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a pédagogies mises en place sur le terrain, quels impacts sur ces expériences de pédagogie de

l'architecture ?

«Y: Et t'as trouvé ça facile de parler aux enfants ?

P : Euh, ouais .. Enfin j'étais un peu intimidée en fait, je pense que j'étais plus intimidée qu'eux. Mais .. mais après la discussion était, ouais, c'est .. assez facile. Je sais pas si c'était particulièrement dans la classe de Pierre-Yves mais … (rires) Mais en tout cas ouais, les enfants avaient envie de discuter, ils s'exprimaient facilement, enfin … On, Pierre-Yves aussi l'avait, enfin il avait un peu pris position, entre guillemets on avait dit qu'on commencerait à discuter au conseil de classe de l'école, et du coup c'était un moment où .. Ils étaient habitués à ce que ça soit un moment de discussion donc ....» (2)

(1) Pierre-Yves Phillippot, Directeur de l’école de Scrignac (2) Paloma Charpentier, architecte

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à Scrignac, un gros travail en amont avait été fait sur la prise de parole ainsi que l'autonomie. Pour avoir été en classe avec cet enseignant, je sais qu'il aime alterner entre temps communs de discussions sur une question, un problème, une correction, et temps en autonomie où l'enfant est responsable de lui même, va chercher ses f ichiers Mathématique ou Orthographe, avance et les corrige lui même. Il en est de même à Trébédan, où l'autonomie est inscrite dans le projet pédagogique :

«  N : Et on en parlait avec Coralie l'atsem, dans les autres écoles, pour les ateliers peinture, il faut préparer tout le matériel, la blouse est enfilée par l'adulte, et après il faut tout ranger. Alors que là ils ont tous leurs ateliers peinture, ils prennent leur matériel, ils accrochent leurs feuilles, ils prennent leurs blouses, ils attrapent … Alors par contre, tout est trié, tu vois ?

Y : Mmh !

N : Ils ont pas besoin d'aller chercher loin, tout est trié mais … Y'en a jamais qui font les zouaves quoi ! Donc c'est tout favorisant l'autonomie quoi ! Ça, elle nous a regardé beaucoup Matali par rapport à ça. .. » (1)

Quand je suis allée dans la classe de maternelle à Trébédan, certains avait leur petit pot de crayons posés sur la table devant eux, un autre allait en chercher, d'autres étaient en séance collective, assis sur des bancs autour de l'enseignante. L'autonomie était pensée dès le plus jeune âge, tout cela demandant évidemment beaucoup de préparation de la part des enseignantes. Si les réalisations de Matali Crasset ont facilité la mise en place de ce type de pédagogie, cette dernière était pratiquée bien avant le projet des Nouveaux Commanditaires. Cette question de l'autonomie était pour Françoise Dolto centrale :

«  Le plus diff icile est de faire comprendre aux enseignants qui ont forgé le néologisme « autonomiser », que si on « autonomise » un être, cela veut dire qu'il n'est pas autonome. » (2)

Pour compléter cette pensée, l'architecte Sylvie Brossard-Lottigier , évoque l'immersion dans l'espace, par le jeu notamment, comme la condition de l'expérience de l'autonomie de corps et de pensée, qu'expérimenter l'espace est une condition pour concrètement sortir d'une vision déterministe du monde. La pédagogie de projet, pédagogie active, est également usuelle à Trébédan.

« N : Et sur les projets c'est pareil, si on leur lance un projet ils ont tellement l'habitude, alors tu vois, quand ils arrivent en CM. Ils pratiquent le projet depuis la petite section  ! Tu peux leur proposer n'importe quel projet, ça va pas leur paraître absurde ni irréalisable, ils vont tout de suite dedans quoi, tu vois ! Et ça on le remarque surtout quand y'a des élèves qui arrivent d'ailleurs, en

fig. 27 (1) Nolwenn Guillou, Directrice de l’école de Trébédan

(2) Dolto Françoise, La Cause des enfants. Paris : Ed. Pocket, 1995. p568

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cours de scolarité. Tu vois, le temps qu'ils se mettent dans le truc, sur « s'autoriser à » et tout ça … » (1)

