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1.3. Les enjeux financiers de ces nouvelles mesures

1.3.2. La maîtrise médicalisée des dépenses de santé

1.3.2.2. Le médicament et la maîtrise médicalisée des dépenses de santé

1.3.2.2.2. Le marché du médicament

1.3.2.2.2.1. La régulation de la demande de médicaments

Le marché français du médicament avoisine 27,2 milliards d’euros en prix fabricant, dont 21,1 milliards d’euros par les ventes aux officines. On assiste actuellement à un ralentissement de la consommation puisque les ventes aux officines ont reculé de 2,8% en 2012 et globalement, le marché est en recul de 1,5%194. Les médicaments remboursables représentent la part la plus importante dans la consommation totale. Freiner la consommation de médicaments sera une source d’économie non négligeable. Plusieurs pistes ont été explorées pour réguler la demande de médicaments.

D’emblée, la modulation du montant du Ticket Modérateur (TM), c’est-à-dire la part de la dépense restant à la charge de l’assuré, non pris en charge par l’assurance maladie, a eu un impact limité puisque les organismes complémentaires ont pris en charge la plupart des frais supplémentaires qui n’étaient pas remboursés par la sécurité sociale. Rappelons que les médicaments remboursés sont jusqu’alors tous vignettés, la couleur de la vignette correspondant au pourcentage de prise en charge par la sécurité sociale. Les vignettes blanches indiquent un remboursement à hauteur de 65% par l’assurance maladie, 30% pour les bleues et 15% pour les oranges. Toutefois, le Ministère de la santé a demandé à l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) d’étudier la suppression de la vignette pharmaceutique puisqu’elle n’est presque plus utilisée dans la facturation des ordonnances grâce à la carte vitale et les échanges électroniques avec les caisses d’assurances maladies. Notons que les pharmaciens, mais aussi les professionnels de santé, sont incités, par une rémunération, à la numérisation et la télétransmission pour leur facturation de soins195. Toutefois, ces rectangles de papiers autocollants indiquent en clair le prix et le taux de remboursement. De nouveaux codes-barres bidimensionnels appelés Datamatrix sont apparus depuis 2011, intégrant en plus du Code Identifiant de Présentation (CIP) à treize chiffres désormais, le numéro de lot de fabrication, la date de péremption, le numéro de série, le prix, le taux de remboursement et le TFR si nécessaire. Ces codes permettent d’intégrer une grande quantité d’informations numériques sur une petite surface carrée et permettront à l’avenir une meilleure traçabilité du médicament196. Actuellement, les Datamatrix accompagnent les vignettes, mais ils les remplaceront surement un jour. Notons que la pharmacie vétérinaire est déjà entièrement codifiée avec ce marquage, et ne comporte plus de code-barres traditionnel sur ses boites. Sans la vignette, le prix des médicaments pourra alors être très aisément modulable. L’emploi du prix du médicament comme outil de régulation de la dépense pharmaceutique est donc à la réflexion. En parallèle, le risque de freiner l’accès aux soins d’une partie de la population ne pouvant se doter de complémentaire santé s’est accru ces derniers temps. En effet, les bénéficiaires

193

Op. cit. ref. 173. 194

Op. cit. ref. 168. 195

La suppression de la vignette pharmaceutique - Evaluation des modalités de mise en œuvre - Inspection Générale des Affaires Sociales | IGAS. at <http://www.igas.gouv.fr>, 2012.

196

Accueil - Le Pharmacien de France | Le Pharmacien de France. at <http://www.lepharmacien.fr/avril-2009/tracabilite-la- codification-decodee.html>, avril 2009.

76 de la Couverture Maladie Universelle Complémentaire (CMU-C) sont en augmentation. Au 31 octobre 2012, on dénombre 4 502 572 bénéficiaires de la CMU-C pour la France entière, tous régimes confondus, soit une progression de 2,4% par rapport au mois d’octobre 2011197. Depuis la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie198, c’est à la HAS que revient la compétence sur le dispositif du ticket modérateur, et c’est elle qui propose l’actualisation de la liste d’exonération199.

