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CHAPITRE 4. Elements de repère pour l’étude du site algébrique-fonctionnel

I. Un aperçu historique du site algébrique-fonctionnel

I.3. Le concept de fonction

Les premières traces du concept de fonction apparaissent déjà chez les Babyloniens sous forme de tables, dans un but de rendre compte des mouvements de certains astres. Les Grecs anciens vont utiliser d’autres fonctions sous forme de tables et plus tard, représenteront certaines relations fonctionnelles. Mais l’usage du concept restera toujours implicite chez les Grecs anciens :

La littérature mathématique de l’Antiquité manque non seulement des mots équivalent au terme de fonction mais encore d’une allusion à cette idée plus abstraite et plus générale qui unifie des dépendances concrètes séparées, entre des quantités ou des nombres sous quelque forme que ce soit (description verbale, graphe, table) [Youschkevitch, 1981, p.13].

En plus, Youschkevitch (ibid.) note que même si l’idée de changement de quantité n’était pas étrangère à la pensée grecque, notamment en termes de mouvement de la matière, ni la vitesse en tant que quotient de distance/temps, ni la vitesse instantanée n’étaient introduites dans l’Antiquité.

Ce n’est que vers la fin du Moyen Age, par la conjonction d’études qualitatives et quantitatives du mouvement, jusque-là considérées séparément, et par l’intermédiaire des représentations graphiques

42 Les études historiques portant sur le concept de fonction semblent montrer des différences, dûes en particulier,

à la définition que l’on retient comme générale. La première étude complète sur l’apparition du concept semble être l’article de Youschkevitch (1976), traduit en français en 1981. Au début de son article, l’auteur remarque que la question de l’origine et du développement du concept de fonction est insuffisamment étudiée et que les opinions des différents auteurs divergent et ne s’accordent pas, en particulier, sur l’époque où est effectivement apparu le concept. Nous allons nous appuyer sur cette étude pour souligner les traits essentiels du développement de ce concept.

que la notion de variable dépendante commencera à apparaître, ainsi que le concept de fonction qui en découle comme l’expression d’une relation entre deux éléments variables. (René De Cotret, 1988). Mais c’est après l’introduction des mesures quantitatives, l’invention des instruments de mesure, le développement du symbolisme algébrique et l’extension des ensembles des nombres que le concept de fonction va apparaître pour la première fois chez Descartes. Partant de l’étude algébrique des équations, Descartes aboutira à l’étude des variations des grandeurs intervenant dans les expressions algébriques, en les considérant comme expression de dépendance entre les grandeurs évoluant de façon continue, comme nous le montrent cet extrait dans La Géométrie :

Même prenant successivement diverses grandeurs pour la ligne y, on en trouvera aussi infinies pour la ligne x, et ainsi on aura une infinité de divers points, tels que celui qui est marqué par C, par les moyens desquels on décrira la ligne courbe demandé. [cité dans René De Cotret, 1988, p.14].

Cependant, en s’intéressant uniquement aux équations des courbes qu’il pouvait écrire symboliquement, Descartes ne s’occupait que des équations algébriques, et par conséquent, les fonctions étudiées à cette époque resteront limités aux fonctions obtenues uniquement par des opérations algébriques. Mais Youschkevitch remarque que dans tout les cas, la représentation des fonctions par les moyens de formules ou d’équations sera née et donnera à l’étude des fonctions le statut d’un véritable calcul, qui sera vite étendue à d’autres branches des mathématiques, notamment au domaine du calcul infinitésimal. Ce qui permettra aux mathématiciens du 17ème siècle - Newton, Leibniz et autres- de développer une représentation analytique des fonctions où la manière de développer des fonctions en série entière rendra possible une représentation de toutes les relations fonctionnelles exprimées à l’époque, à l’image de la représentation des nombres par un développement décimal.

