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1.3. Les enjeux financiers de ces nouvelles mesures

1.3.1. Les dépenses de santé

1.3.1.1. Le système budgétaire de la santé

La manière dont on parle du financement de la santé est inadapté au vrai sens des mots employés. En effet, improprement appelé « Trou de la sécurité sociale », le terme de déficit de la sécurité sociale désigne plus justement un manque dans le budget de l’Etat, puisque la sécurité sociale n’a pas de budget143. Il ne concerne pas seulement la branche Maladie de la sécurité sociale recouvrant les risques que sont la maladie, la maternité, l’invalidé et le décès. Les quatre autres branches, à savoir la branche Accidents du Travail et Maladies Professionnelles (AT/MP), la branche Famille, la branche Retraite, et la branche Cotisations et recouvrements en font parties144. Jusqu’à la création du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) par le Plan Juppé de 1995-1996, le « déficit » était en réalité un « besoin de financement » lié à un décalage entre le taux de progression des recettes et celui des dépenses. Et même depuis 1997, il est délicat de parler de « budget » puisque le Parlement se prononce sur un Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM) et une prévision de recettes.

Historiquement, le solde financier de la sécurité sociale passe définitivement dans le rouge dans les années 1990, à cause de la récession économique importante. Dès lors, l’amélioration des « comptes » de l’assurance maladie ne consistera qu’en une réduction de déficit. Il n’y aura plus de retour à l’équilibre et les dépenses de santé ne cesseront de croitre. Afin de limiter cette perte, les gouvernements successifs ont cherché de nouveaux modes de financement. En 1991, la Contribution Sociale Généralisée (CSG) est conçue pour financer, initialement, la seule branche Famille qui s’est agrandie progressivement. La CSG est un impôt prélevé à la source sur la plupart des revenus, son taux variant selon le type de revenu et la situation de l’intéressé. Actuellement, la CSG sert à financer les dépenses relevant des prestations familiales, des prestations liées à la dépendance, de l’assurance maladie et des prestations non contributives des régimes de base de l’assurance vieillesse145. La Caisse d’Amortissement de la DEtte Sociale (CADES) est créée en 1996. Elle est alimentée par la Contribution au Remboursement de la Dette Sociale (CRDS), nouvel impôt prélevé à la source sur les revenus d’activités, les revenus de remplacement tels que les indemnités de chômage, les revenus du patrimoine et les revenus de placements. Un taux unique est appliqué sur le revenu brut, quel que soit

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Le « trou de la Sécu », trou noir du débat public sur la réforme du système de santé français | EM-Premium. at <http://www.em-premium.com>, juin 2013.

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Le portail du service public de la sécurité sociale / La sécurité sociale ne concerne pas que l’assurance maladie | Sécurité sociale. at <http://www.securite-sociale.fr/La-Securite-sociale-ne-concerne-pas-que-l-Assurance-maladie>.

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66 le revenu concerné. La CRDS s’applique à une assiette de revenus plus large que celle de la CSG146. Notons qu’elle devait être prélevée à titre temporaire jusqu’au 31 janvier 2014, mais qu’elle continuera à être perçue jusqu’à la résorption de la dette sociale, selon une disposition instituée par la loi du 13 août 2004, relative à l’assurance maladie147. Initialement prévue en 2009, la fin de vie de la CADES a été repoussée. Au premier semestre 2013, la CADES a amortie 76,8 milliards d’euros de dettes depuis 1996148. Une autre partie des recettes est prélevée par des taxes diverses, sur l’alcool et le tabac notamment. En effet, ces produits sont de gros pourvoyeurs de complications de l’état de santé de la population et entrainent des dépenses de santé accrues à cause de leur consommation. Leur taxation permet d’aider à palier au financement des pathologies qu’ils engendrent149.

D’autre part, un projet de budgétisation des dépenses d’assurance maladie a pris forme. Le budget global hospitalier en a été une première concrétisation. Sous le gouvernement Juppé, le plan de novembre-décembre 1995 crée l’ONDAM, suite à la mise en place du PLFSS. L’ONDAM, voté dans le cadre de la LFSS, est censé garantir que l’enveloppe accordée à la santé soit respectée. Il s’agit ici de démontrer la détermination du gouvernement à maîtriser les dépenses de santé. L’ONDAM n’est tenu que depuis 2010, mais son seuil n’a cessé d’augmenter, probablement car l’objectif demandé est plus réaliste et en accord avec la situation actuelle. Le budget de l’ONDAM a presque doublé en quinze ans [Annexe 3c]. De même, on note, pour l’année 2013, une augmentation de 2,7% de l’ONDAM. On observe aussi ces derniers temps un ralentissement de la croissance des dépenses de santé, notamment grâce à une responsabilisation financière des assurés sociaux et une diminution de la prise en charge de nombreux médicaments150.

