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3.2. L’impact de cette réforme sur la pratique des officinaux

3.2.4. La responsabilité du pharmacien

La responsabilité est, selon le dictionnaire Larousse, « l’obligation ou la nécessité morale de répondre, de se porter garant, de ses actions ou de celles des autres »415.

3.2.4.1. Généralités

Le pharmacien est représenté et encadré par un ensemble d’institutions et d’organismes publics et privés très divers. Il se doit de répondre à ses responsabilités telles que la nécessaire préservation de liberté de son jugement professionnel au vue de toute situation pouvant nécessiter son intervention, l’impossibilité de perdre son indépendance, le secret professionnel qui s’impose à lui et à ses collaborateurs, son obligation de dévouement envers toute personne ayant recours à lui, son devoir de secours à toute personne en danger et l’aide de terrain qu’il apporte aux autorités de santé dans la protection sanitaire.

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166 La garantie de sécurité et de qualité qu’apporte le pharmacien est le fondement du monopole qui lui est accordé sur la préparation et la délivrance du médicament. Sa responsabilité personnelle constitue une garantie pour le patient ; elle comporte la responsabilité morale et sociale vis-à-vis du public et la responsabilité légale très stricte. Effectivement, le médicament étant un produit très réglementé, le pharmacien est un professionnel de santé soumis à une réglementation à la fois complexe et rigoureuse. Il peut voir sa responsabilité engagée sur plusieurs terrains juridiques : le civil, le pénal et le disciplinaire. Le pharmacien peut donc être engagé sur le fondement de sa responsabilité personnelle civile et/ou pénale, et/ou disciplinaire (relevant de ses pairs).

3.2.4.1.1. La responsabilité civile

Le Code civil définit la responsabilité civile à l’article 1 382 : « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer »416. Il s’agit donc de l’obligation de répondre et de réparer tout dommage qu’une personne causerait à une autre, que ce soit du fait de la mauvaise exécution d’un contrat (on parle alors de responsabilité civile contractuelle) ou par tout autre cause : d’un fait personnel, de la chose dont une personne peut avoir la garde, ou d’une autre personne dont elle a la charge (on parle alors de responsabilité civile délictuelle, parfois du fait d’autrui). La personne engageant sa responsabilité concernant un dommage a alors obligation de le réparer. Pour que la responsabilité du pharmacien soit mise en œuvre, il faut qu’il ait commis une faute dont un dommage en résulte et que le lien de causalité entre les deux soit prouvé. N’oublions pas la particularité pour un pharmacien : sa responsabilité civile peut se voir engagée au titre des actes accomplis au sein de son officine, tant par lui-même que par le personnel dont il a la responsabilité417.

Le terme « faute » désigne une situation dans laquelle, volontairement ou non, une personne nuit à une autre. L’erreur de la conduite est appréciée par rapport au standard imposé par la loi, à celui reconnu par la jurisprudence ou à celui utilisé dans la société. Le rôle du pharmacien est d’assurer dans son intégralité l’acte de dispensation du médicament, associant à sa délivrance l’analyse pharmaceutique de l’ordonnance médicale s’il y en a une, la préparation éventuelle des doses à administrer, et la mise à disposition des informations et conseils nécessaires au bon usage du médicament. On peut alors classer ses fautes en quatre catégories : les fautes inhérentes à la qualité du produit vendu, les fautes dans l’exécution des prescriptions, les fautes dans le contrôle des ordonnances ainsi que les fautes dans l’octroi de conseils.

Une personne ne peut poursuivre une autre sans qu’elle ait subit un préjudice. Il doit être certain, direct et déterminé pour pouvoir être réparable. Bien que tous les dommages de la vie ne puissent pas être réparables, la partie lésée doit pouvoir être prise en considération par la loi. Cependant, en absence de préjudice, il sera impossible d’engager la responsabilité du pharmacien, même s’il a commis une erreur dans l’exercice de son art comme, par exemple, une erreur de dosage ou une erreur de délivrance n’ayant eu aucune conséquence dommageable.

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Code civil - Article 1382 | Légifrance. at <http://www.legifrance.gouv.fr>. 417

Responsabilité du pharmacien - Cabinet d’avocat | Scotti avocat. at <http://www.scotti- avocat.fr/Publications/Responsabilite_du_pharmacien.html>.

167 Il faut enfin que le dommage causé soit une conséquence logique, directe et accessoirement immédiate du fait fautif reproché. C’est à la partie déposant la plainte de prouver cette relation418.

La peine encourue sera le versement de dommages et intérêts pour réparer au mieux le préjudice causé. Et ce versement sera pris en charge par l’assurance responsabilité civile obligatoirement souscrite par le pharmacien titulaire.

3.2.4.1.2. La responsabilité pénale

La responsabilité pénale régit les rapports de l’individu avec la société dont il a troublé l’ordre. L’article 121-1 du Code pénal mentionne que « nul n’est responsable pénalement que de son propre fait »419 et il est complété par le deuxième alinéa : « les personnes morales [...] sont responsables pénalement [...] des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants »420. Le titulaire est donc responsable pénalement de ses salariés et de lui-même. Sa responsabilité est engagée dans la surveillance des actes pharmaceutiques, dans la garantie de la santé publique ou bien lorsqu’il dispense des produits à risque comme les stupéfiants. Il encourt un risque pénal s’il ne respecte pas scrupuleusement les règles de dispensations propres à ces produits. Cette responsabilité est aussi mise en jeu dans les prestations sociales, en cas de conduite malhonnête auprès des organismes payeurs421.

Les sanctions auxquelles s’expose le pharmacien sont une amende et une privation de ses libertés par une peine d’emprisonnement (avec sursis ou non).

