• Aucun résultat trouvé

La notion de projet d'architecture implique aussi une démarche de travail particulière, un moment de conception pour l'enfant. Cette autre approche du travail est elle- intéressante pour l'enfant ?

Tout d'abord, le temps de la conception implique une posture créative, de recherche. Elle suppose une certaine capacité à se projeter

« On pourrait avoir un bac à sable plus carré, comme ça il serait plus grand ! »m'a dit Matthieu à Carhaix, avant que Nolan ajoute, happé par

l'image «  Ah oui ! Avec une structure autour pour tendre des bâches au dessus parfois ! ».

Nolwenn évoque les temps de conseils de classe à Trébédan, qui démarrent souvent des envies de projets :

« N : Là par exemple on a l'intention de travailler justement sur cet espace cour, sur lequel il faut qu'on retravaille encore sur les circulations, les appropriations, … Plus la cohérence avec les temps périscolaires. Donc on fait la Charte de l'école bienveillante et puis .. Donc

(1) Walter Saunier, Inspecteur de l’Education Nationale

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU DROIT

D'AUTEUR

75

c'est notre gros fil rouge d'école de l'année. On a toujours un fil rouge commun aux trois classes, donc c'est notre gros fil rouge, qui va se mêler aussi avec la littérature, aussi avec des réalisations artistiques, toujours pareil quoi  ! […] C'est à dire que là on est en train de travailler sur les lieux, d'un point de vue évident .. D'façon ils l'ont déjà proposé en cycle 3, en conseil de classe, voilà, ils l'ont déjà proposé. Donc après c'est leur projet.»(1)

à partir de ces points de départs là, il faut ensuite amener le projet à se faire. Et là, comme l'a dit Walter Saunier en entretien, cela amène les enfants à questionner le réalisme de leurs idées. Céline, secrétaire de mairie à Trébédan m'a ainsi raconté : «Y : Et vous, vous avez eu vos enfants à l'école aussi ?

C : oui, oui, oui ! Donc les deux grands ont travaillé sur le projet, le dernier non. Et, mais bon oui, ils étaient contents de travailler sur le projet. Ce qu'ils étaient déçus, c'était que c'était pas « comme sur les plans de Matali ! »

Y : Comment ça c'était pas comme sur les plans ?

C : Ben la récréation ils pouvaient jouer en haut et puis .. parce que si on prend les premiers croquis c'était .. (rires collectifs) ah c'était génial hein  ! C'était le paradis pour les enfants hein ! (rires collectifs) Et au niveau sécurité, impossible … Mais, et le regret qu'ils ont ben ouais, c'était qu'ils étaient un petit peu plus âgés, et du coup ils ont pas pu profiter des locaux, ben comme le fils à M. Ibagne quoi ! » (2)

Car, ayant suivi l'évolution du plan de leur école, ils l'ont vu évoluer selon les contraintes techniques, d'usages,

ou encore de sécurité, tout en étant partis de sa version la plus rêvée.

Daniel Lacombe évoque les « fuites

imaginatives » que devraient pour lui pouvoir susciter l'architecture aux enfants, car les laisser osciller entre la réalité matérielle des espaces qui les entourent et l’imaginaire qu'ils convoquent leur fournit une certaine liberté par rapport aux institutions, à la norme. Ainsi, les enfants à Carhaix ont été très touchés par une image de référence que je leur ai montré, et m'ont demandé de la redessiner pour leur cour. Le dessin s'est constitué petit à petit, par un ajout de questions plus concrètes : « Oui, mais comment on monte ? » « Mais pour les petits, c'est dangereux là ! » Si bien que sur le temps libre, quand un enfant m'a redemandé un dessin dans le même genre pour qu'il le ramène chez lui, il a bien précisé  : «  Mais pour une architecture fausse hein ! C'est pas grave si c'est pas possible, c'est juste pour imaginer ! ». Nicolas Duverger résume cette idée en ces mots :