L’état dégradé des comptes de l’assurance maladie est donc le cumul de l’évolution d’un système qui n’a pas réussi à s’adapter. A titre informatif, les dépenses d’assurance maladie ont augmenté en moyenne de 4,2% par an entre 2002 et 2011151. De plus, la récession économique dans laquelle est plongée l’économie française depuis la crise financière de 2008 n’aide pas à résoudre la situation. Ce sont les recettes qui s’effondrent et non les dépenses de santé qui augmentent. En effet, la hausse du chômage, par exemple, entraine une diminution des perceptions sur les revenus. Ainsi, la maîtrise des dépenses de santé passe immanquablement par la maîtrise des dépenses publiques de l’assurance maladie152.

1.3.1.2. Le financement de la sécurité sociale

Les politiques de maîtrise des dépenses de santé se sont focalisées sur le contrôle de l’offre de soins, l’instauration de procédures de financement pour certaines activités, le contrôle des tarifs et des prix et la restriction de la prise en charge de certains soins et biens médicaux153.

146 Définitions et méthodes - Contribution pour le Remboursement de la Dette Sociale (CRDS) | INSEE. at <http://www.insee.fr>.

147

Op. cit. ref. 20. 148

Accueil - Caisse d’Amortissement de la DEtte Sociale | CADES. at <http://www.cades.fr/index.php?lang=fr>. 149

Op. cit. ref. 143. 150

Op. cit. ref. 143. 151

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 : Assurance maladie | Sénat. at <http://www.senat.fr/rap/l13- 126-2/l13-126-21.html>, 2013.

152

Op. cit. ref. 143. 153

Centre Hospitalo-Universitaire de Nantes - Institut de Formation en Soins Infirmiers | IFSI. at <https://www.chu- nantes.fr>.

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1.3.1.2.1. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale

Chaque fin d’année depuis son instauration, un Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) est voté pour l’année suivante. Le PLFSS pour 2014 a été présenté le 26 septembre 2013 par Marisol Touraine, Ministre des Affaires Sociales, au Ministère154. Il a pour objet de déterminer les conditions générales d’équilibre des comptes sociaux, d’établir les prévisions de recettes et de fixer les objectifs de dépenses155.

Le PLFSS pour l’année 2014 s’inscrit dans la continuité de celui de 2013, avec la poursuite du rétablissement des comptes de la sécurité sociale, des dépenses sociales maîtrisées et plus efficaces grâce à des réformes de structure, ainsi que la maîtrise des dépenses par le respect de l’ONDAM. Le PFLSS 2014 est la première étape dans la mise en œuvre de la stratégie nationale de santé. Il s’oriente, pour cette nouvelle année, dans différentes directions :

- renforcer les soins de premier recours, dans le cadre du pacte territoire-santé, par des coopérations interprofessionnelles, ou encore par la télémédecine ;

- rénover la stratégie de soutien aux investissements des établissements de santé ;

- engager la réforme du financement des établissements de santé, en prenant en compte les établissements isolés, une meilleure maîtrise des volumes d’activités ainsi que l’expérimentation d’un financement au parcours ;

- poursuivre l’effort en faveur des personnes âgées et handicapées ;

- améliorer l’accès aux soins, notamment par une nouvelle étape dans la généralisation de la complémentaire santé. Pour tous les assurés des complémentaires de santé, les exigences des contrats solidaires et responsables au service de la régulation du système de santé ainsi que ceux de la limitation des restes à charge seront renforcés. Le panier de soins minimal sera amélioré, tout en dissuadant les pratiques tarifaires abusives ;

- améliorer l’aide au sevrage tabagique chez les jeunes de 20 à 25 ans ;

- mettre en œuvre le tiers-payant pour les actes en lien avec la prescription d’un contraceptif à une mineure de plus de 15 ans ;

- mettre en œuvre une politique de produits de santé efficiente et favorable à l’innovation, grâce à des engagements du Conseil stratégique des industries de santé, par l’expérimentation de la dispensation des médicaments à l’unité pour certains antibiotiques, ainsi que par la mise en place d’un répertoire des biosimilaires ;

- adapter le pilotage financier du système de santé par l’identification d’un sous objectif de l’ONDAM pour le fond d’intervention régionale par exemple156.

