L’enseignement modulaire

Introduit dans le cadre de la reforme des Lycées de 1992, l’enseignement modulaire a été conçu, selon les rédacteurs des programmes, pour répondre à la fois aux exigences des apprentissages, notamment

méthodologiques, requis à ce niveau de l’enseignement scolaire et à leur mise en œuvre pour des élèves dont les besoins sont naturellement hétérogènes.72 _{Il a été mis en place par la note de service}

du 25 mai 1992 et le bulletin officiel, n°23 du 4 juin 1992.

L’enseignement modulaire est organisé pour tous les élèves dans les disciplines suivantes : français, langue vivante 1, histoire - géographie, mathématiques. Il s’agit des disciplines déjà pratiquées par tous les élèves au Collège et ils le pratiqueront en Première quelque soit le choix de série qu’ils effectueront. Les quatre disciplines disposent du même horaire hebdomadaire pour les modules, soit 3/4h pour les élèves et 1h30 pour le professeur.

La mise en place de l’enseignement modulaire s’appuie donc sur l’idée que les élèves venant du Collège ont des besoins très divers, notamment au niveau de la méthode de travail requise au Lycée. Il est souligné que la mise en place des modules ne doit en aucun cas conduire à un schématisme implicite de ceux-ci comme modules de « soutien » ou « d’approfondissement » qui répondent très mal, selon les rédacteurs, à la diversité des élèves :

La classe de seconde constitue un palier dans la scolarité secondaire : les connaissances ou compétences acquises au Collège doivent être renforcées et les apprentissages, notamment méthodologiques, propres au lycée doivent être amorcés. Devant faire face à cette exigence pédagogique, les professeurs sont par ailleurs confrontés à l’hétérogénéité des élèves : variété des formations reçues au Collège, diversité de celles envisagées pour le cycle terminal, degrés très inégaux de maturité et de motivation. Enfin, de nombreux professeurs estiment que la conjonction

71 _Idem.

des exigences légitimes en classe de seconde et de l’hétérogénéité des élèves ne les placent pas en position de traiter la totalité des objectifs du programme de cette classe ; cette situation appelle de toute évidence des dispositions appropriées.

Dans cette perspective, l’enseignement modulaire prévoit un enseignement en groupe à effectif restreint pour trouver des réponses à certains problèmes pédagogiques que la classe entière, pour des

raisons d’effectif et d’hétérogénéité, ne permet pas de traiter. Nous pouvons en déduire que l’enseignement modulaire n’inaugure pas un enseignement original mais se propose comme un dispositif mieux adapté à des contraintes pédagogiques. Par ailleurs, les textes officiels précisent bien les apports des heures de modules quant à ces contraintes mais n’indiquent en aucun lieu s’il faut tenir compte de nouvelles démarches d’enseignement pendant ces heures. De même, la prise en charge par le professeur de l’étude autonome des élèves lors des heures de module n’est pas mentionnée comme un des objectifs de l’enseignement modulaire.

Créé par le souci de répondre aux questions qui se posent vivement autour de l’hétérogénéité des élèves, de l’existence des besoins individuels et de la diversité des parcours, l’enseignement modulaire semble uniquement offrir aux professeurs une plage d’horaire plus souple. Cependant, les ambitions des textes officiels semblent dépasser largement ce qu’un professeur pourrait réaliser en trois quarts d’heures impartis, surtout en l’absence de toute précision quant aux modalités de ce qui est vraiment attendu :

Il est important par ailleurs que les professeurs concernés prennent conscience qu’ils disposent avec l’enseignement modulaire d’un moyen d’observation des élèves et de dialogue avec eux qui facilite les choix pédagogiques pour l’ensemble de leur enseignement. Ainsi, les modules doivent leur apparaître comme une possibilité qui leur est donnée, en partant des pratiques qui ont déjà actuellement cours dans les classes, de mieux faire ce qu’ils font au service des objectifs de leur enseignement.73

À côté des problèmes pédagogiques assez généraux concernant tantôt le traitement de l’hétérogénéité des élèves tantôt leur rythme de travail, les textes officiels parlent aussi, en quelques lignes, de la régulation des apprentissages menés en classe entière, d’amélioration des apprentissages par une approche différente du savoir, etc. Des objectifs sans doute impossibles à atteindre pour les professeurs s’ils s’appuyaient uniquement sur leurs pratiques professionnelles au quotidien, pratiques pourtant évoquées comme seul bagage disponible pour y parvenir.

Par conséquent, l’enseignement modulaire apparaît comme sujet à des glissements méthodologiques et risque fort de devenir systématiquement des modules de soutien ou d’approfondissement – malgré les mises en garde du programme- des lieux qui privilégient les exercices et l’application du cours faits en classe entière.

Des questions pratiques se posent également pour le bon fonctionnement des modules. Si aucune modalité particulière n’est imposée au professeur, il est cependant précisé que la répartition des élèves

Chapitre 8

Classe de Seconde comme une institution particulière d’étude

en groupe doit se faire en fonction des besoins individuels des élèves et ne devrait en aucun cas conduire à la constitution de groupes de niveau ou au partage de la classe de façon aléatoire en fonction d’un effectif fixé arbitrairement à l’avance. Or, les modules sont proposés pour quatre disciplines, ce qui peut naturellement conduire, dans la pratique, à une organisation de l’emploi du temps en procédant à la constitution des groupes une fois pour toutes, affectant les élèves à un module ou à un autre. Les besoins des élèves n’étant pas les mêmes d’une discipline à l’autre, il serait alors très difficile de répondre aux objectifs officiels des heures de modules. C’est sans doute pour cette raison que les modules de 1992 semblent devenus aujourd’hui des simples demi-classes, ce que nous avons pu observer dans les pratiques quotidiennes.