Les efforts de régulation portent aussi sur les déremboursements de médicaments. Depuis les années 1970, de multiples plans de sauvetage de la sécurité sociale portant sur les déremboursements de classes de médicaments ont été adoptés. Par exemple l’arrêté du 3 août 2012 portant radiation (de spécialités pharmaceutiques de la liste des médicaments remboursables dérembourse vingt trois produits200. On remarque aussi une tendance à la diminution du taux de remboursement des médicaments avant un déremboursement total, voire un retrait du marché. Cela a récemment été le cas du Myolastan®, composé d’une benzodiazépine utilisée comme décontractant musculaire : le tetrazepam, indiqué dans le traitement des contractures musculaires douloureuses en rhumatologie, en association aux traitements spécifiques. En 2006, la Commission de la transparence, chargée d’évaluer les médicaments ayant reçu une AMM en vue de leur inscription à la liste des médicaments remboursables201, avait estimé que les données d’efficacité disponibles ne permettaient pas d’apprécier l’efficacité de cette spécialité dans son indication prévue dans son AMM. En 2011, la Commission a précisé qu’elle ne souhaitait pas favoriser l’usage d’une benzodiazépine dans cette indication puisque parmi les effets indésirables des benzodiazépines se trouvent les risques de somnolence, de dépendance, d’amnésie, de troubles du comportement... En l’absence de données pertinentes démontrant son intérêt clinique, cette spécialité n’a plus sa place dans la stratégie des contractures musculaires douloureuses en rhumatologie202. Le tetrazepam passe en vignette orange fin 2010, il est déremboursé le 1er décembre 2011 et retiré du marché français le 8 juillet 2013, à cause d’une balance bénéfices-risques non favorable à son utilisation car il créait de trop nombreuses réactions cutanées, selon un point d’information publié par l’ANSM203. En effet, la loi de réforme de l’assurance maladie204 prévoit le déremboursement de médicaments ayant un Service Médical Rendu (SMR) insuffisant. Evidemment, il en découle par la suite une baisse immédiate des prescriptions des médicaments non remboursés, puisqu’il est peu concevable qu’un patient prenne du temps pour aller chez le médecin et reçoive une prescription ne comportant que des médicaments non remboursés, alors que l’ordonnance aurait permis un éventuel remboursement. Pourtant cela arrive parfois quand l’ensemble de la classe thérapeutique a été déremboursé comme c’est le cas des antiseptiques nasaux utilisés dans le traitement de la rhinite. Mais il ne faut pas assimiler le médicament à prescription obligatoire en tant que spécialité pharmaceutique systématiquement prise en charge par la sécurité sociale. La liste des médicaments remboursables par l’assurance maladie est consultable sur son site internet. Le déremboursement concerne principalement les médicaments intervenant dans des pathologies bénignes comme la rhinite ou l’insuffisance veineuse. La priorité est donnée au traitement des ALD. Toutefois, les mesures d’économies réalisées par le biais du déremboursement sont payées

197

CMU : Couverture Maladie Universelle | CMU. at <http://www.cmu.fr/fichier- utilisateur/fichiers/ReferencesCMU50.pdf>, janvier 2013.

198 Op. cit. ref. 20. 199

Op. cit. ref. 171. 200

Arrêté du 3 août 2012 portant radiation de spécialités pharmaceutiques de la liste mentionnée au premier alinéa de l’article L. 162-17 du code de la sécurité sociale, JO n°0185 du 10 août 2012 | Légifrance. at <http://www.legifrance.gouv.fr>. 201

Commission de la Transparence | HAS. at <http://www.has-sante.fr>. 202

Accompagnement des mesures de déremboursement de médicaments | HAS. at <http://www.has-

sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2011-12/accompagnement_mesures_deremboursement_medicaments.pdf>, décembre 2011.

