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« Pour moi pour devenir architecte il faut connaître beaucoup de choses  ! » .

L ' i m a g e d e l ' a rc h i te c te e s t souvent celle de quelqu'un de pluridisciplinaire, capable de parler et de faire lien entre des professionnels de domaines très différents  : de la sociologie au paysagisme en passant par la menuiserie et l'informatique. L'architecture, en ce sens, est très riche en enseignements, et peut intégrer de nombreuses notions inscrites au programme en école primaire.

«  À Edern, je trouve que c'est exactement ça .. C'est un projet structurant pour une année scolaire quoi ! Michelle elle a fait des math, de la géographie, de l'histoire, autour de ça quoi! Enfin, vous savez ce que c'est hein ! (rires collectifs) Enfin moi, les études d'archi ça a été « Prwaaow ! » C'est génial, c'est des humanités quoi !On a toutes les disciplines quoi, c'est .. Et même si on ne devient pas architecte on est .. enfin quand on est un peu curieux on s'ouvre au monde quoi ! Donc ouais, je pense que c'est un média qui est puissant hein  ! Pour structurer un parcours scolaire. On devrait s'appuyer davantage dessus ! » (1)

(1) Nicolas Duverger, Caue 29 (2) Dir. Leandri Paul, Transmettre l’architecture en milieu scolaire, Le Pont de Claix, ENSAG, 2010. p 28

La relation au site et à l’environnement : géographie,

sciences de l’environnement,

La conception d’espaces: arts plastiques, histoire des cultures,

géométrie, La composition et les proportions:

arts plastiques, histoire, éducation physique et sportive, La promenade architecturale: français,

La relation intérieur / extérieur: arts plastiques, histoire,

La structure constructive : mathématiques, géométrie,

technologie, histoire, Les matériaux : technologie,

géographie, sciences de la vie et de la terre,

Les usages et les modes de vie : histoire, éducation civique, français,

langues,

Relations entre projet architectural et programme pédagogique: (1)

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L'architecture devient sujet au croisement de divers champs de compétences, et a été, dans les expériences observées, pensée comme un liant entre les différentes matières enseignées. Walter Saunier utilise l'image du marbré et du mille- feuille : soit l'on travaille une matière, puis l'autre, soit l'on accepte que l'une interpénètre l'autre :

« W : On a la chance justement dans le premier degré d'être polyvalents et d'avoir les élèves toute la journée. Disons que c'est pas la peine de leur dire : « STOP !! » Y : (rires)

«  On arrête l'architecture et tout  ! On fait des maths  !  » Ou alors  : ben là on est en EPS donc on peut parler n'importe comment et faire des fautes de français, non. C'est justement essayer de tout mêler. Voilà ! »

D'autant que, comme le dit la

sociologue Laurence Davoust(1), on

ne peut pas tous apprendre la même chose au même moment, de la même manière. Utiliser l'architecture pour diversifier les approches d'un sujet

semble donc une bonne solution. Par exemple, pour leur travail sur l'espace de la cabane à l'école de Scrignac, les élèves ont eu à réfléchir à partir d'un espace d'1m², dans l'idée de leur faire mettre en espace des notions mathématiques. Ils ont ensuite fait de la géométrie en réalisant les maquettes, et de la science en réfléchissant aux façons dont leurs montures de fenêtres allaient créer des ombres au sol. 

«PY :  Alors par contre les enfants on les a fait réfléchir à partir de là sur comment on pouvait dessiner, comment on pouvait faire une maquette, donc de cabane lecture … Alors nous on est partis, pour des questions strictement pédagogiques sur une cabane d'un mètre carré. Voilà. D’un mètre sur un mètre, un carré d'un mètre au sol. Euh, c'était juste pour moi parce que pour leur enseigner les surfaces, mesures,etc, c'était bien plus pratique d'avoir 1m² et.. Et puis on a réfléchi « Bon alors, qu'est ce qu'on peut faire dans un mètre carré ? » (2)

(1) Jochum Anne. La Motricité libre, Carhaix : Préparons demain, 2011. (2) Pierre-Yves Phillippot, Directeur de l’école de Scrignac

fig. 21

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Céline, mère d'anciens élèves de l'école de Trébédan raconte cette même fascination qui se retrouve ensuite, par la démarche de projet, confrontée à la réalité :

«C :   Ce dont ils étaient étaient déçus, c'était que c'était pas « comme sur les plans de Matali ! »

Y : Comment ça c'était pas comme sur les plans ?