«  Avec un tout petit objet architectural f inalement ben on peut mettre en partition un certain nombre de sujets qui dépasseraient comme ça, si on les appréhendait de façon un peu trop savante. L'intérêt de l'enfant quoi ! Là, ça cristallise tout ça ! C'est dit avec des mots simples. Et c'est surtout dit en faisant les choses, quoi ! C'est ça qui est intéressant ! ». Le temps de construction de la cabane à Scrignac a ainsi été suivi par les enfants, qui pouvaient venir observer à tour de rôle comment elle a été montée : «  Y'a eu des moments où ils sont venus nous aider sur le chantier mais alors ça c'était juste une journée où ils venaient à tour de rôle, pendant les récréations ». (3)

(1) Nolwenn Guillou, Directrice de l’école de Trébédan (2) Céline, Secrétaire de mairie de Trébédan (3) Paloma Charpentier, architecte

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU DROIT

D'AUTEUR

76

Une fois l'objet fini, le temps de la restitution est aussi un moment clé de la démarche de projet. Gaëlle Milcent- Guignard, psychologue, souligne l'importance de faire des choses sous le regard de l'adulte pour l'enfant. D'après le directeur de Scrignac, la restitution publique donne aussi du poids, de la légitimité à l'expérience faite :

«PY :   Donc on a eu beaucoup de monde dans la classe comme ça, à passer.. Donc y'a eu une espèce de poids institutionnel, à mon avis exagéré, mais euh .. Euh, parce qu'après c'est des feux de paille ça ! Ça .. Et ce qui fait que ben ça a donné beaucoup d'importance aux yeux des enfants. Puis on en a profité pour les motiver aussi, ben en leur disant « Voyez, c'est super important, y'a les inspecteurs qui viennent ! », enfin ! Pour, aussi, pour les rendre fiers de ce qu'ils font et puis pour leur dire que bah ce qu'ils font c'est important ! »(1)

Les maquettes de cabanes qu'ils ont réalisé ont ainsi été exposées à Rennes, et leur livre présenté au Salon du Livre Jeunesse des Monts d'Arrées. Mais ils n'ont pas eu la parole pour présenter leur projet, ce qui est différent des enfants de Trébédan, amenés à expliquer leurs projets à de nombreux acteurs extérieurs, ou

se les présentant entre eux, 20% des élèves venant de familles d'accueil sur la commune, et donc ne connaissant pas à la base le projet. C'est pourtant, à la grande surprise de l'enseignante, un enfant nouvellement arrivé qui a expliqué au mois de novembre la forme de la structure en bois à l'extérieur de l'école à des enfants d'une école primaire de Rennes. La démarche de projet, c'est un terme f réquemment utilisé dans certaines méthodes pédagogiques, comme la méthode Montessori ou Freinet. Les expériences réalisées à Edern, Trébédan ou Scrignac l'ont utilisée par le biais de l'architecture, pour suivre un objet ou un espace de sa projection à sa réalisation et à sa restitution. Ce choix pédagogique est une affirmation que « ce n'est pas forcément le but qui compte, mais c'est le chemin qui est emprunté. »,

comme le dit Walter Saunier. Et ça, dans un système pédagogique souvent basé sur une culture du résultat, cela peut être assez dur à poser. Des professionnelles du milieu de la petite enfance, à une conférence, ont évoqué l'importance pour certains parents de voir ce que leurs enfants avaient fait, et qu'il était donc dur pour elles d'entrer dans une démarche de projet sur le long terme, car cela n'était par conséquent pas palpable par les parents. La restitution publique pourrait bien être cette clé permettant de donner à voir aux parents ce que leurs enfants ont pu faire et penser pendant cette démarche non linéaire qu'est le projet architectural.

fig. 35

(1) Pierre-Yves Phillippot, Directeur de l’école de Scrignac

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU DROIT

D'AUTEUR

77

C. l'enfant, acteur de son cadre de vie ?

Adulte, chez vous, si vous n'aimez pas l'organisation d'une pièce,

Documents relatifs