En cela, la démarche de projet architecturale est très accessible aux enfants  : en novembre 2018, quand des étudiants d'architecture et enfants de Rennes sont venus les voir et qu'il a fallu dessiner ensemble, ils ont sorti les crayons, ont trouvé un étudiant avec qui travailler, et s'y sont mis. Les enfants du centre de loisir de Carhaix, venant de différentes écoles, avaient pour certains beaucoup plus de mal à savoir quoi faire arrivés à cette étape : «  et du coup t'as pris des feuilles Yuna ? Tu dessines ? » . Se prendre en charge est aussi savoir se situer par rapport à autrui, et donc apprendre l'autonomie, et en cela la démarche de projet architectural peut être un outil pédagogique fort : on réfléchit ensemble ou seul, on choisit ses outils, sans une méthode particulière à suivre qui fera que « ça sera bon » : l'enfant choisit l'outil, le support, la direction de pensée. L'impact de la façon de penser de l'enseignant sur l'approche l'architecture m'a également semblé très fort. En effet, l'enfant suit sa méthode de travail à l'année, et des habitudes se sont donc souvent instaurées. Et dans le pacte enseignant et artiste/architecte, le respect du programme pédagogique semble primordial  : Didier Pidoux disait toujours partir du projet d'école pour ses interventions, et Nicolas Duverger disait avoir besoin des enseignants pour les éclairer, eux n'étant pas des pédagogues.

«  Et puis on a réfléchi «  Bon alors, qu'est ce qu'on peut faire dans un mètre carré ? » L'idée c'était aussi de

faire quelque chose de, d'écologique. Euh.. Parce qu'on était en même temps en train de réfléchir à tout ce qui était pollution intérieure … On a un jardin qu'on essaye de faire bio, etc. Et comment est-ce que on pouvait aussi économiser l'énergie. C'est à dire que le problème c'est que c'est, ça serait dehors, ça serait froid, donc fallait que ça soit.. qu'y'ait de la lumière, que ça chauffe un peu naturellement à l'intérieur. Euh … que ça soit confortable, enfin voilà ! […] donc les architectes ils avaient toutes ces contraintes là et nous pendant ce temps là, et avec leur aide, et ben on s'est entraînés à qu'est ce qu'on peut faire sur 1m² ? » (2)

Les enfants de Scrignac on pensé l'architecture par l'angle de l'environnement, C'était en effet un sujet que l’enseignant tenait à cœur, et que les architectes, convaincus, aussi, ont suivi  : «  ça je crois que ça venait de Pierre-Yves » m'ont ils dit plusieurs fois au cours de notre entretien.

« Y : Et pourquoi toi t'avais un intérêt pour l'architecture ? Pourquoi c'est une question qui t'intéresse ?

PY  : Euh (silence) Principalement par rapport à l'environnement. Pour .. parce que je trouve que c'est un, que ça a un impact énorme sur l'environnement, que c'est une, que notre façon d'habiter est une excellente façon de … modifier notre façon de vivre, de nous intégrer ou .. Et que la question fondamentale que je me pose c'est .. Est-ce que, est-ce que pour avoir un habitat sympa on invite l'environnement chez nous ou est-ce que finalement on apprend à s'inviter dans l'environnement ? » (3)

(1) Nolwenn Guillou, Directrice de l’école de Trébédan (2) & (3) Pierre-Yves Phillippot, Directeur de l’école de Scrignac

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à Trébédan, Didier Pidoux raconte l'attachement fort à la littérature, convoquée à chaque début de projet. Les enfants ont ainsi une année écrit une histoire sur une licorne qui disparaît, et l'enjeu de l'atelier suivant a été de créer dans la cour une licorne qui «  disparait  », en anamorphose. à Edern, où tout est parti des propositions des enfants, l'angle d'attaque orienté par l'enseignant est moins lisible. Est plus lisible l'intérêt de Nicolas Duverger pour le paysagisme, les questionnements sur la faune, etc, motivée par la présence de paysagistes dans son équipe, et de la présence du centre de documentation sur l'environnement dans leurs locaux :

«  N : L'architecture cristallise un certain nombre d'enjeux quand même, nécessairement. Donc en parlant d'une cabane à oiseaux, ben, comme je le disais tout à l'heure, on peut parler de la biodiversité, on peut parler du choix des matériaux,

et donc euh .. des ressources  ! De la question des ressources, de la question des déchets. On peut parler aussi de la question de l'usage, on peut parler de la question des paysages ! » (1)

Faire de la médiation de l'architecture implique faire de la pédagogie, et en cela le rôle d'accompagnement de l'enseignant dans les démarches est important. Si l'enfant est souvent de toute façon très curieux, les façons de travailler qui ont été enclenchées à l'école le conditionne, ou lui facilite l'approche de l'architecture. Et si aujourd'hui la figure du professeur des écoles a été beaucoup désacralisée, il n’empêche que sa vision du monde mène à des approches spécifiques de l'enseignement, qui sont souvent d'ailleurs les moteurs personnels de leurs volontés de laisser la médiation de l'architecture entrer dans leurs classes.

b. Quel respect des profils particuliers d'enfants dans

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