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Si le rôle de l'enseignant a été beaucoup désacralisé aujourd'hui, il n'en reste pas moins que, dans sa classe, il est très souvent seul à dispenser ses connaissances aux enfants. Ce n'est pas le cas dans d'autres pays, comme en Angleterre. En France, le professeur des écoles est sensé être sachant dans tous les domaines. Catherine Tasca, pour légitimer leur plan commun d'insertion des arts à l'école avec Jack

Lang, dira «  L'éducation artistique ne passe pas seulement par une approche pédagogique mais aussi par des occasions de rencontres entre des artistes et des élèves, entre des artistes et des enseignants »(1). Les enseignantes de Trébédan ont ainsi décidé, dès l'écriture de la systémique de l'école, que mobiliser des personnes extérieures, spécialisées en un domaine, faisait sens, rendait légitime leurs démarches.

(1) Lismonde Pascale, Les Arts à l’école, Paris, Gallimard, 2002. p170

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«N :   Donc toujours, toujours sur la même démarche, voilà : un ancrage local, un apport professionnel extérieur qui redonne caution et une survalorisation quoi.  » (1) m'a dit Nolwenn à l'évocation de chacun de leurs projets. à tel point que les enfants, lors qu'ils ont raconté leur projet de Kachbane, ont dit «  On a appelé Didier », en parlant de Didier Pidoux, le paysagiste conseil du CAUE. Il m'a dit lui même que les enfants lui disaient : « Oh, c'est Didier, du CAUE ».

Les enfants, connaissant les personnes clés en fonction de leurs projets, ont été capable de faire la démarche de demander de l'aide à Didier pour des projet de construction, ou aux personnes du club de l'amitié pour des projets de jardinage. Quand j'ai été faire des visites dans les classes de Trébédan, j'ai été à chaque fois fascinée par leur habitude visible d'avoir des personnes extérieures à l'école dans leurs classes.

Au contraire, ma visite à l'école de Scrignac a suscité des regards interrogateurs et des questions à l'enseignant, et les enfants du centre de loisirs de Carhaix, me voyant en décembre alors que je ne suis suis normalement là qu'en été, m'ont lancé un : «  Ben, pourquoi tu es là ? ». Mais l'idée a été là, à chaque fois, d'ouvrir les enfants à des domaines de compétences autres que ceux de leur enseignant, et de montrer des gens impliqués sur un sujet, en parlant donc avec d'autres mots. Paloma et Martin ont ainsi raconté leur présence dans la cour, et dans les classes, qui au début a soulevé beaucoup d'interrogations, avant que cela devienne usuel :

«P  Pendant les récréations on était dans la cour, donc souvent on observait ce qui se passait...

M : on a un peu dessiné aussi dans la cour. [...]: oui, y'avait certains qui étaient curieux, oui !

P : Ben oui, forcément y'en a au moins deux ou trois qui te demandent «  Qu'est ce que tu fais ? » « Pourquoi tu le fais ? » (rires collectifs ) Du coup oui, tu te dis : « Mais oui, pourquoi je le fais ??? » (rires collectifs)»(2)

Françoise Dolto a écrit dans La Cause des Enfants «  L'être humain est un être de désir au début de sa vie qui est leurré par le désir d'imiter le parent qui, lui, est tout heureux d'être imité [...]  Respecter la liberté d'un enfant, c'est lui proposer des modèles et lui laisser la faculté de ne pas les imiter  ». (3) En ce sens, faire entrer d'autres adultes au sein de l'école par le prétexte d'ateliers d'architecture serait ouvrir aux enfants d'autres possibles exemples d'adultes en devenir, non pas forcément pour qu'il les suive, mais pour que son désir d'imiter l'adulte ne soit pas forcément mené par un seul adulte modèle. Cependant la réglementation et les plans vigipirates ne sont pas forcément là pour aider ce genre de démarches  : ouvrir les écoles et les lieux d'accueil des enfants à des personnes extérieures est très réglementé, et il faut normalement remplir des demandes. J'ai pu pousser la porte à Trébédan après avoir précisé dans mon e-mail que j'avais mon BAFA, et après que la directrice du centre de loisirs m'ai dit « Toi ça va, on te connait, y'a pas de soucis ! ». Walter Saunier évoque également la possible difficulté à faire

(1) Nolwenn Guillou, Directrice de l’école de Trébédan (2) Paloma Charpentier et Martin Fessard, architectes (3) Dolto Françoise, La Cause des enfants. Paris : Ed. Pocket, 1995. p295

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venir des intervenants extérieurs dans les écoles, et particulièrement rurales :

«  Y : Mais du coup dans ces parcours, y'a pas forcément de prévu des rencontres avec des artistes, ou des designers, ou des choses comme ça ? W : C'est mieux quand c'est prévu, mais par contre tout le monde n'a pas l'occasion de le faire. Alors si c'est pas des rencontres avec l'artiste, ça sera au moins une rencontre avec une œuvre. Si on va à la Fondation E. Leclerc, si on va au musée des Beaux Arts ici, si on va au musée de la Marine, et ben on a la rencontre. Mais on n'a pas forcément, effectivement, la personne, l'artiste. Et d'ailleurs, des fois .. c'est pas forcément un binôme qui va bien fonctionner, entre l'artiste et l'enseignant. Parce que, quand on veut faire venir un artiste pour un projet, y'a le point de vue de l'enseignant, qui veut quand même,

justement, que ce projet serve à ce que les élèves arrivent à acquérir des compétences. Et l'artiste qui est là pour le produit fini. Et des fois … C'est pas forcément le but qui compte, mais c'est le chemin qui est emprunté quoi. Donc du coup il peut y avoir aussi une différence de point de vue qui est telle que ben .. ça piétine quoi ! » (1)

Car, comme me l'a aussi dit Nicolas

Duverger «  on n'est pas des

pédagogues  », et il faudrait, pour inviter des personnes extérieures, que ces dernières veuillent bien se retrouver face à des enfants, et que les enseignants veuillent tenter l'expérience de les inviter dans leurs classes. Et cela implique ou qu'ils les connaissent personnellement, ou de faire conf iance à des non pédagogues, ou d'avoir un temps de préparation préalable important.

b. Donner à voir la démarche de projet et tout ce

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