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CHAPITRE 9. Les institutions observées et leurs caractéristiques vis-à-vis de l’étude

II. Classe de M Branly (EB)

Il s’agit d’un établissement situé au centre ville d’une banlieue proche et relativement aisée de Paris. Ouvert en 1965, l’établissement compte plus de mille trois cent élèves avec son Collège et son Lycée. Selon les données de l’académie, seulement 7 % des élèves sont issus des catégories défavorisées. M. Branly, le professeur de mathématiques, affirme que les élèves sont majoritairement issus de familles de commerçants, un milieu qui n’est pas toujours favorable pour les élèves, souligne-t-il.

M. Branly a plus de vingt ans d’expérience dans le métier mais enseignait au Collège jusqu’à l’année de nos observations. C’est donc la première fois qu’il enseigne au niveau du Lycée. Avec une bonne connaissance de la qualité et de la quantité du travail personnel des élèves au Collège et des problèmes qu’ils rencontrent, une telle expérience du professeur nous semble constituer un atout plutôt qu’un inconvénient pour l’organisation et le suivi du travail de ses élèves de Seconde. M. Branly affirme avoir suivi quelques séminaires et formations des IREM sans être toutes fois impliqué dans des groupes de travail. Attentif sur la qualité de son enseignement et toujours prêt à collaborer pour l’améliorer, M. Branly ne va jamais hésiter à nous demander notre avis sur l’organisation du cours, sur les modalités des épreuves et du travail de ses élèves. Il va mettre ainsi à notre disposition tous les renseignements nécessaires, et encourager sans cesse ses élèves, souvent avec plein d’humour, pour qu’ils viennent nous témoigner de leur travail et de leurs problèmes.

La classe observée est une classe de 33 élèves dont beaucoup (27 élèves) viennent du Collège du même établissement. Selon le professeur, il s’agit d’une classe assez hétérogène mais relativement motivée par rapport à son autre classe de Seconde. Presque la moitié des élèves (15) veut faire une Première S l’année suivante, 11 autres souhaitent s’orienter vers la section ES, le reste se partageant

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entre d’autres sections et la Première L82. Si 4 élèves se disent souvent aidés dans leur entourage

familial (comme dans la classe de Mme Lecourt), le nombre d’élèves qui déclarent ne recevoir jamais d’aide dans leur entourage familial reste très important. Par ailleurs, seulement 5 élèves sont concernés par le cours particulier.

II.1. Le fonctionnement général de la classe et celui des différents

dispositifs d’étude

Les séances de classe entière ont lieu le mardi de 9h à 11h et le mercredi de 10h05 à 11h, les séances de module sont de 12h05 à 13h le mercredi et le jeudi, et finalement la séance de l’aide individualisée est située dans l’après midi du mardi entre 15h-16h83.

Majoritairement consacrées au cours, les séances de classe entière se déroulent d’une manière ordinaire, en particulier sans aucune implication d’outils informatiques. Par contre dans les modules et l’aide individualisée, le professeur distribue presque toujours des fiches de travail qu’il prépare à l’avance pour la séance et les élèves travaillent sur ces fiches tout au long de la séance. Le professeur leur demande de travailler individuellement et les élèves appellent le professeur dès qu’ils ont une question à lui poser. Mais il arrive souvent que le professeur aille contrôler le travail d’un élève sans que celui-ci le lui demande. Lors de ces séances, nous avons pu observer aussi une difficulté du professeur à engager certains élèves à travailler individuellement. La plupart du temps, la fiche de travail n’est pas complètement terminée, seuls quelques élèves y parviennent. Mais l’objectif du professeur pour ce genre de travail est précis : il s’agit de permettre aux "bons élèves" d’aller au delà de ce qu’ils doivent normalement faire, et d’aider les autres à réaliser un minimum de travail. Et à cet effet, il distribue parfois plusieurs fiches et les élèves sont libres de commencer par la fiche qu’ils veulent travailler. Par contre à la fin de ces séances, il manque souvent la phase de bilan, c'est-à-dire que la séance est souvent close au cours de questions d’élèves ou d’explications du professeur. Dans tous les cas, nous avons constaté que les élèves semblent être beaucoup plus motivés durant ces séances, et particulièrement pendant les heures de module :

83. O : Pour les demi-groupes, le travail ça se passe souvent comme ça ; vous donnez des fiches

d’exercices et ils ont à travailler ?