C : Ben la récréation ils pouvaient jouer en haut et puis .. parce que si on prend les premiers croquis c'était .. (rires collectifs) ah c'était génial hein  ! C'était le paradis pour les enfants hein ! (rires collectifs) Et au niveau sécurité, impossible … » (2)

L'architecture pose des contraintes : comment ça tient, qui l'utilise, et amène des conséquences aux pensées et réflexions des enfants.

« N:  Avec un tout petit objet architectural f inalement ben on peut mettre en partition un certain nombre de sujets qui dépasseraient comme ça, si on les appréhendait de façon un peu trop savante. L'intérêt de l'enfant quoi  ! Là, ça cristallise tout ça  ! C'est dit avec des mots simples. Et c'est surtout dit en faisant les choses, quoi  ! C'est ça qui est intéressant ! » (3)

Par l'objet même du nichoir, l'enseignante et les intervenants du CAUE 29 ont réussi à convoquer de nombreuses notions chez les enfants :

« N : C'était super parce qu'on a pu parler de pleins de choses quoi ! Le métier, les outils de représentation, l'usage, euh … La question de la façade, le rapport au jardin, euh .. la biodiversité, enfin ouais, c'était vraiment chouette. »(1)

En ce sens, l'architecture, l'espace et l'objet peuvent aussi être structurants par leur faculté à incarner des questionnements. Les enfants sont souvent assez fascinés par une architecture rêvée : lorsque j'ai montré des images de références aux enfants

du centre de loisirs de Carhaix, une leur a particulièrement plu, et nous l'avons redessinée ensemble, avant que je pose des questions  : «  Mais là, comment vous allez monter ? ». Les prises de l'objet architectural avec la réalité ont été rappelées, et ils ont continué d'eux même  : «  Et là, on met une barrière pour que ça ne soit pas dangereux pour les tout petits  !  ». Plus tard, sur leur temps libre, un des enfants est revenu vers moi en me demandant de lui demander un dessin de structure de jeu, en précisant bien «  Juste pour rêver, pas une vraie, c'est pas grave si c'est pas possible ! ». Et on a dessiné des toboggans partant du ciel, et des cabanes nichées en dessous...

fig.22 fig. 23

(1) & (3) Nicolas Duverger, Architecte au Caue 29 (2) Céline, Secrétaire de mairie de Trébédan

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Pierre-Yves était ainsi très heureux que la résidence d'architectes ait abouti à l'objet de la cabane posée dans la cour et encore très investie aujourd'hui, plus d'un an après. Car l'objet architectural sur lequel les enfants ont réfléchi reste, incarne ce qu'ils ont fait, comme un rappel discret et quotidien. Et puis ils voient vieillir cette architecture  : les tôles en polycarbonate se fendillent, le douglas, imputrescible, s’abîme peu, mais sèche très difficilement. Et si l'on élargi son regard de l'objet à l'environnement, on peut lire avec l'enfant beaucoup de choses sur la société, sans que cela s'avère abstrait :

«  Une ville permet donc, pour peu qu'on dispose du code, de « lire » une civilisation, tout comme les écrits stockés dans une bibliothèque livrent leurs secrets à l'érudit, tout comme le rituel des gestes est éloquent pour l'anthropologue rompu à l'observation d'une culture. Le

système urbain, pour peu qu'on soit attentif, nous livre bien des éléments du système social. » (1)

L'architecture, par la diversité des questions et des compétences qu'elle implique, est un bon moyen de transformer le mille-feuille de matières à voir en un marbré, donnant un sens concret à des enseignements qui, parfois, restent à l'approche trop théorique pour certains (car l'on n'apprend pas tous de la même manière). Et l'architecture permet d'engager ses idées, de les confronter à ce qu'elle pourraient donner, même en rêve, les enfants pouvant avoir de très grandes capacités à se projeter, à rêver. «  Un cerveau passif n'apprend pas » (2) : ce principe de la pédagogie active peut se retrouver assez facilement dans les projets de pédagogies de l'architecture à Edern, Scrignac et Trébédan.

(1) Besson Michèle. Découverte de l’architecture et de l’urbanisme, Ligue française de l’enseignement et de l’éducation permanente, 1980, p 125

(2 )Castaignède Frédéric, Demain l’école, Strasbourg, Arte , 2017. (3) Nolwenn Guillou, Directrice de l’école de Trébédan

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