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systématique ?

Pour l'instant, une des grandes diff icultés exprimées par les enseignants est la question du temps imparti : ils sont tout le temps « le nez dans le guidon », les enseignements obligatoires sont déjà très lourds. Si un temps de médiation culturelle n'est pas posé spécifiquement, comment le prendre au quotidien  ? Cela a fonctionné pour des enseignantes convaincues comme à Trébédan, car elles ont rendu ça systématique. Mais cela n'a pas été le cas à Scrignac.

«Y: Et du coup, quand t'as dit qu'il faudrait le mener plus loin et tout ça, vous envisagez à l'école d'avoir des poursuites d'ateliers d'archi ou ? PY  : Oui, on envisage toujours  ! […] Mais si on a pas ça, effectivement on est tout le temps dans l'urgence. Donc c'est pas notre priorité, notre volonté politique ! On, on aimerait bien. Franchement moi j'adorerais ! Qu'on puisse repenser la cour et ça a fait avancer leurs réflexions là dessus, tout le monde y pense. Mais il faudrait une VRAIE volonté politique de tout le monde, de tous les partenaires, que le maire arrive en disant « Voilà, on met de l'argent sur la table, on y va ! » Même si c'est pas des sommes énormes hein mais, … On repense euh … toute cette cour et cette école, voilà ! Mais on a pas le temps et on a d'autres … Entre ça .. Bah oui, en même temps on, il faut qu'on pense aussi (attrape sa tasse) la cantine, les menus, la, la … Comment, y'a donc une autre

commission là, qui se met en place sur la réflexion sur la cantine, mais y'a pas UNE commission aménagement de la cour qui … Avec du, du temps, des énergies conjuguées et un minimum, un budget minimum. »(1)

I m a g i n e r u n te m p s d é vo l u spécifiquement à la médiation de l'architecture auprès des enfants pourrait aussi être très risqué, comme me l'a dit Walter Saunier, si les enseignants n'y sont pas formés.

«  Aujourd'hui, si les nouveaux programmes pédagogiques de l'éducation nationale donnent une place à la culture architecturale en rendant obligatoire l'enseignement de l'histoire des arts, la transmission de ces nouveaux contenus revient en priorité aux enseignants. Paradoxalement, l'inscription de l'histoire des arts aux programmes pédagogiques, de l'école au lycée, pourrait avoir pour conséquence la disparition des interventions de sensibilisation à l'architecture et à la ville réalisées par les architectes. Il semble donc nécessaire de

fig.51

(1) Pierre-Yves Phillippot, Directeur de l’école de Scrignac

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défendre la capacité des architectes à proposer des interventions dont les partis pris et les contenus feront découvrir aux scolaires la spécificité de la culture et de l'approche architecturales. » (1) p 23

Le paradoxe des programmes actuels est que, s'ils incitent à parler d'architecture à travers la notion d'histoires de Arts et de Patrimoine, cette responsabilité est endossée par les enseignants, pas forcément formés, pas forcément volontaires … Et sans volonté, est-ce que ça ne serait pas détruire les choses ?

«  Le principal obstacle à la généralisation des ateliers pour tous les élèves n'est pas financier. L'obstacle tient plutôt au fait qu'ils relèvent du volontariat des élèves et des enseignants. L'ensemble des partenaires du système éducatif serait hostile à un accroissement de l'horaire obligatoire des élèves ! »(2)

Qui pourrait alors volontairement endosser cette responsabilité de parler d'architecture aux enfants ?

«  La démocratisation culturelle doit nécessairement passer par l'école et dès le plus jeune âge. Tous les travaux sociologiques et psychologiques le montrent : si l’expérience artistique n'a pas lieu en tout début de scolarité, elle ne sera plus accessible ensuite pour une majorité de nos concitoyens. » (3) Le cadre est posé, mais les intervenants, qui sont-ils ?

« Y : (rires) Et est-ce que vous, sur le terrain, vous avez senti des freins à cet apprentissage de l'image ou de l'architecture ?

P : Tu veux dire pendant la résidence ?

Y : Pendant la résidence, ouais. M : Non, je pense que tout le monde était plutôt .. Enfin Pierre-Yves il était carrément, carrément ..