Le PLFSS 2014 met aussi en œuvre des décisions relatives à la rénovation de la politique familiale comme la majoration du complément familial pour les familles sous le seuil de pauvreté, ou encore la modulation de l’allocation de base de la Prestation d’Accueil du Jeune Enfant (PAJE) et l’alignement progressif de son montant sur celui du complément familial. Il prévoit aussi de limiter les dépassements d’honoraires par les médecins en plafonnant la prise en charge de ces surcoûts par les mutuelles157.

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Op. cit. ref. 151. 155

Sécurité sociale | Sénat. at <http://www.senat.fr/dossier-legislatif/plfss2014.html>, 2013. 156

Présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 | Ministère de l’Economie et des Finances. at <http://www.economie.gouv.fr/projet-de-loi-de-financement-de-la-securite-sociale-pour-2014>, septembre 2013.

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68 Brièvement, le déficit devrait s’établir en 2014 à 12,8 milliards d’euros pour le régime général et les fonds de solidarité vieillesse, soit une réduction du déficit d’environ trois milliards d’euros par rapport à 2013, puisqu’il était prévu à 16,2 milliards d’euros. En chiffres prévisionnels pour 2014, les comptes de la branche famille bénéficieront de la modulation de l’allocation de base de la PAJE, de la majoration du complément familial et celle de l’allocation de soutien familial, ainsi que du plafonnement de l’avantage fiscal découlant de la présence d’enfants au foyer. Son déficit devrait s’établir à 2,3 milliards d’euros. Le déficit de la branche vieillesse devrait se réduire à 1,2 milliards d’euros, notamment grâce à une hausse de 0,15 point des cotisations patronales et salariales. Pour la branche maladie, la hausse est limitée à 2,4% de l’ONDAM afin de réduire son déficit à -6,2 milliards d’euros. Enfin, la branche AT/MP enregistrerait un léger excédent de cent millions d’euros158.

1.3.1.2.2. Les financeurs de la santé

Concrètement, les financeurs du système de santé sont la sécurité sociale, les assurances complémentaires et les ménages. Pour l’année 2012, on note une stabilisation de la part prise en charge par l’assurance maladie et une augmentation de celle des organismes complémentaires. En effet, la Consommation des Soins et Biens Médicaux (CSBM) est principalement financée par la sécurité sociale qui prend en charge 75,5% de ces dépenses (comme en 2011). La part de la CSBM réglée par les ménages s’est stabilisée sur la période 2009-2012 et s’élève à 9,6%, soit 17,6 milliards d’euros en 2012. Cette dépense est toutefois à la hausse puisqu’elle représentait seulement 9% en 2005. Mais le montant restant à la charge des ménages varie selon les secteurs. Il est élevé pour l’optique et les soins dentaires, mais reste faible pour le transport des malades et les soins hospitaliers, à une hauteur de 3% environ. La part des dépenses financées par les organismes complémentaires est en hausse continue et régulière au cours des dernières années. Elle était de 12,4% en 2000 et atteint 13,7% en 2012. La participation de ces différents financeurs varie de manière importante selon les services rendus. Les soins hospitaliers sont très largement fiancés par l’assurance maladie obligatoire, à hauteur de 90,8%. Les organismes complémentaires assurent 5,2% de ce secteur, contre 3,6% en 2000, en raison à la fois des hausses du forfait journalier et des tarifs journaliers de prestations dans les hôpitaux publics, ainsi que l’introduction de la participation forfaitaire sur les actes lourds depuis 2008. Les soins de ville ne sont en revanche pris en charge par la sécurité sociale qu’à 62,5% en 2012, contre 65,5% en 2000. Les ménages et les organismes complémentaires assurent respectivement 13,4% et 22,4% du financement de ces soins. Le financement des médicaments est assuré à 65,9% par la sécurité sociale, 14,6% par les organismes complémentaires et 18,3% par les ménages. On observe une nette diminution de la part des complémentaires de santé, qui s’élevait à 18,7% en 2000 et 16,2% en 2008. Cette baisse s’explique principalement par des mesures de déremboursement mises en œuvre depuis 2006 et l’instauration en 2008 d’une franchise de cinquante centimes d’euro par boîte de médicament délivrée. Logiquement, cela a aussi réduit la part de la sécurité sociale et augmenté la participation des ménages dans ce secteur159.

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Op. cit. ref. 156. 159

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