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Mais pour convaincre ces acteurs précédemment évoqués, il faut aussi leur donner à voir et à comprendre la démarche. Pour chacune des expériences observées, la restitution ou l'exposition ont été vécues comme des temps clés.

La première cible de cette médiation est la population locale, et particulièrement les parents des enfants impliqués. Les presses locales à Edern, Scrignac et Trébédan ont relayé ce qui se passait, résumant succinctement les objectifs et le déroulé. à Trébédan, ce sont les enfants eux mêmes qui ont réalisé le bulletin expliquant le déroulé des travaux dans leur école.

La médiation passe aussi par de l'événementiel, par la volonté de restituer les expériences en cours. Le « Tu as fait quoi aujourd'hui ? » posé par les parents à leurs enfants à la sortie de l'école ou du centre de loisirs trouverait ainsi une réponse concrète.

à Edern ou Trébédan, les enfants sont devenus les responsables de cette médiation culturelle. Ce n'était pas le cas à Scrignac, où, lors de la restitution, nous avons fait le tour des installations sans les enfants.

« D : Donc voilà, c'est vrai que c'est des moments importants et je pense que bon l'inauguration par exemple où y'avait un spectacle … des enfants, de l'école, organisé par les maîtresses, c'était .. bon ben c'était un moment extraordinaire  ! Avec les anciens, qui bon ils ont participé à ça ! C'était un moment très très émouvant. Et je pense que les parents qui ont assisté à ça ben c'est quelque chose qui marque quoi  ! Voilà  ! Alors maintenant je suis pas sûr que d'eux-mêmes ils iront visiter la prochaine exposition d'art contemporain qui aura lieu à Dinard ou à Dinan ! Voilà. Je pense que bon, ça c'est un travail de très longue haleine quoi ! Mais … l'accueil de spectacles ou d'animations sur la communes, bon, les gens s'y sont habitués hein ! Le personnage qui est dans le parterre là … L'Homme qui marche ! Ça fait des années qu'il est là ! (rires collectifs)

C : Ah oui ! C'est Didier Pidoux qu'a fait ça ! (rires collectifs)

D: Mais voilà, il fait partie des meubles quoi, bon !

C : Ben oui, ben au départ aussi …. D : ça a fait bizarre aux gens. « Mais qu'est ce que c'est que ce truc, pourquoi ils nous le laissent là, ça fait peur la nuit ! » (rires collectifs)

C : Ouais, ouais ! (rires collectifs) D : [...]. Mais voilà, c'est inscrit. »(1) fig.46

(1) Didier Ibagne, Maire de Trébédan et Céline, Secrétaire de mairie de Trébédan

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La quotidienneté fait aussi office de médiation : l'accoutumance à ce genre de démarche devient une arme de persuasion. Et cela d'autant plus que ce qui a été fait vient des enfants. Ma mère, souvent critique par rapport à ce qu'elle veut mettre sur ses murs, a pourtant toujours dans sa chambre nos dessins d'enfants, et j'ai toujours dans ma chambre un tiroir entier de dessins faits par les enfants du centre de loisirs. L'affection fait figure de médiation au quotidien, mais fait-elle argument ? La différence est grande entre poser un regard bienveillant sur les actes des enfants et comprendre ce qui se cache derrière l'objet final. Le processus de projet, aussi voir plus important, il faut savoir le transmettre. C'était l'inquiétude de Nolwen Guillou quand elle m'a parlé du projet des Nouveaux Commanditaires  : que je regarde la démarche comme une rénovation d'école, alors que ce n'est que la mise en espace d'un processus bien plus complexe :

« N: Et la commande qu'on a déposé auprès de la fondation de France c'est faciliter et pérenniser la démarche qui s'était insufflée à l'école, démarche de lien. Donc c'est l'enjeu de la commande ! L'enjeu de la commande était pas de refaire une école parce que le support était même pas encore défini en fait. La seule commande c'est  : faciliter et pérenniser la démarche insufflée à l'école. Voilà la commande. » (1)

Face à ce tourisme scolaire, les reportages pour la télévision,etc, les inquiétudes des acteurs locaux sont que l'on ne comprenne pas le fond du projet, ou qu'on le pense applicable ailleurs, comme une recette. Le partage d'expériences est avant tout pour donner à voir d'autres possibles,

et non offrir des réponses clés en mains à d'autres personnes. Ce questionner sur le « D'où ça part ? » semble presque plus important que le « Qu'est-ce qui a été réalisé ? ». Les acteurs de la sensibilisation de l'architecture et de l'art ont eux aussi leurs médiums de transmission  : les sites internets des CAUE du Finistère, des Côtes d'Armor et du Morbihan sont très fournis. Lors de ma visite dans les locaux du CAUE du Finistère, à Quimper, ils étaient en train de se préparer pour la journée portes ouvertes lors des journées du Patrimoine. Le processus Création en cours de la Villa Médicis à Bobigny appelait les artistes à publier des articles sur le site internet, et un livret de restitution des expériences est réalisé et publié chaque année. Mais qui lit tout ça ? Il est fortement possible que l'on reste dans un cercle de convaincus s'adressant à des convaincus. « L'irrigation territoriale des dispositifs est-elle réelle / possible / envisageable ? » (2) se demandait Léo Badiali dans son mémoire sur la médiation de l'architecture en Pays de la Loire. ( Léo, p64)

Sortir de l'entre-soi semble donc passer par l'acte plutôt que la parole : donner à voir des structures architecturées faites avec les enfants, donner à voir d'autres façons de penser l'architecture. Et puis à partir de là en parler pour, qui sait, que des individus puissent comprendre localement ce qui se passe et d'où cela vient, comme à Trébédan.

(1) Nolwenn Guillou, Directrice de l’école de Trébédan

(2) Badiali Léo, Transmettre l’architecture en Pays de la Loire, des Nantais s’adressant à des Nantais ? Nantes, ENSA, p64

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A.2. Acte de société ?

«Pareil, est-ce que tu peux me la décrire et me dire pourquoi pédagogie ?

Sur l’image on voit le.. Trois yeux  : un œil ouvert, un œil mi-ouvert, mi-fermé, et le troisième qui est complètement fermé. Et...parce que je trouve que, la bonne pédagogie c’est de ne . C’est de savoir, des fois, quand est-ce qu’il faut regarder, quand est-ce qu’il faut un tout petit peu suivre, mais pas tout à fait, et quand est-ce qu’il faut fermer les yeux sur ce que les étudiants font parce que des fois suivre les règles comme il faut, selon la pédagogie, c’est pas la meilleure chose pour euh .. Auto-éducation quoi !»

Quel a été le suivi de ces expériences par la population locale  ? Si, on l'a vu, beaucoup d'individus ont été concernés indirectement par la démarche, est-ce devenu leur projet pour autant ? L'action de l'enfant pourrait être l'initiatrice, par effet boule de neige, d'une démarche plus globale, si tant est qu'elle entre en résonance avec des volontés politiques locales déjà présentes.

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