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« W : C'est à dire que longtemps on a fait l'enseignement des arts en étant vraiment axés sur la technique .. Et donc y'avait une dérive Arts Appliqués derrière, et quelque chose de très pragmatique. C'est pour ça que j'ai mis le taureau de Picasso qui ressemble vraiment à un taureau sur celui du haut, en tout cas fallait maîtriser les proportions, voilà, … Et du coup ça faisait des élèves qui étaient un peu sur le bord de la route, parce que .. on revoit hein, l'école de Jules Ferry avec, je sais pas moi,

fig. 28

(1) Nicolas Duverger, Architecte au Caue 29

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un pot de fleurs au milieu, et puis tous les enfants qui sont en train de dessiner ! Et puis ceux qui savaient bien dessiner ils avaient une bonne note et puis ben les autres, ben tant pis pour eux quoi, hein  ! Et après mai 68 en gros hein, y'a eu un autre .. là c'est parti complètement dans l'autre sens, où là c'était la créativité à tout va ! C'est plutôt le deuxième taureau là ! Qui est juste représenté par ses attributs, ses cornes, enfin voilà  ! Et chacun pouvait, pouvait on va dire interpréter les choses, en s'aff ranchissant un peu des contraintes techniques et un peu .. lier quand même un petit peu à l'idée. Même si tout s'apprend y'a quand même des gens qui sont plus ou moins doués. Donc en fait on navigue toujours un peu entre les deux en France. » (1)

L’évolution de la façon de penser l’enseignement artistique a mené, à une appréciation d’une approche plus personnelle, basée sur chaque individu et ses capacités. Les ateliers d’architecture que j’ai étudié ont été pensé implicitement pour intégrer des enfants aux profils plus atypiques, à l’image de ce que Nicolas Duverger, du CAUE 29 m’a raconté, fier :

«N :  Et surtout, ben voilà, ce qui nous a plu c’est qu’on avait identifié quelques sujets un peu turbulents, ou qui avaient du mal à fixer leur attention... Et Michelle [l’enseignante] nous a dit qu’au fil du temps elle a senti que le fait de se projeter – c’est un peu comme l’école Freinet quoi, un projet qui structure l’enseignement – ben ça les avait un peu canalisés quoi  ! […] C’est vrai, on est toujours un peu attiré par les profils où on a une espèce

de tendresse, on se dit « ben tiens, il faut un effort supplémentaire, si on veut pas qu’ils soient complètement évincés du système .. » Et si il peut prendre goût à ça ben ça le sauvera peut être un petit peu, enfin …On, on prétend pas sauver le monde, c’est pas ça que je dis, mais essayer de les intéresser quoi ! Donc ça c’était vraiment chouette ! »

L’architecture, dans ce qu’elle projette et ce qu’elle matérialise peut, comme évoqué précédemment, aider un enfant pour qui le système scolaire est peu accessible à se rattacher à quelque chose, si tant est qu’on lui en laisse la liberté. Et parler d’architecture peut aussi aider à se trouver soi-même, par l’évocation de ce que chacun veut personnellement.

« La vraie révolution commencerait par faire de l’école publique un lieu où apprendre à vivre responsable de soi-même et solidairement les uns avec les autres, âges confondus pour des tâches nécessaires à tous. »(2)écrivait Françoise Dolto. Et peut être que cette révolution peut être apportée par l’architecture, si tant est qu’elle est pensée comme une réflexion partagée, où chaque individualité est écoutée. C’était tout le projet de l’architecte Emile Aillaud, pour son projet de la Grande Borne à Grigny, pensé comme une ville pour les enfants  : «  Ce que je voudrais donner aux enfants – car sans doute pour les adultes c’est trop tard – c’est la possibilité d’accéder à l’individualité en goûtant la solitude … et d’avoir vécu, de devenir peut-être des adultes différents ». (3)

(1) Walter Saunier, Inspecteur de l’Education Nationale (2) Dolto Françoise, La Cause des enfants. Paris : Ed. Pocket, 1995. p459

(3) dir. Paquot Thierry. La ville récréative. Gollion : Ed. Infolio, 2015. p14

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L’empathie a été révélée par des études récentes, comme très importante à l’éducation de l’enfant. Ainsi, à notes égales, un enfant qui aide ses copains, finira deux ans plus tard avec des meilleurs résultats qu’un enfant qui étant enfant n’a pris ce temps que pour travailler personnellement. Car l’empathie apprend aussi l’estime de soi, et mène à l’épanouissement. à Trébédan, des projets comme le banc de l’amitié, ou la Kachbane amènent les enfants, par l’objet architectural, à exprimer de l’empathie :

«  Chacun a écrit ce qui posait problème dans l’école. 

