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«  Sur le chemin de l’école, les petits villageois gardaient une certaine part d’initiatives, ils faisaient des rencontres, inventaient des niches et des jeux. Maintenant, le ramassage scolaire les prive de tout contact avec la nature et la vie des adultes. Le trajet se réduit à une navette porte à porte. Plus de détours, de rencontres en chemin. Les mères viennent chercher leurs gamins en voiture ou le bus les transporte comme des colis recommandés. L’enfant-paquet n’a plus le loisir d’observer, de muser »(1)

L’école crée des territorialités : la nôtre était en haut de la colline, nous étions en bas. Avec mes frère et sœurs nous passions par le jardin de la maison de retraite, puis rejoignions des copains qui passaient par le parc autour de la chapelle pour rattraper. Et puis ça grimpait, la route passait devant l’école maternelle et le terrain de foot, et nous pouvions voir plus loin les collégiens à leur portail. D’autres amis habitaient sur cette route, mais venaient en voiture, et je me rappelle de mon petit frère leur disant, un jour qu’ils montaient avec nous, de faire attention parce qu’à cette heure des voitures sortaient de la petite rue devant laquelle ils jouaient. Pascale Legué questionne ce changement de pratiques, ce trajet entre l’école

et la maison qui, dans une majorité de commune, se fait aujourd’hui en voiture. Si la carte scolaire est aujourd’hui moins riche et qu’il n’y a plus une école par commune, ce n’est pas simplement une question de longueur de trajet. Cela révèle une évolution de la société : Axelle et Maël auraient très bien pu venir à pieds avec nous, seulement leurs parents trouvaient ça dangereux, et arriver en voiture leur semblait considérer la fatigue de l’enfant : ils s’arrêtaient parfois, voulant nous prendre parce qu’il pleuvait, ou qu’il faisait froid. «  Le monde réel de l’enfant n’est pas celui qui ressort de la leçon de géographie, c’est celui du cadre des rues, des carrefours, des magasins qui limitent son périmètre de vie » (2)

La proposition de Matali Crasset à Trébédan afflue en ce sens  : la structure à l’entrée sert aussi à y laisser son vélo, et La Rencontre, structure posée hors les murs de l’école, est le lieu où les parents peuvent rester pour parler ensemble, leur donnant une raison pour choisir un cheminement lent.

«N : Donc avec l’idée de, de l’entrée extérieure, qui permette que là ça soit fermé, et là ouvert d’accès. Qui liait le point chaud, qui a l’air anecdotique,

(1) Dolto Françoise, La Cause des enfants. Paris : Ed. Pocket, 1995. p72

(2) dir. Paquot Thierry. La ville récréative : enfants joueurs et écoles buissonnières. Gollion : Ed. Infolio, 2015. p131

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mais par exemple si y’a des assos qui, comme le club de l’amitié qui vient, si ils viennent là faut qu’ils puissent faire leur café ! Et pour autant tu peux pas laisser l’accès à la cuisine. Donc ça c’est prévu pareil, en amont du projet quoi ! (montre autre structure en bois par la fenêtre) Donc ça c’est La Rencontre et c’est ici que le Café associatif, en fait ça c’est la maison des associations (me la pointant par la fenêtre), et c’est là qu’ils font le café associatif et que le, l’association a son siège en fait. […] À l’origine le mur de l’école il se prolongeait là (montre la salle de partage et l’espace jardin) donc cette pièce là, cette salle là, elle a été volontairement proposée par Matali à cheval sur l’espace « école » et la place publique ! Donc y’a cette connexion là qui est proposée, mais c’est une fonction là aussi d’un lieu « qui incarne ». Tu vois ? » (1)

L’école à Trébédan fait lieu commun, prend en considération les usagers extérieurs. Et vice-versa  : le café associatif crée semble s’insérer entre la mairie et l’école, proposer un lien visuel et d’usages. Mais cette surdimension de l’école, ces bras tendus vers le reste du village sont rares, et l’on m’a plus souvent évoqué l’absence, surtout depuis les procédures vigipirates, de lieux pour attendre  : l’habitacle de la voiture devient alors l’espace d’attente. Alors

que l’école, espace où de nombreux publics se croisent, aurait pu faire lieu commun :

«N :  Et puis une conviction aussi que par l’art on se rencontre, on se révèle et on se rencontre, voilà. Tu peux la noter cette phrase là, parce qu’elle était pas mal ! (rires collectifs) Enfin c’est à dire que voilà, on se dit, c’est ce que je disais ce matin en fait ! Sur le.. le pari qu’on a pris il y a 18 ans et qui n’en est plus un puisque, enfin on a une telle, une telle démonstration du pari réussi que c’est assez facile maintenant de le dire quoi ! Mais quand on le voit là au spectacle, donc y’a les élèves qui dansent, des parents, des élus, des petits vieux, des jeunes adultes handicapés en fauteuils roulants et que tout ça, enfin des chorégraphes, des danseurs professionnels, des danseurs amateurs aussi, voilà ! Un musicien qui joue sur place ! Et que tout ça fait alchimie, et que tout le monde regarde ça avec, avec l’oeil de l’alchimie qui se produit, on se dit : « Bon .. »

Y : (rires) ça a bien marché !

Voilà, ouais, ouais, ça a bien marché ! » (2)

Par l’évolution de notre société, l’école est souvent devenue un lieu fermé, ce que beaucoup de gens interrogés regrettent. Mais fermer le portail à clé est aussi un moyen de se protéger soi-même, de ne pas porter de responsabilités si quelque chose venait à mal se passer. Beaucoup s’accordent à dire que croiser d’autres publics et observer d’autres pratiques de l’espace construirait l’enfant, et serait répondre à sa curiosité souvent muselée :

fig.42

(1) & (2) Nolwenn Guillou, Directrice de l’école de Trébédan

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«  N’est-il pas un chercheur d’hors ? Hors de lui, hors de chez ses parents, hors de l’école, hors des claviers et autres écrans, hors des sentiers battus, hors des quartiers géométriques et des architectures disciplinaires, hors des aires de jeux standardisées, hors des pensées toute faites, hors des dedans qui l’enferment au nom de son bien- être, de sa sécurité, des normes normales... » (1)p136 T Paquot

L’architecture et le paysagisme, pensées dans leur ensemble, dans le contexte global du village pourrait être une solution, et pas forcément des plus difficiles à mettre en place : des buissons d’un côté et de l’autre de la clôture pour la faire disparaître visuellement comme à Trébédan, la création d’un petit chemin piéton pour les enfants comme à Scrignac, ou la transformation des structures de protection vigipirates en bancs larges comme proposé par Didier Pidoux du Caue 22.

fig.43

(1) dir. Paquot Thierry. La ville récréative. Gollion : Ed. Infolio, 2015. p136

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