84. EB : Voilà, ils ont à travailler et puis, on corrige petit à petit au fur et à mesure. Quand c’est

facile on donne les résultats, bon. Ensuite, on se met au niveau en classe, on corrigera en classe, voilà. Des fois, ils doivent rendre par écrit, le travail en groupe, c’est un thème de devoir à la

82 Il s’agit d’un effectif de 32 élèves présents le jour du questionnaire.

83 Notons que, Mme Lecourt ayant une séance de la classe entière de 8 h à 9 h les mardis, cet emploi de temps ne

nous permettait pas de suivre toutes les séances de Mme Lecourt et celles de M. Branly. Dans pareils cas, nous avons assisté seulement à la deuxième séance de M. Branly.

maison qu’ils doivent rendre par écrit trois ou quatre jours après mais c’est travaillé sur des fiches, voilà. Ou sur le livre, des fois sur les exercices du livre, mais c’est essentiellement de la recherche d’exercices.

L’aide individualisée dans cette classe s’appuie fortement sur la reprise du travail fait en classe, avec les exercices qui n’ont pas été compris, légèrement modifiés par le professeur. La participation des élèves a été organisée dans cette classe en fonction d’une évaluation effectuée par le professeur en début d’année, à l’issue de laquelle l’aide individualisée a été destinée tout particulièrement aux élèves les plus en difficulté. Le professeur affirme pourtant qu’il change la composition des groupes, afin de prendre en charge tel ou tel élève plus en difficulté. «Ces élèves là travaillaient en classe mais ne

poursuivaient pas le travail à la maison donc le bénéfice s’en allait tout de suite », précise-t-il.

Finalement, il décide de faire deux groupes qui viennent en alternance tous les 15 jours. Mais, au vu du manque de motivation de certains élèves, M. Branly déclare, avec un regret qu’il ne cache pas, qu’il va désormais prendre en charge uniquement les élèves « volontaires et sérieux » : « ceux qui n’ont pas

envie de travailler, qui ne travaillent pas en classe, bon j’estime qu’on aura fait suffisamment d’efforts pour eux. Ils n’ont pas voulu en profiter, à d’autres de saisir leurs chances. »

II.2. L’organisation et le suivi du travail personnel

En dehors du travail en demi - classe et en aide individualisée, les élèves ont également un ou deux exercices relatifs au cours et ont un devoir à rédiger tous les 15 jours. L’apport de ces exercices et de ces devoirs dépend beaucoup, selon le professeur, du comportement que les élèves ont vis-à-vis de ce travail, et plus généralement, vis-à-vis de l’étude autonome. En effet, tout l’entretien avec M. Branly est marqué par ses commentaires quant à l’attitude des élèves lors du travail autonome qui leur est demandé (en classe ou à la maison), et quant au manque de motivation des élèves à chercher personnellement les exercices. Après un moment de discussion sur le fonctionnement général de la classe et les différents dispositifs d’enseignement, la conversation revient sans cesse sur ce problème de l’étude autonome, considéré par le professeur comme la première cause d’échec des élèves en mathématiques : il souligne à plusieurs reprises le manque de motivation, la faible qualité du travail de rédaction, la difficulté pour les élèves de se prendre en charge, de fournir un travail autonome, et ceci, insiste le professeur, malgré tout ce que l’ensemble des enseignants a voulu faire pour eux, malgré toutes les possibilités qui leur sont offertes : « Le travail à la maison, de plus en plus, c’est copier,

dans toutes les classes, dans tous les niveaux », conclut M. Branly.

Selon le professeur, le problème vient surtout de l’attitude que les élèves avaient en Collège face à ce travail. Ceux qui ne peuvent pas soutenir un rythme de travail régulier, se découragent assez vite, et il leur est ensuite très difficile de se rattraper :

99. O : Donc ce qui manque aux élèves c’est un peu le travail autonome ?

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pas, les élèves en difficulté, ce qui leur manque c’est déjà l’attitude qu’ils avaient en Troisième face au travail. Donc, ils sont rentrés en Seconde avec des lacunes, c’est en arrivant en Seconde avec des lacunes, bon, n’ont pas fait l’effort de les combler. Pourquoi ? C’est pas forcement de la mauvaise volonté. Certains ont quand même essayé en début d’année, mais devant l’ampleur de la lacune qu’ils avaient à combler, ils ont complètement laissé les bras. Et puis ensuite, au fur et mesure, s’ils n’ont pas suivi régulièrement, ils sont perdus. C’est un peu la même constatation que l’on fait en physique et le temps perdu à ce moment là et ils ont de ... ils lâchent pied… alors là, ils font n’importe quoi.

Le professeur va ensuite déclarer que ces manques concernent en grande partie les méthodes de travail, le travail mathématique, le travail autonome lui-même. Mais, avec insistance, il martèle que le plus grand des problèmes est celui du travail à la maison :

102. EB. […] Donc, il y a méthode de travail ; il y a également quelques lacunes, mais c’est

surtout le fait de voir que depuis quelque temps les générations d’élèves, la plupart, ont perdu le goût du travail à la maison. On ne travaille pas à la maison.