Une première définition explicite du concept de fonction comme expression analytique sera finalement donnée par Bernoulli (1718) où apparaîtront également les concepts de constante et de variable :

« Définition. On appelle fonction d’une grandeur variable une quantité composée de quelque manière que ce soit de cette grandeur variable et de constantes » (Youschkevitch, p.35). Dans la suite, Euler

va soumettre à une étude plus détaillée le concept de fonction et proposera une définition semblable à celle proposée par Bernoulli, en changeant le mot « quantité » par « expression analytique » : « Une

fonction de quantité variable est une expression analytique composée de quelque manière que ce soit, de cette quantité et de nombres ou de quantités constantes » (idem., p.36).

Parallèlement à cette définition, Euler développera également des méthodes permettant d'obtenir des expressions analytiques de fonctions, ce qui le conduira à une première classification des fonctions, en pensant que les fonctions peuvent être obtenues à partir des opérations algébriques, transcendantes, exponentielles, logarithmiques et d'autres opérations fournies par le calcul intégral. Les fonctions peuvent être implicites, explicites, paramétriques ou encore obtenues à partir de l'inverse d'une autre fonction. Elles peuvent être aussi bien uniformes (une image) que multiformes (plusieurs images). Il

Chapitre 4

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ramène enfin toutes ces différentes méthodes d'expression de fonctions à une seule expression analytique dont il pense que "la forme universelle est une série entière infinie de la forme : A + Bz + Cz² + Dz3+ …" [idem., p.38].

Par ailleurs, comme le concept de fonction est toujours lié, à cette époque, à l'étude analytique des courbes, les fonctions sont donc essentiellement analytiques dans le sens d'Euler qui distingue les "vraies" fonctions, données par une seule expression analytique sur tout le domaine de la variable qu'il appelle "fonctions continues", des autres fonctions "discontinues" ou "mixtes" dont l'expression analytique varie sur le domaine de la variable.

C'est en s'attaquant au célèbre problème des cordes vibrantes qu'Euler va percevoir l'existence d'autres fonctions qui ne peuvent être classées ni comme "continues", ni comme "mixtes" et qui ne peuvent tout simplement pas être exprimées de façon analytique. Il propose alors, en 1755, une nouvelle définition de la fonction sur la base d'une correspondance arbitraire entre des paires d'éléments, chacun d'eux appartenant à son propre ensemble de valeurs des quantités variables :

Si certaines quantités dépendent d'autres quantités de telle manière que si les autres changent, ces quantités changent aussi, alors on a l'habitude de nommer ces quantités fonctions de ces dernières; cette dénomination a la plus grande étendue et contient en elle-même toutes les manières par lesquelles une quantité peut être déterminée par d’autres. Si, par conséquent, x désigne une quantité variable, alors toutes les autres quantités qui dépendent de x de n'importe quelle manière ou qui sont déterminés par x, sont appelées fonctions de x (Idem., p.49).

En laissant de côté la suite du développement du concept, notons que les mathématiciens du 19ème siècle, vont aboutir à des définitions de la fonction qui sont directement inspirées de cette définition générale d'Euler. Finalement, Hankel proposera la définition suivante du concept en 1870 :

On dit que y est fonction de x si à chaque valeur de x d'un certain intervalle correspond une valeur bien définie de y sans que cela exige pour autant que y soit définie sur tout l'intervalle par une expression mathématique explicite de x (Idem., p.61).

Mais l'évolution du concept de fonction prendra une nouvelle tournure avec le développement de la théorie des ensembles, et la définition ci-dessus sera rejetée comme n’étant pas assez rigoureuse. Une nouvelle définition du concept, basée sur l’ensemble des couples ordonnés sera proposée par Bourbaki en 1939. Ainsi, les deux aspects du concept, à savoir dépendance et variation, qui lui ont donné naissance seront de plus en plus subordonnés à l’aspect "correspondance".

II. Retour sur le site algébrique-fonctionnel relatif à la classe de