P : Oui, on est bien tombés en fait ! M : Carrément ouvert et puis … P : Ben c'est vrai qu'à partir du moment où l'école était entre guillemets volontaire pour accueillir un artiste et tout .. enfin je pense que dans la plupart des cas .. Peut- être que y'a des résidences où ça c'est pas aussi bien passé mais dans la plupart des cas les enseignants étaient partants » (4)

Paloma et Martin ont exprimé cette importance de l'intérêt des professeurs des écoles pour la démarche  : des enseignants « partants » font que cela fonctionnera bien. Un paradoxe semble alors se dessiner : si l'on ne se base que sur les partants et les volontaires, comment peut-on, comme le souhaitait Jack Lang, toucher tout le territoire département par département ? La libre collaboration des institutions qui le souhaitent risquerait d'aboutir à une favorisation des institutions prof itant déjà du système, déjà convaincues.

Pour rendre un projet de médiation artistique systématique, il faudrait aussi que les communes, porteuses du projet car responsables des écoles publiques, puissent être soutenues :

«C: Là y'a une belle école mais ils ont encore des demandes  ! Alors stop un petit peu ! (rires collectifs) Parce que, je vois, dû au projet de l'école, on a du quand même enlever deux garages d'ateliers techniques... Donc on se retrouve sans atelier (1) & (2) Dir. Leandri Paul, Transmettre l’architecture en milieu scolaire, Le Pont de Claix, ENSAG, 2010. p 23 (3) Lismonde Pascale, Les Arts à l’école, Paris, Gallimard, 2002. p 147

(4) Paloma Charpentier et Martin Fessard, architectes

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technique, avec juste un petit … L'ancienne mairie en fait ! (rires) Qui est à côté de la garderie. Et la fenêtre donne sur la cour de l'école, c'est les rideaux moches là.. La fenêtre qu'est moche ! (rires collectifs) [...] Et donc, et en fait, juste à côté, ben là où y'a la salle de partage, y'avait deux grands garages où on stockait les véhicules, le tracteur tondeuse … Et là on n'a plus rien en fait ! Donc c'est vrai que c'est un peu .. C'est bien, mais il faut penser à côté aussi ! Et sauf que là c'est tout à notre charge, parce que y'a rien de subventionné ! [...] Donc c'est bien aussi d'écouter, mais en même temps faut pas oublier qu'on a besoin d'aide. » (1)

Les pédagogies portées par l'école ont un poids certain sur les petites communes rurales, et il faut donc qu'elles soient prêtes à porter ce poids pour que les démarches de sensibilisation à l'architecture durent dans le temps.

Si presque tous les interviewés, à l'exception de Walter Saunier, m'ont dit être favorables à un apprentissage systématique de l'architecture dans les écoles, leurs discours font aussi état d'un certain nombre de problèmes à régler avant de l'établir. Et, presque supérieur au frein financier venait la difficulté de l'établir sans volontés politiques fortes.

« Y : Et est-ce que vous pensez que ça devrait être plus .. je sais pas, plus systémique de parler d'architecture aux enfants, et que c'est quelque chose qui pourrait arriver dans les classes ou pas ?

P : Euh ouais, enfin … Enfin d'ailleurs c'est un truc qui était revenu là,

dans les réflexions sur l'architecture, enfin c'était quoi le, tu sais le .. ? M : La loi création …

P : Ben y'a eu la Loi Création et Patrimoine, et le rapport qui a été fait avant, avec je sais plus combien d'idées pour améliorer la culture architecturale aussi tout simplement, en France. Et donc, ouais, enf in moi je suis plutôt favorable à ce que on …

M : Ouais ! Ouais, carrément, ouais ! P : .. à ce qu'on parle un peu plus d'architecture.

M : Et surtout, ouais, c'est quand même un truc que tout le monde pratique quoi, tout le temps, et c'est quand même dommage qu'on n'ait pas plus de ..

P : Ouais, c'est assez facile en fait ! M : C'est assez facile, ouais !

P : De parler d'architecture ! On est dans de l'architecture tout le temps ! […] enfin, je repense à l'expo qu'on a fait la semaine dernière où … c'était le sculpteur là, Henri Moore, à Landerneau, et lui il parlait du dessin et.. enfin il est pas le seul hein, mais, en disant que ça devrait être enseigné à tout le monde, que c'est un … pour les questions d'apprendre à observer les choses, enfin c'est vraiment un moyen d'expression différent de l'écriture etc. Et nous c'est vrai qu'en architecture ça fait partie de notre enseignement et que .. mais que ça pourrait venir plus tôt et plus .. Plus ! » (2)

(1) Céline, Secrétaire de mairie de Trébédan (2) Paloma Charpentier et Martin Fessard, architectes

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