou moins importants, plus ou moins légitimes (exercices d’entraînement, devoirs et révisions à la maison, contrôle surveillé, dispositifs adaptés d’étude…) mais ils désigneront aussi l’apparition spontanée, en situation de classe ou en d’autres circonstances, du besoin d’apprendre créé par les injonctions didactiques [cf. Mercier, 1992]. Par conséquent, il convient de relier chaque moment d’étude autonome aux contraintes qui le conditionnent.

Ainsi, s’intéresser à l’étude autonome suppose un examen du topos de l’élève suivant différents lieux et différents temps d’étude, et cet examen conduit à poser deux questions fondamentales :

- Quels sont les gestes d’étude attendus de la part des élèves ? - Quels sont les moyens d’étude à leur disposition ?

Les analyses développées ci-dessus apportent une réponse à la deuxième question, une réponse qui tourne autour du contrat didactique. Mais le seul cadre du contrat didactique est insuffisant pour comprendre les enjeux des situations d’étude, les gestes d’étude attendus des élèves et pour s’interroger sur les moyens à la disposition des élèves lorsqu’ils se trouvent en situation d’étude autonome.

Considérant les situations d’étude autonome comme des moments où l’élève ne peut compter que sur lui-même, c'est-à-dire sur ses interprétations du contrat didactique, mais surtout sur ce dont il dispose comme moyens d’action et de validation de ses propres démarches, il convient aussi d’entendre par l’adjectif autonome une signification d’ordre épistémique : nous devons considérer que l’activité mathématique a une dimension autonome au sens où elle permet de contrôler les résultats, de valider l’exactitude des démarches suivies lorsqu’on étudie sans le professeur. Nous pensons que cette dimension est celle qui se trouve à l’origine de l’activité mathématique et celle qui permet de parler d’autonomie, sans que cette dernière ne soit qu’un mot d’ordre et un moyen pour le professeur de se fausser de ses responsabilités dont la première est d’organiser les conditions de l’étude.

Cette dimension autonome de l’activité mathématique est en effet peu explorée par la recherche en didactique. La théorie des situations didactiques, sous les notions de milieu et de situation adidactique, propose un modèle de l’activité mathématique avec une dimension fortement épistémique. Cependant, l’étude autonome, au sens défini ici, semble dépasser le cadre des situations adidactiques, puisque les objets de l’étude autonome ne sont sans doute pas les mêmes que ceux d’une situation adidactique et toute situation d’étude autonome ne relève pas d’une situation adidactique dans la mesure où elle ne peut pas être organisée comme une situation adidactique. Nous allons revenir sur ce point plus tard. Poursuivons notre lecture avec d’autres travaux didactiques qui semblent s’intéresser à l’étude autonome et étudions la manière dont elle est prise en charge dans ces travaux, notamment concernant sa dimension épistémique qui nous préoccupe ici.

Chapitre 1

Etude et aide à l’étude