Tous les enfants ont lu à la classe ce qu’ils avaient écrit. La maîtresse a noté. Nous avons trié les problèmes :  Il y a des papiers par terre. Cela pollue.

Des enfants marchent sur les plantes dans la cour. Elles ne peuvent pas pousser. 

Il y a des enfants qui tapent fort, qui embêtent les autres. 

Il n’y a pas assez d’espace dans la classe. 

Nous avons discuté et nous avons choisi de garder deux problèmes :  Des enfants embêtent les autres , font mal. 

Il y a des choses qui polluent à l’école.  Nous avons voté. C’est le problème des enfants qui embêtent les autres qui a eu le plus de voix. Mais tout le monde trouve que la pollution c’est important aussi. Nous travaillerons plus tard sur ce problème. Pour l’instant, ce qui est le plus urgent, c’est le problème des enfants qui font mal aux autres. » (1)

L’idée de créer des espaces pour pouvoir se calmer a été initiée par les enfants, et l’objet final et été la

Kachbane.

Cette idée d’adapter le mobilier a chacun est d’autant plus facile à penser à Trébédan que tout le mobilier proposé par Matali Crasset a été pensé dans cette optique.

« N :  En fait c’est assez curieux parce que tu vois à l’origine quand on achetait, c’est une caricature mais, quand on achetait des tables, on avait mangé notre budget investissement quoi  ! Et maintenant on a du mobilier qui a été entièrement dessiné, usiné pour l’école, donc tu vois le changement … Et donc ces tables là elles ont des trous, c’est pour recevoir des pots qui sont sur le mur végétal là ! Qui s’appelle le mur végétal et qu’il y a dans les trois classes ! Donc là t’as des pots de crayons comme ça, tu vois tu peux préparer du matériel en avance, et les enfants sont autonomes ! Moi j’emporte jamais un pot de crayons sur les tables, c’est eux qui se débrouillent ! En fait .. bah ça c’est nos choix pédagogiques !C’est que les élèves s’emparent du plus de choses dont ils puissent s’emparer. Donc notre rôle d’enseignant c’est de

fig. 29 (1) http://projets.batisseursdepossibles.org/projets/le-ble-en-herbe-se-questionne-sur-lecole-du-futur/

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faciliter... Faut le contexte pour qu’ils puissent rebondir là dessus quoi ! » (1)

Et voir à quel point l’architecture peut prendre en considération leurs occupations de l’espace est certainement un moyen de prouver qu’ils peuvent chacun être écoutés. Et cela peut être prouvé sans pour autant que toute l’école soit rénovée par une designer, comme pour le projet de Kachebane ou la cabane de lecture pour les enfants à Scrignac, qui souhaitaient avoir accès à un endroit un peu «  cocon  » pendant leurs récréations.

«  Mais la cabane elle est .. les enfants y’en a quasiment à toutes les récréations  ![...]C’est un lieu … important pour certains gamins qui y passent vraiment beaucoup de temps, qui y sont bien, voilà. Et qui a été (silence) investie aussi par des règles. Pour que tout le monde puisse l’utiliser … Et pour se souvenir que c’est une cabane de lecture, donc

fallait avoir des livres pour y aller, etc. Après, les livres est-ce qu’ils les lisent ? Voilà, on s’en mêle pas trop mais c’est un lieu important parce que c’est un lieu .. Pour tous les, pour tous ceux qui sont pas les footeux, voilà. C’est un lieu qui permet de développer une autre approche de la vie et de la culture. »

L’architecture, dans sa recherche des différents usages possibles de l’espace, a été utilisée dans ces trois expériences observées pour toucher tous les enfants individuellement. « Et toi, tu y fais quoi dans cet endroit ? » « Qu’est-ce que tu aimerais pouvoir faire  ?  » sont autant de questions permettant à l’enfant de prendre conscience de lui même. «  et comment tes copains vont faire  ?  » « Est-ce qu’on peut tous l’utiliser ? » sont autant de réflexions amenant à l’empathie, à la prise de conscience de l’autre de manière très concrète et spatiale.

fig. 30

«Quels sont les espaces que vous aimez dans la cour du centre de loisirs de Carhaix?»

fig. 30

«Quels sont les espaces que vous voulez changer dans la cour du centre de loisirs de Carhaix?»

(1) Nolwenn Guillou, Directrice de l’école de Trébédan

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B. Ouvrir le champ des possibles pour

l'enfant qui grandit

S'ouvrir à l'autre, être curieux, s'adapter … Ken Robinson, expert en

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