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Pour autant, l'école en milieu rural peut parfois être une question subsidiaire pour les élus, comme l'a senti le directeur de l'école de Scrignac, précisant bien qu'il s'agissait de sa perception personnelle de ce qui se passe à Scrignac, territoire en perte de population depuis les années 1970 :

«Y : Mais d'où ça vient pour toi le fait que ben, comme tu dis, les parents ils disent que de toute façon ça c'est toujours fait comme ça, ou ce genre de choses ? Ou que ça bouge peu à la mairie ?

PY : (Silence) Bah on est dans une, une petite société, euh, avec ses, ses freins, comme toute société, je pense qu'il faut que y'ai un certain nombre de gens qui aient évolué pour que la société évolue. Enfin déjà y'a pas énormément d'enfants  ! Euh, c'est une société qui reste ...assez... patriarcale  ! Avec des modèles qui .. qui n'évoluent pas très vite ! Alors pourquoi est-ce qu'ils n'évoluent pas très vite  ? Peut-être parce que y'a moins de brassage de population … Et qu'elle est très rurale, et donc la, l'intérêt d'une majorité de gens est plus dans  : avoir des routes communales qui fonctionnent bien pour aller d'un point à l'autre de la commune. [ ...] Peut-être que ben les enfants, l'école on l'investi parce que c'est un, ben c'est un service publique, c'est important de pouvoir mettre les enfants à l'école etc. (inspiration) Mais en même temps c'est aussi le lieu où éventuellement si les enfants réussissent à l'école, ils vont partir de la commune. […] L'école comme de toute façon elle

est obligatoire ben c'est bien que y'en ait une dans la commune ! Comme ça ça évite d'aller à perpète ! Mais en même temps elle reste une espèce d'ennemie parce qu'elle apporte éventuellement des réflexions qui peuvent remettre en question des modes de vie et puis … Elle, elle, elle est LE moyen pour les, enfin ! Ou la cause de l'exode rural. [...] quand on appris à faire autre chose, qu'on a des diplômes, ben on part ailleurs ! C'est ce qui s'est passé y'a 50-70 ans. Avec un gros gros exode rural dans dans dans ces coins là.[...] Et c'est à travers l'école que finalement euh beaucoup beaucoup d'habitants sont partis de la région ! Voilà, donc y'a, le rapport entre l'école et puis (son de porte) et les institutions comme ça et le, et la commune euh, sont pas forcément simples ! Y'a un consensus ! Voilà ! On se respecte, on se rend service, mais euh en même temps on sait que on est pas toujours du même bord. » (1)

Cet investissement timide dans l'école de la part de la population locale se justifie dans les endroits en perte de population comme le centre- Finistère, ce n'est par exemple pas le cas à Edern, proche de Quimper, où à Trébédan, en gain de population, avec des activités qui se diversifient. Mais Nicolas Renahy souligne lui aussi le problème dans le village où il a grandi, en Bourgogne, avant de le quitter :

«  Dans un contexte d'isolement géographique et social, où les élus du système scolaire quittent encore plus rapidement leur milieu d'origine qu'ailleurs, les groupes de pairs issus de l'enfance sont rapidement amputés de leurs membres les plus en phase avec la culture légitime. Ne (1) Pierre-Yves Phillippot, Directeur de l’école de Scrignac

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restent bien souvent durablement au village que les jeunes exclus précocement du système scolaire qui ne doivent compter que sur les réseaux locaux pour accéder au marché du travail » (1)

L'école en campagne incarne un territoire et ses dynamiques. Son investissement ou non par le monde des adultes est signif icatif d'une volonté politique. Et il influe en tout cas sur les expériences pédagogiques réalisées : les inquiétudes financières vis à vis des projets de l'école de

Trébédan ont été balayées car la population avait été impliquée, et convaincue par le projet. La résidence d'architectes à Scrignac, aidée par le Ministère de l'éducation nationale, a crée une dynamique à l'année, mais beaucoup moins suivie. Transmettre une culture architecturale dans les écoles rurales aujourd'hui dépend donc de l'enseignant, le Ministère de l'éducation le laissant sans directives spécifiques à suivre, mais aussi de la collectivité de village et de son implication ou de sa méfiance par rapport à l'école.

B.2. L’enfant, intégré dans le dessin de son

environnement ?

Y’a quoi sur cette image et pourquoi ça te fait penser à la pédagogie ?

Alors, c’est un arbre avec une cabane dedans ! (rires) Et des … des, une guirlande ! Ça me fait pas vraiment penser à la pédagogie (rires), mais sinon j’avais rien qui me faisait penser à la pédagogie. Et là je me dis que c’est... la pédagogie c’est plutôt par rapport aux enfants, et les enfants ils aiment bien s’amuser dans une cabane et peut être qu’ils ont appris … ils l’ont peut être fabriquée eux même. C’est peut être de la pédagogie !

Les architectes du studio Verstas, en Finlande se demandent quand ils dessinent des écoles «  de quelle façon l'élève apprend » plutôt que «  de quelle façon le professeur doit-il enseigner  ». Et cela change beaucoup de choses dans la façon de penser le projet. Qu'en est-il en France ? Prend-on en considération le fonctionnement de l'enfant dans nos réflexions sur les espaces scolaires et de loisirs ? Doit-on même le faire d'ailleurs, ou cela n'aura de toute façon pas d'impact sur l'éducation de l'enfant ?

(1) Renahy Nicolas. Les Gars du coin, Enquête sur une jeunesse rurale. Paris , La découverte, 2015. p271

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