203

APIMA : Association Pour l’Informatisation MédicAle | APIMA. at <http://www.apima.org/img_bronner/1304_PI_tetrazepam.pdf>, avril 2013. 204

77 par les patients sous formes de factures plus importantes ou par un renoncement aux soins si les mutuelles ne prennent pas le relais de la prise en charge205. Certaines mutuelles ont donc développé, comme atout commercial, des forfaits de prises en charge des médicaments non remboursés.

En outre, l’automédication, correspondant à l’achat de médicaments sans ordonnance et donc non remboursables, se présente comme une démarche de responsabilisation des patients et de bon usage des médicaments. Les pouvoirs publics tentent d’encourager l’automédication puisqu’il permet d’éviter, dans la mesure du possible, la consultation médicale et ses frais, et peut, dans certains cas, remplacer des médicaments remboursables. Dans ce dispositif, le rôle du pharmacien est de mise puisqu’il est le seul professionnel de santé à guider l’usager dans le choix du traitement le mieux adapté. Toutefois ce marché est plutôt moins développé en France que dans d’autres pays voisins206. Dans le même ordre d’idée, en dépannage de la consultation médicale, les pharmaciens se sont vus autoriser à renouveler exceptionnellement, pour des ordonnances renouvelables d’au moins trois mois et déjà entièrement consommées, les traitements des patients atteints de pathologies chroniques. Ce dispositif s’applique à l’ensemble des médicaments d’un traitement chronique dont l’arrêt serait préjudiciable pour le patient. Le pharmacien est autorisé à dispenser une boite de chaque spécialité prescrite, à l’exception des médicaments stupéfiants et des substances psychotropes puisqu’ils ont une durée de prescription limitée. Cette procédure a souvent lieu en période estivale pour palier aux congés des médecins. Le pharmacien devra noter sur l’ordonnance « délivrance par la procédure exceptionnelle d’une boite supplémentaire » en indiquant la ou les spécialités concernées207.

1.3.2.2.2.2. La régulation de l’offre de médicaments

La politique conventionnelle mise en place à partir des années 1990 entre les pouvoirs publics et l’industrie pharmaceutique a pour but d’impliquer les professionnels dans la maîtrise des dépenses. Depuis l’accord-cadre signé en 1999, un taux objectif d’accroissement du chiffre d’affaire lié au médicament est défini chaque année dans le cadre de la LFSS. Il s’agit d’assurer une meilleure compatibilité du marché avec l’ONDAM, voté annuellement par le Parlement. Désormais, si ce taux est dépassé, l’industrie pharmaceutique doit payer des remises à l’assurance maladie208.

De plus, la qualité de l’information sur les médicaments mise à la disposition des médecins est capitale en termes de qualité des soins, mais aussi en matière de dépenses de santé. Les institutions publiques, telles que la HAS, ont donc un rôle majeur pour aider les médecins dans le bon usage du médicament, par opposition à celui de l’industrie pharmaceutique, plutôt porté vers un encouragement à la consommation médicamenteuse. C’est ce que regrettent les médecins dans un rapport de l’IGAS de 2007. Ils s’estiment globalement bien formés mais déplorent un manque de hiérarchisation dans les informations qu’ils reçoivent209.

D’autre part, la maîtrise médicalisée des dépenses de santé vise aussi à proscrire les comportements abusifs, que ce soit au niveau de la prescription médicale ou de la demande de consommation par les patients. Des Bonnes Pratiques (BP) ont donc été diffusées auprès des

205

Op. cit. ref. 171. 206

Op. cit. ref. 171. 207

Délivrance exceptionnelle sur la base d’une ordonnance expirée | Ameli.fr. at <http://www.ameli.fr>, décembre 2012. 208

Op. cit. ref. 171. 209

78 professionnels de santé, chacun devant exercer son art en les respectant. Mais cela ne doit pas détériorer la qualité des soins210.

