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« PY : Les enfants des fermes ben ils connaissent vachement plus ben … le monde agricole ! Ils connaissent du point de vue technique, voilà ! Ils peuvent même probablement te dire un peu mieux comment c'est fait une route que un enfant de.. Enfin. Mais ils ont pas forcément questionné leur habitat. D'autant plus que ça fait pas si longtemps qu'on passe autant de temps dans les maisons euh... Dans la campagne, avant on était tout le temps dehors ! Euh, même les enfants. Y'a encore …

Même moi quand j'étais enfant on était énormément dehors. On est de plus en plus dedans. Le problème de l'énergie, donc de l'environnement, des économies d'énergie, de l'isolation etc c'est quand même relativement nouveau. Avant on s'était pas … rendu compte de ça. Euh, le fait qu'on était tout le temps dehors, c'était tout le temps ouvert, y'avait l'aération, donc tout ce qui était pollution intérieure etc, c'est nouveau aussi ! Donc y'a pleins de choses qui sont complètement

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nouvelles. Euuh le fait que, l'aspect esthétique aussi d'une maison, s'y sentir bien, se … Euh ça aussi c'est nouveau, parce que avant c'est,... à la limite ce qui importait le plus euh pour plein de gens c'était de montrer que leur ferme fonctionnait bien ! » (1)

Se questionner sur nos modes d'habiter n'est pas encore partagé par toute la population. En milieu rural breton, jusque récemment, aux dires de mes parents et de mes grand-parents, les gens étaient très souvent dehors. Aujourd'hui notre société évolue, et les enfants passent plus de temps en intérieur qu'en extérieur. En cela un questionnement sur l'architecture apparaît aujourd'hui comme nécessaire, particulièrement en termes de développement durable et de transition énergétique. Une évolution est en cours, et cela ce voit dans un constat global d'un déficit en matière d'instruction artistique. En 2012, France culture avait déjà réalisé une table ronde sur comment parler d'architecture aux enfants  : «  En France il y a à l'évidence un très grand déficit d'instruction de l'architecture, de l'éducation visuelle »(2). Le constat est que la société française est très attachée à sa littérature, observer qui sont les membres de l'académie française le confirme. Les professions manuelles ont encore à s'y frayer une place. «  L'éducation artistique est une urgence démocratique, car l'accès de tous à la culture est encore trop inégal » disait encore Catherine Tasca, Ministre de la Culture en 2002, et Jack Lang, ministre de l'éducation à l'époque, la rejoint sur ce point « Seule l'école peut réduire ces inégalités  »

(3) Si cette notion d'urgence

démocratique est constatée dès 2005,

où en sommes-nous aujourd'hui ?

«Y :  Ça pourrait être quoi les limites de l'action des Caue ? À partir de quel moment est-ce que vous appelez quelqu'un d'autre, ou que … ?

N : C'est une bonne question ! Euh les limites … [...] C'est beaucoup des limites de temps, parce que comme on fait beaucoup de choses, on est obligés à un moment de rationaliser un petit peu, de chercher les outils qui soient les plus … percutants possibles, voir appropriables par l'enseignant indépendamment de notre intervention. Euh .. Donc c'est beaucoup cette question des moyens, du temps, … Bon on a bien sûr aussi des limites de compétences hein. On ne prétend pas tout savoir, voilà. Donc parfois on trouve intéressant de faire intervenir à nos côtés d'autres... […] Donc ça peut être ça, voilà, en fonction des projets, peut-être qu'on peut se doter de … de partenaires nouveaux, extérieurs. .. Ouais … On est très .. C'est vrai qu'on refuse rarement, en fait ! Parce qu'on aime bien notre boulot alors on se laisse un peu submerger. C'est ça le truc, des fois on part dans des directions, on se dit « Oulàlàlàlà .. ». On est un peu missionnaires quoi, donc faut qu'on y aille quoi. Et puis on fait un boulot qu'un archi libéral peut pas faire parce que juste lui il est tenu par certains impératifs financiers,etc. Et aujourd'hui y'a pas de moyens sur la pédagogie ! Y'aurait des moyens mis sur la pédagogie... Des petits budgets dégagés, ben on pourrait aider des confrères à intervenir dans les classes ! Mais y'en a très peu donc en fait, quand y en a, ben tant mieux, donc on s'efface nous. Ben voilà, quelqu'un qui est (1) Pierre-Yves Phillippot, Directeur de l’école de Scrignac (2) Comment raconter l’architecture aux néophytes, France Culture. 30 mai 2012. (3) Lismonde Pascale, Les Arts à l’école, Paris, Gallimard, 2002. p 70

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( 2 ) J e a n F r a n ç o i s Chaintreau

payé pour le faire ben il y va, et puis on va pas le concurrencer. Mais en général y'a .. sur les 10 ateliers on a pas eu un rond hein ! On s'est débrouillé, c'est en fonds propres, c'est notre mission, donc on .. Même plus que notre mission, parce qu'on fait ça le week-end aussi chacun chez soi, enfin … bon, voilà  ! (rires collectifs) Mais, ouais, donc limites de temps, de moyens, parce que parfois ben c'est des projets qui sont trop .. Et puis de compétences quand on sent qu'il faut associer des compétences supplémentaires ! » (1)

Les f reins à des actions de sensibilisation à l'architecture ne viennent pas du manque de structures en place, les maisons de l'architecture ou les CAUE étant relativement présents sur le territoire. Ce ne sont plus non plus des freins sociétaux, beaucoup de gens se rendant compte d'un besoin d'en parler. Il s'avère que les freins sont plus globalement f inanciers  : les communes rurales manquent de moyens. Si une ville comme Brest peut accompagner financièrement et humainement les écoles ayant ce genre de projet, c'est un choix très pesant à faire pour des petites communes comme Scrignac, 801 habitants. La secrétaire de mairie de Trébédan m'a d'ailleurs parlé de cela

dès les premiers instants de notre rencontre : «  Qu'est-ce que les petites communes feraient sans les CAUE? ».

Car pour l'instant ce sont eux qui leurs apportaient des compétences en terme d'aménagement des territoires. Céline craignait, par le désengagement progressif de l'Etat, que cela cesse et que la commune aie tout à assumer seule. D'autant plus qu'il est déjà difficile pour eux d'accéder à des subventions  : les petites communes prennent souvent le parti de faire des programmes mixtes, et donc atypiques, qui n'entrent pas dans les cases. Pour obtenir des subventions Leader pour leur médiathèque par exemple, dans les bâtiments de l'école, ils ont du constituer le dossier sans parler de l'école …

«  D  : Et, on a pas de sous  ! (rires collectifs) C'est la quadrature du cercle ! C'est, voilà, c'est … la grosse diff iculté c'est de jongler avec les demandes, les besoins et les possibilités. (inspire entre ses dents) Voilà ! » (2)

Les institutions sont en place pour des actions de sensibilisation à l'architecture mais seulement ni elles ni les collectivités rurales n'ont réellement les moyens de mettre en œuvre leurs projets, à moins d'engagements personnels très forts.

fig. 50 (1) Nicolas Duverger, Architecte au Caue 29

(2) Didier Ibagne, Maire de Trébédan

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