3.2.4.1.3. La responsabilité disciplinaire

Etant inscrit à l’Ordre, le pharmacien est justiciable par les chambres disciplinaires et les sections des assurances sociales de l’Ordre des Pharmaciens. Il devra répondre devant ses pairs de ses manquements au Code de déontologie, au Code de la santé publique (à l’égard de la clientèle ou de ses confrères), ainsi que des mauvaises dispensations des prestations sociales (Code de la sécurité sociale). La faute disciplinaire est donc une violation des règles de la déontologie pharmaceutique qui ont pour objet la garantie d’une compétence mise au service de la population, établie sur une relation de confiance. Rappelons que la déontologie a un caractère obligatoire et s’applique à tous les membres de la profession422.

Elle est punie par un avertissement ou un blâme avec inscription au dossier, accompagnée ou non d’une interdiction temporaire ou définitive d’exercer la pharmacie.

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Responsabilité juridique du pharmacien d’officine - Rmyone ZINMANKAN | Memoire online. at

<http://www.memoireonline.com/04/10/3312/m_Responsabilite-juridique-du-pharmacien-dofficine1.html>, 2005. 419

Code pénal | Légifrance. at <http://www.legifrance.gouv.fr>. 420

Op. cit. ref. 419. 421

Op. cit. ref. 417. 422

168 Notons que pour un même manquement, plusieurs responsabilités peuvent être simultanément mises en cause, ce qui provoque alors le cumul des peines engendrées.

3.2.4.2. L’exonération ou le partage des responsabilités

Il en est ainsi, l’exonération de responsabilité s’applique dès lors que le pharmacien d’officine n’est pas responsable du préjudice entrainé par la délivrance de médicament, lorsque la faute est imputable à un autre que lui-même. Ainsi, le médecin prescripteur peut être le seul déclaré responsable du dommage si le pharmacien l’avait averti du caractère anormal d’une prescription et que le médecin lui a confirmé sa prescription.

Mais le pharmacien peut aussi voir sa responsabilité retenue avec un autre professionnel de santé (médecin, infirmier, etc.). Prenons l’exemple d’un cas passé de la Cour d’Assise de Rouen il y a plusieurs années : un médecin prescrit deux médicaments sans attirer l’attention du patient quant à la nécessité de ne pas prendre simultanément les deux produits non compatibles. Les deux professionnels seront retenus solidairement responsables, chacun pour moitié, le pharmacien n’ayant pas non plus mentionné la contrainte de prise au patient423. Le pharmacien titulaire peut aussi avoir sa responsabilité engagée et partagée avec son pharmacien adjoint dans certains cas.

3.2.4.3. La responsabilité du pharmacien-conseiller

La responsabilité civile du pharmacien d’officine a d’abord été considérée comme étant de nature délictuelle. Il est désormais admis qu’elle soit de nature contractuelle dans la mesure où les relations entre le pharmacien et le client s’inscrivent dans le cadre juridique d’un contrat par une ordonnance ou par les nouvelles procédures de suivi et d’accompagnement du patient prévu légalement.

Le pharmacien a un rôle important dans la délivrance des médicaments. Il doit compléter les indications de l’ordonnance, et informer le patient sur les modalités de prise du traitement. Ce devoir de conseil est précisé par l’article R5015-48 du CSP aux termes desquels le pharmacien doit associer à la délivrance de médicaments « la mise à disposition des informations et des conseils nécessaires au bon usage des médicaments »424. La rigueur est donc de mise pour empêcher toute faute dans l’émission de conseils. Sa fonction de conseiller s’est développée ces dernières années avec l’automédication et l’augmentation du volume des ventes de médicaments sans ordonnance. Le CSP prévoit, en effet, que le pharmacien ait « un devoir particulier de conseil lorsqu’il est amené à délivrer un médicament qui ne requiert pas une prescription médicale »425. Cet impératif est limité par l’article R5013-63 par l’interdiction de formuler un diagnostic, même si cela est toujours très délicat puisque la prise en charge du patient nécessite l’établissement d’un pré-diagnostic de manière à pouvoir orienter le conseil. Il ne doit effectivement à aucun moment se soustraire au médecin et risquer de se rendre

423

Op. cit. ref. 417. 424

Code de la santé publique - Article R5015-48 | Légifrance. at <http://www.legifrance.gouv.fr>. 425

169 coupable d’exercice illégal de la médecine. Il devra inciter son client à consulter un médecin si cela lui paraît nécessaire426.

Cette même responsabilité dans le conseil semble s’appliquer au cours des entretiens pharmaceutiques. Le pharmacien doit, bien entendu, tenir des propos véridiques, concrets et basés sur une connaissance sûre. Assurément, un entretien sera un succès seulement si le pharmacien a une bonne connaissance de la pathologie, une formation continue adaptée et essentiellement des propos justes et conformes à la science, afin que le patient reçoive du corps médical, un discours cohérent et non-divergent.

L’environnement juridique, dans lequel le pharmacien d’officine évolue, ne laisse que peu de place à l’acte vaguement réfléchi. La rigueur imposée par les lois est le reflet d’une profession droite, conforme au serment qu’elle a prêté : « Je jure [...] de ne jamais oublier ma responsabilité et mes devoir envers le malade et sa dignité humaine » (extrait du Serment de Galien). Avec la réforme, le pharmacien assiste, avec l’élargissement de son panel d’activités, à l’alourdissement de ses responsabilités en matière de santé publique. Chaque activité pharmaceutique ayant un cadre légal qui lui est propre, le risque de travailler hors-la-loi à l’officine n’a pas lieu d’être, à condition de suivre au plus près possible les règles recommandées.