Enfin, un nouveau mode de conditionnement médicamenteux a récemment vu le jour. Les premiers conditionnements trimestriels ont été commercialisés en septembre 2005, après leur autorisation en 2004211. Le CSP prévoit, en temps normal, la délivrance par les pharmaciens d’un mois de traitement, soit quatre semaines ou trente jours selon le conditionnement. Toutefois, pour permettre la prise en charge des médicaments commercialisés dans un conditionnement correspondant à une durée de traitement supérieure à un mois, le CSP autorise les médecins à prescrire pour une durée de traitement supérieure à un mois, en indiquant soit le nombre de renouvellements par périodes maximales de trois mois, soit la durée totale du traitement dans la limite de douze mois ; et il permet aux pharmaciens de délivrer ces médicaments dans la limite de trois mois de traitement212. Depuis la mise en place de ces grands conditionnements, leur progression est constante. Elle s’est même accélérée ces dernières années et devient un choix prioritaire dans la délivrance de traitements chroniques. Quand un traitement est prescrit pour une durée d’au moins trois mois, y compris au moyen de renouvellements multiples d’un traitement mensuel, et qu’un grand conditionnement est disponible pour le médicament concerné, le pharmacien doit délivrer ledit boitage, conformément à l’article L5125-23 du CSP213. Il est toutefois important de tenir compte des situations d’initiation de traitements chroniques pour lesquels la prescription d’un conditionnement moins important est souhaitable afin de s’assurer de la bonne tolérance du traitement nouvellement instauré, avant d’envisager la délivrance de grands conditionnements214. Les boites trimestrielles sont maintenant disponibles auprès des quatre principales pathologies que sont le diabète, l’hypertension, l’hypercholestérolémie et l’ostéoporose. Le prix d’une boite de trois mois est, en moyenne, de 13% inférieur à celui de trois boites d’un mois. Si on prend l’exemple de l’hypertension artérielle, qui représente des dépenses considérables pour l’assurance maladie, les économies potentielles liées à cette différence de prix atteindront près de quatre cents millions d’euros par an si la dispensation de conditionnement trimestriel était utilisée dans 60% des traitements des patients stabilisés. Pour l’année 2009, on estime à cent cinq millions d’euros les économies réalisées grâce à ces grands conditionnements. Celles-ci sont bien entendu réalisées au profit à la fois des assureurs mais aussi des patients qui économisent un euro par spécialité chaque trimestre puisqu’ils ne payent plus que cinquante centimes d’euro par boite, une fois tous les trois mois215. Aujourd’hui, près d’un quart des traitements délivrés en officine sont concernés par les conditionnements trimestriels.

Ainsi, un équilibre est constamment recherché entre trois impératifs : le maintien des performances sanitaires globales et l’accès aux soins, la qualité et la sécurité des soins, ainsi que la maîtrise des dépenses de santé. Dans un pays où le modèle médical s’est organisé autour du médecin, thérapeute et prescripteur, une grande partie des économies découle de la rédaction des ordonnances, beaucoup plus que celles pouvant provenir de la démarche collective de santé mettant en œuvre la prévention216. Le médicament est donc un enjeu majeur des économies de notre système de santé.

210

Op. cit. ref. 171. 211

N° 30 - Les traitements médicamenteux en grand conditionnement | Ameli.fr. at <http://www.ameli.fr/l-assurance- maladie/statistiques-et-publications/points-de-repere/n-30-les-traitements-medicamenteux.php>, septembre 2010. 212

Les grands conditionnements du répertoire des médicaments | Ameli.fr. at <http://www.ameli.fr>, avril 2009. 213

Code de la santé publique - Article L5125-23 | Légifrance. at <http://www.legifrance.gouv.fr>. 214

Op. cit. ref. 212. 215

Op. cit. ref. 211. 216

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